Signataires : Gilles Bazin, Denis Hairy, Lucien Bourgeois, Michel Jacquot, Jean-Marc Boussard, Jean-Christophe Kroll, Jean-Claude Clavel, André Neveu, Hélène Delorme, François Papy, Joseph Garnotel, Claude Servolin

La pauvreté est un phénomène qui se pose avec acuité au Royaume-Uni, berceau de la révolution industrielle, du Welfare State et de la contre-révolution néolibérale thatchérienne. L'article examine les approches utilisées pour mesurer la pauvreté, dresse un profil des populations les plus touchées, pour ensuite s'intéresser aux principales conséquences et aux réponses apportées par les pouvoirs publics depuis une quinzaine d'années. Plus récemment, la mise en œuvre d'un plan d'austérité draconienne sous le gouvernement de David Cameron accentue le phénomène de paupérisation en entraînant une augmentation de l'endettement des ménages les plus démunis. Cette situation a suscité un réveil des mouvements contestataires qui placent la lutte contre la pauvreté au cœur de leurs revendications.

Les campagnes françaises sont aujourd'hui très majoritairement peuplées d'actifs peu qualifiés ouvriers et employés (7% d'agriculteurs seulement) et de non actifs modestes. Le taux de pauvreté rurale dépasse 15% dans plus du tiers des départements. Compte tenu de services sociaux et de transports déficitaires, la recherche d'emploi y est très difficile, notamment pour les jeunes et les femmes ; de véritables « trappes à pauvreté » et « zones de relégation » apparaissent. Le développement rural n'est guère favorisé par l'arrivée à la campagne de nombreux ménages modestes ou pauvres, rejetés hors zones urbaines notamment par le coût du logement.

Evelyne Ritaine

La construction politique de la frontière extérieure de l’UE en Méditerranée, envisagée du point de vue des Etats de l’Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce, Malte), montre l’importance de la charge politico-symbolique du contrôle de la frontière pour ces Etats. Elle détermine en grande partie les modalités des contrôles mis en place, et les intrications entre décisions nationales et décisions européennes. La mise à l’agenda de cette question fait apparaître une version méditerranéenne des frontières extérieures de l’UE, largement déterminée par les conditions d’intégration des différents pays méditerranéens dans l’espace Schengen. Ce nouveau régime frontalier révèle des jeux politiques complexes, tant cette frontière méditerranéenne est saturée par des échanges politiques qui en construisent une vision sécuritaire. Considéré comme un produit de ces différents processus et tensions, l’actuel dispositif de contrôle apparaît bien moins planifié et légal-rationnel qu’erratique et travaillé par des tensions permanentes, entre tactiques internes, stratégies étatiques et tentatives de communautarisation.

Anthony Amicelle

Ce texte a pour objectif d’examiner les dynamiques de surveillance à l’œuvre dans le domaine de la lutte contre le « terrorisme » et son financement. En proposant une analyse détaillée de l’« affaire SWIFT » et du Terrorist Finance Tracking Program américain, le présent texte met donc en lumière un programme spécifique qui va nous permettre de questionner les velléités contemporaines d’accès aux bases de données commerciales à des fins de renseignement. Cette étude explore ainsi un aspect sensible de la coopération antiterroriste à l’échelle transatlantique.

La frontière, en tant que principe organisateur des relations internationales, a une histoire. Il faut tenir compte de celle-ci pour comprendre pourquoi, vu d'Europe, la notion de « dépassement des frontières » peut sembler une sorte d'idéal politique à atteindre, alors que vu d'ailleurs ce n'est pas nécessairement le cas. Le contraste des perceptions est, en l'occurrence, particulièrement net entre les anciennes puissances impériales européennes et les nations qui ont subi la domination de ces dernières. La signification de la souveraineté n'est historiquement pas la même chez les unes et les autres. L'homogénéité du discours sur le « village global » ou le « monde sans frontières » tend à faire perdre de vue cette différence fondamentale entre les trajectoires nationales. Elle n'en pèse pas moins dans la façon dont les Etats, européens et non-européens, se positionnent face à la mondialisation contemporaine.

Tandis que certains annoncent la « globalisation » du monde, l' « Europe » se cherche une frontière extérieure à laquelle ses États-membres seraient susceptibles d'articuler leurs mécanismes de contrôle et de surveillance des individus mobiles. Établissement d'une frontière et ancrage de l'Europe dans une modernité politique dépassée par les flux transnationaux, ou traçabilité des individus au moyen d'outils techniques déterritorialisés qui rendent la frontière-ligne géographique obsolète ? C'est là l'aporie face à laquelle se trouve aujourd'hui l' « Europe » - et, avec elle, les États-nations de l'ère de la modernité politique. Une aporie que nous nous proposons de discuter en explorant les pratiques de frontiérisation et leurs effets.

Marie-Laure Basilien-Gainche

A la suite du printemps arabe qui a marqué le début de cette année 2011, quelque 30 000 Nord-Africains ont débarqué sur les côtes italiennes et ainsi ravivé les peurs d'une Europe en crise de croissance et d'identité. Dénonciation d'un manque de solidarité entre Etats membres de l'Union dans le partage du « fardeau » de l'accueil des migrants par les uns, accusation d'un manque de vigilance dans les contrôles aux frontières extérieures de l'Union par d'autres, les tensions se sont avivées entre l'Italie et la France ; entre les Etats méditerranéens et les autres ; entre certains Etats membres et l'Union ; entre le Conseil et la Commission. Le débat sur une remise en cause des accords de Schengen met en évidence combien les fondamentaux de cet espace sont aujourd'hui malmenés, qu'il s'agisse de la libre circulation des personnes ou de la confiance mutuelle entre Etats membres.

Après avoir illustré comment la science économique envisage l'enjeu spatial, on analyse l'innovation majeure apportée par la globalisation : là où le commerce international se heurtait à un « effet-frontière » relativement identifiable et linéaire (un tarif douanier), il est avant tout confronté aujourd'hui à des obstacles territoriaux. Ainsi, accroître les échanges internationaux demande de négocier sur les règles du jeu internes à chaque économie : droit de la concurrence, du travail, de la consommation, de l'environnement, etc. De fait, ceci met en question la construction progressive de ces économies et de leur armature institutionnelle, sur les décennies et parfois les siècles passés. C'est la rencontre de l'histoire et de la géographie. Et parce que redessiner les frontières demande donc de renégocier la constitution civile des marchés, au plan interne, l'économie politique de la libéralisation devient elle-même beaucoup plus complexe. Après avoir analysé la réponse européenne à ce dilemme régulation interne / ouverture externe, on identifie trois principes génériques de coordination par lesquels envisager la renégociation des frontières : le traité international, la reconnaissance mutuelle des normes, et l'hégémonie.

Christian Milelli, Françoise Hay

L’arrivée en Europe de firmes originaires de Chine et d’Inde est un phénomène certes récent, mais qui doit être vu comme une dynamique durable traduisant l’essor économique des deux géants asiatiques. Dans cette perspective, il est opportun de détailler les principaux traits d’investisseurs qui restent encore largement méconnus en Europe en dehors d’un cercle restreint d’initiés, et qui présentent des caractéristiques spécifiques dont certaines se recoupent parfois ; l’explication de cette diversité est à rechercher dans des expériences historiques nationales singulières. L’exploration de la question des modalités d’inscription territoriale des filiales de ces entreprises éclaire les choix, la nature et l’intensité des différentes interactions. Enfin, l’examen de la thématique des conséquences de la venue de ces nouveaux investisseurs sur les économies et les sociétés européennes permet tant de désarmer d’éventuelles paranoïas infondées que de mieux cerner et faire face aux différents enjeux. L’enseignement principal de cette réflexion réside dans la nécessité d’un suivi périodique et méthodique d’un phénomène qui n’en est encore qu’à son adolescence.

Thierry Chopin et Lukáš Macek 

La ratification du traité de Lisbonne a été, selon la formule de José Manuel Barroso, « un marathon d’obstacles ». Son entrée en vigueur signe la fin du débat sur l’avenir de l’Europe ouvert en décembre 2000 au Conseil européen de Nice. Rétrospectivement, le regard que l’on peut porter sur cette séquence politique permet d’établir un diagnostic de la crise de légitimité que traverse l’Union européenne. Les auteurs de la présente étude voient dans la montée de certaines formes d’euroscepticisme une conséquence de la crise de légitimité de l’Union et proposent d’y répondre par une politisation du système politique européen. Cette politisation, qui pourrait être développée à traités constants, permettrait de renforcer la possibilité pour les citoyens de peser sur les orientations politiques de l’Union européenne, tant dans ses aspects fondamentaux que dans son processus législatif ordinaire. Pour favoriser une telle politisation, plusieurs pistes concrètes peuvent être envisagées, touchant à la pratique institutionnelle et au comportement des acteurs de la vie politique européenne.

André Grjebine, Eloi Laurent

La « méthode suédoise » désigne la capacité collective des Suédois à s'adapter, dans la période contemporaine, aux défis économiques et sociaux auxquels ils sont successivement confrontés. Notre étude tente à cet égard de poser et d'éclaircir deux questions : quels sont les ressorts profonds de la « méthode suédoise » ? Comment évaluer sa pérennité dans la phase actuelle de mondialisation ? En somme, nous voulons déterminer dans quelle mesure la confiance et la cohésion sociale, au coeur du succès suédois, pourraient être affectées par les changements de politique publique qu'induit une stratégie d'ouverture et d'adaptation dont la Suède a beaucoup poussé les feux ces dernières années. Après avoir passé en revue la littérature sur les rapports entre confiance, cohésion sociale et performance économique afin de mesurer l'importance respective des facteurs de cohésion sociale, nous montrons comment ces composantes se sont institutionnalisées selon trois logiques socioéconomiques, la Suède ayant choisi la voie sociale-démocrate. L'étude revient ensuite sur les performances économiques et sociales de la Suède dans la période contemporaine et détaille sa stratégie de croissance actuelle, typique d'un « petit » pays. Nous détaillons finalement l'évolution des politiques macro-économiques, fiscales, d'immigration et d'éducation et nous mettons en avant l'affaiblissement des protections collectives et l'altération de certaines politiques publiques déterminantes – altération qui pourrait à terme remettre en cause la stratégie de gouvernance suédoise par l'affaiblissement de la cohésion sociale.

Antoine Vion, François-Xavier Dudouet, Eric Grémont

L’étude propose d’analyser les liens complexes entre standardisation et régulation des marchés de téléphonie mobile selon une perspective d’économie politique tenant compte, dans une perspective schumpetérienne, des déséquilibres de marché et des phénomènes monopolistiques associés à l’innovation. Elle vise d’abord à souligner, pour les différentes générations de réseaux (de 0 G à 4G), la particularité de cette industrie en matière de retour sur investissement, et le rôle clé que tient la standardisation des réseaux dans la structuration du marché. Cette variable-clé du standard explique en grande partie la rente qu’a représenté le GSM dans les dynamiques industrielles et financières du secteur. L’étude explore ainsi les relations entre les politiques de normalisation, qui ne sont évidemment ni le seul fait d’acteurs publics ni de simples règles de propriété industrielle, et les politiques de régulation du secteur (attribution de licences, règles de concurrence, etc.). Elle souligne que les vingt-cinq dernières années rendent de plus en plus complexes les configurations d’expertise, et accroissent les interdépendances entre entrepreneurs de réseaux, normalisateurs et régulateurs. Dans une perspective proche de celle de Fligstein, qui met en avant différentes dimensions institutionnelles de la structuration du marché (politiques concurrentielles, règles de propriété industrielle, rapports salariaux, institutions financières), il s’agit donc ici de souligner les relations d’interdépendance entre diverses sphères d’activité fortement institutionnalisées.

La cohésion sociale apparaît comme une caractéristique fondamentale du « modèle norvégien ». Ce pays constitue même une sorte de laboratoire en la matière, permettant de mesurer les effets à la fois positifs et négatifs d’une telle priorité, mais également de s’interroger sur ses composantes. L’homogénéité ethnique et culturelle qui caractérise historiquement la Norvège est dans une large mesure à l’origine du modèle social-démocrate norvégien, c’est-à-dire de politiques économiques et sociales visant à renforcer la cohésion sociale. Si cette stratégie a permis à la Norvège d’obtenir des performances exceptionnelles, elle semble aujourd’hui menacée. Surgissent ici trois interrogations majeures que nous examinerons : les mouvements internationaux de population ne rendent-ils pas problématique le maintien d’une homogénéité ethnique et culturelle dans un pays qui se caractérise par une économie largement ouverte ? Alors que la Norvège doit faire face à une concurrence internationale croissante, les effets pervers de l’homogénéité sociale ne risquent-ils pas de supplanter ses avantages ? Enfin, les revenus pétroliers seront-ils suffisants pour assurer la pérennisation du modèle norvégien, malgré les facteurs perturbants liés à la globalisation?

La place prise par l’hypothèse – souvent devenue postulat – de la « permanence » ou de la « rémanence » contemporaines des imaginaires et des pratiques de domination propres aux « situations coloniales » invite à essayer d’esquisser un premier état des lieux du renouveau de l’historiographie du fait colonial. Après avoir passé en revue les principales lignes de force de cette historiographie, l’on s’efforcera de montrer, au regard du cas sud-est asiatique, que la compréhension des dynamiques du moment colonial des sociétés politiques noneuropéennes gagne à être raccordée à une interrogation comparatiste sur la notion d’hégémonie impériale. Il s’agira plus précisément de rappeler que les sociétés politiques d’Asie du Sud-Est vivaient, à la veille de leur « rencontre coloniale » avec l’Europe, sous le régime de modes spécifiques d’entrée en modernité étatique – et, ce faisant, de pointer les phénomènes d’enchâssement des historicités impériales. Analyser le moment colonial de l’Insulinde ou de l’Indochine non plus comme l’unique point d’origine des entrées en modernité (étatique, capitaliste, individualiste), mais comme une séquence d’une histoire impériale ‘‘eurasiatique’’ de « longue durée », c’est en effet se donner les moyens de penser l’histoire des sociétés asiatiques dans son irréductible spécificité.

Laurent Scheeck

Tandis que le pouvoir politique de l’Union européenne s’est considérablement renforcé, l’Union est également devenue une source potentielle d’atteintes aux droits de l'homme. Alors que les gouvernements des États membres étaient en désaccord sur la mise en place de mécanismes de contrôle conséquents au niveau européen pendant plusieurs décennies, la Cour de Justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l'homme ont anticipé le choix intergouvernemental. Les chemins des deux cours européennes se sont croisés quand elles ont dû faire face à une double discontinuité de la protection des droits de l’homme au niveau de l’Union européenne. L’interaction turbulente entre les deux cours supranationales ne s’est pas seulement soldée par une amélioration relative de la protection des droits de l'homme, mais a aussi profondément transformé le cours de l’intégration européenne. Au fil du temps, l’enchevêtrement des liens entre les deux cours a mené à la mise en place d’une nouvelle forme de diplomatie supranationale entre juges européens. L’évolution de leur relation, qui se caractérise par la concomitance de logiques coopératives et conflictuelles, a permis de surmonter la traditionnelle opposition entre « l’Europe des droits de l'homme » et « l’Europe marchande » et d’inscrire l’adhésion de l’Union européenne sur l’agenda politique. Ce processus d’intégration par les droits de l'homme demeure toutefois une entreprise fragile et incomplète. Comme dans un jeu coopératif où deux joueurs doivent résoudre conjointement une énigme et où les deux perdent lorsque l’un d’entre eux tente de prendre les devants, les juges européens ont été amenés à trouver de nouvelles parades pour résoudre le problème de la double discontinuité européenne des droits de l'homme, en mettant l’accent non pas sur les institutions, mais sur leur relation.diplomacy between European judges. As a result of their evolving relationship, which is simultaneously underpinned by competitive and cooperative logics, the traditional opposition between an “economic Europe” and a “human rights Europe” has been overcome and the EU’s accession to the European Convention on Human Rights is high on the political agenda. Yet, this process of integration through human rights remains a fragile and incomplete endeavour. Just as in co-operative binary puzzles where two players must solve the game together and where both lose as one of them tries to win over the other, solving Europe’s binary human rights puzzle has required of European judges a new way of thinking in which it’s not the institutions, but their linkage that matters.

Frédéric Massé

Le conflit colombien est devenu en l’espace de quelques années un véritable « casse-tête » pour les Etats-Unis comme pour les Européens. Violations massives des droits de l’homme, déplacements forcés de population, trafic de drogue, terrorisme... La Colombie semble désormais incarner tous les problèmes sécuritaires d’aujourd’hui. Avec le lancement du Plan Colombie en 1999, les Etats-Unis ont considérablement renforcé leur aide à ce pays. Aujourd’hui, les Américains soutiennent activement le gouvernement d’Alvaro Uribe dans sa lutte contre les mouvements de guérillas désormais qualifiés de « narcoterroristes » et les rumeurs d’intervention armée reviennent régulièrement à l’ordre du jour. Longtemps restée en marge de la « tragédie colombienne », l’Europe semble quant à elle condamnée à jouer les seconds rôles. L’option militaire représentée par le Plan Colombie avait dégagé un espace politique que les Européens avaient commencé à occuper. Mais avec la rupture des négociations de paix, cet espace s’est rétréci et a peut-être même définitivement disparu. Face aux efforts américains pour monopoliser la gestion du conflit colombien, on voit en effet mal comment l’Union européenne pourrait revenir sur les devants de la scène dans cette région du monde qui reste le pré carré des Etats-Unis. D’autant que l’on n’entend plus guère de voix s’élever pour demander aux Européens de faire contrepoids aux Etats-Unis. Entre concurrence, recherche de complémentarité et incompréhension, le cas colombien est une nouvelle illustration de l’état des relations Europe-Etats-Unis.

Sabine Saurugger

Cet article se propose d'examiner les outils conceptuels nécessaires pour un début d'analyse des groupes d'intérêt au niveau communautaire. En effet, la réalité communautaire donne à voir non pas un système de représentation constitué, mais plutôt une "mosaïque" de modes de représentation, eux-mêmes influencés par des modes d'échange politique spécifiques à chaque pays et à chaque secteur. Ces modes de représentations et d'échange interagissent à leur tour avec les structures d'opportunité ou de "fermeture" communautaires. Analyser des modes de représentation des intérêts dans un système de gouvernance, qu'il soit national, communautaire ou international, exige de prendre en considération d'abord les fondements des relations qu'entretiennent les groupes d'intérêt avec les acteurs politico-administratifs au niveau national, mais aussi les modifications de ces relations, et enfin de les insérer dans un système de gouvernance appelé à trouver des solutions à la gestion des politiques publiques ; et cela, en sachant que le système reste cependant influencé par les relations hiérarchiques entre les acteurs et leurs jeux de pouvoir. Dans une première partie, nous nous interrogerons sur la manière dont s'est développée la recherche sur les groupes d'intérêt, en examinant les études relevant des relations internationales d'une part, et les études de politique comparée d'autre part ; puis nous présenterons les tentatives de systématisation entreprises depuis le milieu des années 1990 dans ce domaine. Dans une deuxième partie, nous analyserons plus particulièrement l'approche des réseaux de politique publique qui permet de dépasser le clivage entre le pluralisme et le néo-corporatisme dans l'étude des relations entre groupes d'intérêt et acteurs politico-administratifs. A travers une analyse critique des idées générales de l'approche théorique des réseaux de politique publique, nous proposerons des outils conceptuels spécifiques, permettant de structurer les recherches sur les groupes d'intérêt dans l'Union européenne.

Simon Bulmer

Cette étude est une revue critique de la littérature portant sur la relation entre l'Union européenne et ses Etats membres. Elle part du constat que ces relations sont interactives. Les Etats membres restent des acteurs incontournables de l'élaboration des politiques publiques dans l'Union européenne et leur rôle apparaît donc essentiel dans l'analyse du policy-making. Cependant, l'intégration européenne a aussi un important impact sur les Etats membres eux-mêmes : le phénomène est souvent décrit à l'aide du terme "européanisation". L'étude fait une recension détaillée de ces influences mutuelles, des problèmes analytiques qu'elle soulève et des perspectives théoriques qu'elle permet de déployer. Elle examine ensuite la littérature empirique qui s'est intéressée à la relation entre l'Union européenne et les Etats membres, et sur la manière dont cette relation est rendue opérationnelle par la littérature théorique. Cette dernière comprend en effet deux dimensions : des études monographiques et comparatives sur les relations entre les Etats membres et l'Union européenne ; des études sur l'impact de l'Union européenne sur certains acteurs et institutions nationales, ou sur certaines politiques ou secteurs d'activités économiques. Sur la base de cet examen critique, nous suggérons enfin un agenda de recherche permettant de progresser au double plan de l'analyse théorique et empirique.

Marco Martiniello

Ce cahier aborde la question de l'utilisation d'images de la différence et de la spécificité culturelles dans le "conflit communautaire" en Belgique. Par ce biais, l'interrogation porte sur la relation complexe entre identité politique et culture ainsi que sur la place de ces deux notions dans les processus de construction politique de l'ethnicité et de la nation. 
L'argumentation est développée en cinq points. Premièrement, l'ancienneté du "conflit communautaire" est rappelée. Deuxièmement, on montre que des images de la spécificité culturelle et identitaire ont toujours été politiquement exploitées dans ce conflit. Troisièmement, l'hypothèse suivant laquelle le processus de fédéralisation de l'Etat a révélé un changement profond de l'aspect du "conflit communautaire" est développée. Quatrièmement, on montre que les marqueurs culturels et identitaires utilisés politiquement dans le conflit varient selon que l'on se situe dans une politique de l'ethnicité ou dans une politique des nationalismes. Cinquièmement, des conclusions provisoires sont tirées quant à l'avenir de la Belgique.

David P. Calleo

Quels sont les défis que la fin de la guerre froide pose à l'Union européenne ? Saura-t-elle les relever ? Quels liens lui faudra-t-il conserver avec les Etats-Unis ? Quelles relations devra-t-elle instaurer avec la Russie ?
Les enjeux sont énormes : il ne s'agit de rien moins que de la stabilité et de l'harmonie du monde au prochain siècle. Les défis sont de tous ordres : politiques et de sécurité, économiques, institutionnels. L'auteur les explore et plaide pour une approche débarrassée des idéaux fédéralistes les plus irréalistes. Il se penche ensuite sur les Etats qui joueront les principaux rôles dans l'avenir de l'Europe : à l'intérieur, l'Allemagne et la France, à l'extérieur, la Russie et les Etats-Unis, et tente d'évaluer les chances qu'aura l'Europe de parvenir à se hisser à la hauteur des circonstances.

André Grjebine

L'auteur, après avoir revendiqué le droit de contester les aspects monétaires des Accords de Maastricht sans encourir l'accusation de nationalisme anti-européen, se demande si la voie choisie dans ces accords est la plus à même de préserver la synthèse d'efficacité économique et de solidarité sociale qui a longtemps distingué l'Europe occidentale des autres parties du monde.
Après avoir examiné la logique qui sous-tend la politique actuelle fondée sur le couple stabilité monétaire / désinflation compétitive, il analyse les effets pervers inhérents à cette stratégie. Il montre ensuite qu'on ne saurait attendre de la construction européenne qu'elle induise spontanément un rapprochement des économies des pays membres : c'est le paradoxe de la divergence. Après avoir suggéré que la Communauté ne saurait se passer de politiques économiques différenciées, il examine les termes du choix qui se pose si l'on veut préserver le couple efficacité économique / bien-être social : accélérer le passage vers une monnaie unique qui irait de pair avec le renforcement de politiques budgétaires nationales, ou bien définir un autre cheminement pour la construction européenne privilégiant le développement d'une monnaie parallèle.

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