Hélène Combes

Si la feria de Séville s’inscrit dans une tradition vivace en Espagne de festivités populaires, elle s’en distingue nettement par son caractère très fermé. Organisée autour de casetas, petites maisons de toile aux décors traditionnels, la fête se déroule dans ces espaces qui sont très majoritairement privés (seules 1,7% des 1052 casetas sont ouvertes au public). Lieu de l’entre-soi social par excellence, de l’entretien (parfois sur plusieurs générations) d’un capital social familial, la feria questionne la société démocratique et donne lieu à des débats et controverses, notamment sur sa prise en charge municipale. Son modèle de fête à guichets fermés génère aussi un phénomène de « contre-feria », qui s’est notamment développé au moment de la transition démocratique autour d’organisations politiques d’opposition. Proposer une histoire de la feria qui morcelle le collectif, qui le désenchante et le réinscrive dans les trajectoires sociales et politiques des individus et des groupes qui y participent permet de faire de la feria, objet emblématique des chroniques locales et des brochures touristiques, un objet de sciences sociales depuis lequel s’étudient réseaux sociaux et politiques.

Evelyne Ritaine

La construction politique de la frontière extérieure de l’UE en Méditerranée, envisagée du point de vue des Etats de l’Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce, Malte), montre l’importance de la charge politico-symbolique du contrôle de la frontière pour ces Etats. Elle détermine en grande partie les modalités des contrôles mis en place, et les intrications entre décisions nationales et décisions européennes. La mise à l’agenda de cette question fait apparaître une version méditerranéenne des frontières extérieures de l’UE, largement déterminée par les conditions d’intégration des différents pays méditerranéens dans l’espace Schengen. Ce nouveau régime frontalier révèle des jeux politiques complexes, tant cette frontière méditerranéenne est saturée par des échanges politiques qui en construisent une vision sécuritaire. Considéré comme un produit de ces différents processus et tensions, l’actuel dispositif de contrôle apparaît bien moins planifié et légal-rationnel qu’erratique et travaillé par des tensions permanentes, entre tactiques internes, stratégies étatiques et tentatives de communautarisation.

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