Pays-Bas : Relance ou austérité, les électeurs vont trancher

Abram de Swaan

01/09/2012

En partenariat avec Alternatives Internationales

À l’issue d’élections législatives anticipées, les Néerlandais pourraient quitter le camp de l’orthodoxie budgétaire. Un changement radical de politique qui intensifierait la crise existentielle de l’Union européenne.

Le 12 septembre, les Néerlandais éliront une nouvelle Assemblée. Un scrutin qui tournera autour de deux sujets majeurs : l’Union européenne (UE) et la crise économique. Et pour une fois, les électeurs auront un vrai choix à faire. Ils le doivent à deux partis populistes. L’un de droite, le PVV de Geert Wilders, l’autre de gauche, le Parti socialiste d’Émile Roemer. Depuis 1945, les Pays-Bas ont été gouvernés, dans des coalitions variables, par trois partis centristes : le VVD, le parti « libéral » qui soutient le libre marché et les libertés individuelles ; une alliance de catholiques et de protestants, désormais unis au sein du CDA, qui défend l’État-providence et est un peu plus conservateur en matière de libertés et de questions religieuses ; et enfin, le PvdA, le parti travailliste, plus progressiste sur les questions de moeurs et converti depuis une génération aux vertus de la mondialisation et du libre marché. Deux petits partis se situent un peu à gauche du centre : les écologistes de la Gauche verte et les Démocrates 66, la formation la plus europhile.

Aux deux extrémités du spectre politique, les formations populistes, le Parti socialiste et le PVV, veulent conserver les acquis du système de protection sociale néerlandais (surtout pour les salariés et pour les personnes âgées). Tous deux sont extrêmement méfiants à l’égard de l’Europe, veulent protéger l’économie contre l’emprise étrangère, et sont très libéraux en matière de moeurs. À droite, Geert Wilders a été extrêmement virulent contre l’islam et contre l’immigration. Mais il a baissé de ton sur ces sujets qui ne sont pas la priorité du moment des électeurs. À gauche, le Parti socialiste s’est débarrassé de son passé maoïste, tout en gardant un vernis prolétarien. Et il ne soutient jamais les musulmans ou les immigrés. Les trois partis centristes ont sans cesse perdu des sièges au profit des partis plus récents : des 131 sièges qu’ils détenaient ensemble en 1994, ils sont passés 102 en 2010. Du coup, au lieu de coopérer, ils ont mis l’accent sur leurs différences pour que les électeurs les distinguent mieux. Le CDA et les libéraux du VVD ont formé le dernier gouvernement avec seulement 52 sièges sur les 150 que compte la Chambre basse, et un soutien au coup par coup des 24 députés du PVV. En avril dernier, le cabinet a dû démissionner quand Wilders a refusé des baisses de dépenses nécessaires pour se conformer au plafond de déficit public de 3 % du PIB, exigé par l’UE.

Dans les sondages préélectoraux, les libéraux et le Parti socialiste se disputent la première place. Récemment, le dirigeant du PS a proposé de différer les coupes budgétaires pour ne pas étrangler l’économie du pays. Et si l’UE imposait une amende pour laxisme budgétaire, il refuserait de la payer. Mais cette incitation à la rébellion n’a pas plu à l’opinion et Roemer l’a sensiblement radoucie. On peut donc penser que si les Néerlandais devaient se rebeller au sein de l’UE, au final, ils s’aligneraient. Le pays, dont l’économie est très liée à celle de ses voisins, sait où se trouvent ses intérêts. Pour autant, au-delà du cas des Pays-Bas, il est intéressant qu’un homme politique de gauche, potentiel premier ministre, ait proposé d’augmenter la dépense publique pour sortir de la crise. Pour la première fois depuis longtemps, les électeurs sont ainsi confrontés à un choix sur l’un des sujets cruciaux du moment. Un choix paradoxal : les électeurs néerlandais peuvent difficilement demander à être exemptés de coupes budgétaires auxquels tous les autres pays sont soumis. Mais si d’autres devaient suivre, cela forcerait la Banque centrale européenne à racheter mille milliards d’obligations émises par les États de la zone euro. Et tous les pays exigeraient alors un plus grand contrôle de l’UE sur les politiques monétaires et budgétaires des différents membres de la zone. Que les électeurs néerlandais penchent à droite ou à gauche, et sans que cela dépende d’eux, il y aura aufinal davantage d’Europe, ou plus d’Europe du tout.

Abram de Swaan,
Sociologue néerlandais. Un livre regroupant plusieurs de ses essais consacrés à la mondialisation paraîtra aux éditions du Seuil en 2013.

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