Le protectionnisme et nos peurs

04/04/2012

  Editorial publié le 4 avril 2012, en partenariat avec Ouest France

La crise économique a réveillé le débat sur le protectionnisme. Deux Français sur trois pensent que des barrières douanières devraient être relevées pour préserver l'emploi et les salaires. Les candidats à la présidentielle se sont emparés du sujet. Les uns parlent de réciprocité dans le commerce international et de respect par tous des normes environnementales et sociales ; d'autres vont plus loin en appelant à l'instauration d'une taxe à l'importation.

Il faut être réaliste : aucun État au monde ne pratique complètement le libre-échange. Américains, Japonais, Indiens appliquent tous des mesures de protection commerciale. L'Europe aurait tort de ne pas en tenir compte. Pour autant, il ne faut pas abandonner le libre-échange comme principe.

La raison est simple : en France, 23 % de la richesse nationale dépendent des exportations de l'agriculture, des industries et des services. Or, pour exporter, il faut être capable d'importer. On ne saurait revenir au mercantilisme du XVIIe  siècle qui faisait dire à l'économiste Antoine de Montchrestien  : «  Les marchands étrangers sont comme des pompes qui tirent hors du royaume [...] la pauvre substance de notre peuple. »

Travailler à améliorer le « produit en France » ou le « made in France », comme le suggèrent plusieurs candidats, est légitime. En revanche, il serait ridicule d'appeler à n'acheter que des produits français. Que certaines branches d'activités disparaissent alors que d'autres surgissent n'est pas, non plus, scandaleux.

Les hommes politiques qui ont cru nécessaire de défendre le « sous-vêtement tricolore », lors de l'affaire Lejaby, ont fait preuve de beaucoup de démagogie. Ce secteur n'a en effet aucun avenir dans un pays à fort coût de main-d'oeuvre comme la France. Il n'est pas fortuit que le repreneur de l'usine Lejaby ait demandé aux ouvrières de se reconvertir dans le cuir de luxe, un secteur viable, lui.

« Une société qui a peur »

Un autre thème qui émerge dans la campagne électorale est le retour des contrôles physiques aux frontières. La candidate du Front national souhaite le rétablissement des guérites de jadis. Le Président sortant a déclaré que la France pourrait suspendre sa participation aux accords de Schengen si les États défaillants ne pouvaient pas être davantage sanctionnés. Une telle mesure serait une régression. La libre circulation est un acquis de l'Europe pour les Français. La plupart de ceux qui profitent de Schengen sont des citoyens qui circulent librement, sans aucune intention de trafiquer. C'est dans les ports et les aéroports, c'est-à-dire aux frontières externes, que les contrôles doivent être renforcés.

Ce nouveau débat sur le protectionnisme est révélateur d'une société qui a peur. La crise et le chômage l'expliquent. Mais comme le dit l'adage populaire, la peur est mauvaise conseillère ! Bien entendu, les démocraties ne doivent pas ignorer des problèmes comme la délinquance transnationale, les trafics de personnes ou l'immigration illégale.

En même temps, gouverner une démocratie, c'est rationaliser les menaces. On se souvient de la phrase du pape Jean-Paul II au peuple polonais : « N'ayez pas peur ! » Le message était double  : le communisme n'est pas tout-puissant, et surtout, aucun peuple ne réussit de grand oeuvre en vivant dans la crainte. Les candidats à la présidentielle devraient le rappeler.

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