Ce texte analyse les conditions dans lesquelles la Centrafrique, un Etat déliquescent au sortir d’une crise existentielle, sait jouer de ses propres faiblesses et d’une configuration régionale et internationale particulière pour aujourd’hui contraindre le champ politique et terroriser sa propre population en construisant un ennemi forcément étranger et en instrumentalisant la Russie pour sa pérennisation. Les moyens et techniques de coercition sont d’une grande modernité, même s’ils s’appuient sur un répertoire de pratiques coercitives déjà bien rodées en Afrique centrale. La fabrique d’un tel autoritarisme s’appuie sur la construction d’une menace particulière (des groupes armés transnationaux), une communauté internationale atone qui s’épuise à mettre en œuvre des solutions éculées et une offre de sécurité qui renvoie le maintien de la paix onusien ou la mission de formation européenne à la marge : l’implication militaire russe mais aussi rwandaise traduit une volonté de mettre hors jeu une gestion régionale et internationale de la crise qui a échoué, tout en reconduisant une économie concessionnaire dans le domaine minier et agricole, dont les premiers bénéficiaires restent les gouvernants à Bangui

Ce texte analyse les dynamiques des mouvements sociaux dans les revendications liées à la lutte contre la pauvreté en Afrique. Il montre comment l'accroissement de l'activisme des organisations n'a eu qu'un impact direct limité au cours de ces dernières décennies sur la lutte contre la pauvreté. L'internationalisation de des revendications des mouvements sociaux a fait progressivement émerger une société civile internationale extrêmement active sur le terrain de la lutte contre la pauvreté et à laquelle les organisations africaines ont pris une part de plus en plus grande. Cette participation renouvelle les idées et les modes d'action sur les terrains d'intervention à l'échelle locale. L'article établit un état des lieux du militantisme des mouvements sociaux, s'intéresse à la lutte contre la pauvreté, thème qui émerge que lentement au sein de ces organisations à la faveur du déplacement et du renouvellement des terrains en lien direct avec leur implication dans les luttes qui prennent forme dans les arènes internationales.

Emmanuel Viret

En s’intéressant à la dynamique de la violence rurale dès l’installation du multipartisme (1991-1994), l’article propose de nouvelles perspectives sur la mobilisation de la paysannerie rwandaise pendant le génocide. Le dépouillement des archives de deux anciennes communes, complété par des entretiens réalisés sur les collines et dans quatre prisons du pays permettent d’analyser l’imposition progressive d’une économie de la violence. Le cadre même du multipartisme poussa les élites rurales engagées dans la compétition politique à recruter un nombre croissant d’hommes pour réaliser des actions ponctuelles et violentes contre d’autres partis, réactivant à cette occasion les canaux de clientèle que la monétisation de l’économie et la diffusion du salariat dans les campagnes avaient progressivement asséchés. Une attention spécifique est accordée à l’entreprenariat politique ainsi qu’à la relation entre intermédiaires locaux (social brokers) et élites rurales tant dans la lutte entre partis politiques que dans la constitution des coalitions Power locales qui assumèrent l’exécution des massacres.

La crise du Darfour a permis de mettre en lumière des crises irrésolues sur ses frontières au Tchad et en République centrafricaine. Le point commun de ces différents conflits est sans doute l’existence de mouvements armés transnationaux qui survivent et se recomposent dans les marges qu’autorisent les dynamiques étatiques dans la région, ainsi que les apories des politiques de résolution des conflits de la communauté internationale – apories redoublées par les choix de certaines grandes puissances. Une analyse de la conjoncture en Centrafrique et de l’histoire de certains mouvements armés, inscrits dans cet espace régional, plaide pour une approche moins conventionnelle des politiques de sorties de crise. Elle met en exergue une zone centrée sur la Centrafrique et ses frontières avec les pays voisins comme véritable site d’analyse du factionnalisme armé depuis les indépendances, ainsi que des trajectoires spécifiques de construction étatique.

Denis-Constant Martin

Les mouvements politiques qui ont animé récemment l'Europe de l'Est et l'Afrique sub-saharienne posent une fois encore la question des conditions et des modalités du changement politique. Ils soulèvent notamment le problème du rapport entre des phénomènes qui perdurent, manifestant une continuité des sociétés en certains de leurs traits au moins, et d'autres phénomènes qui bouleversent, faisant éclater dans l'immédiat le changement. Les interprétations présentées, d'un côté, en termes de "retour à une identité bafouée", de "retrouvailles" avec le passé ou, de l'autre, sous l'angle du "tribalisme" ou du "réflexe clanique" n'aident guère à comprendre mieux comment interagissent phénomènes de longue durée et phénomènes éphémères.
Ce texte propose quelques pistes pour tenter de dépasser leur opposition, pour éviter d'en privilégier certains au détriment d'autres. Il suggère que l'imprégnation culturelle des systèmes, des pratiques et des représentations politiques peut être reconstruite analytiquement dans le concept de "culture politique". Celui-ci fait une large place aux dynamiques (impulsant l'innovation politique) tout en prenant en compte la complexité des transmissions (assurant la continuité). Il suppose que la continuité nourrit l'innovation en s'attachant plus particulièrement à l'étude de trois couples de forces : la dialectique des dynamiques du dehors et des dynamiques du dedans, la dialectique de l'affectivité et de la rationalité, la dialectique de la tradition et de l'innovation ; couples de forces dont le jeu doit être observé aussi bien dans les "lieux officiels" du politique que dans les lieux apparemment non politiques, mais qui peuvent être "investis" par le politique

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