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09.10.2020
L'immobilier comme vous ne l'aviez jamais vu
“La forme d’une ville / change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel”, écrivait déjà Baudelaire sur le Paris du XIXè siècle. Pour comprendre les transformations de la production immobilière, et notamment du logement, Sciences Po ouvre une nouvelle Chaire villes, logement, immobilier. Entretien avec son directeur, Nordine Kireche, membre de l’École urbaine et directeur de l’Executive Master “Stratégies et finance de l’immobilier”.
Vous êtes docteur en science politique : pourquoi et comment avez-vous commencé à travailler sur les problématiques de l’immobilier et du logement ?
Nordine Kireche : Au fil de mes travaux en science politique, j’ai compris à quel point les questions de logement et d’immobilier sont des éléments essentiels pour comprendre la trajectoire électorale d’une ville. La question du logement a une dimension éminemment politique, elle structure la relation entre élus et promoteurs. Mon intérêt pour les questions immobilières vient de cette dimension politique. Ma thèse de doctorat illustre bien ce lien : elle portait sur les conditions du maintien au pouvoir pendant des décennies d’une élite issue du PCF, à Nanterre (sous la direction de Patrick Le Galès, actuel doyen de l’École urbaine).
Vous avez été à l’origine de la première incursion de Sciences Po dans le domaine immobilier, en créant un programme de formation continue dans le domaine. Quel rapport entre ces questions et les sciences humaines et sociales ?
Nordine Kireche : L’immobilier, ne doit pas être réduit à sa dimension technique, commerciale. Dans ce domaine, les changements sont intrinsèquement liés aux modes de vie, aux changements socio-démographiques, aux mutations des modes de travail, de consommation.... C’est avec cette vision que nous avons créé en 2016 l’Executive master “Stratégie et finance de l’immobilier” à l’Executive Education de Sciences Po. L’idée, c’est de sortir d’une vision technique et bâtimentaire de l’immobilier, pour éclairer des enjeux tout aussi centraux, grâce aux sciences sociales. Pour comprendre les nouvelles dynamiques à l’œuvre, les anticiper, il faut saisir les mutations de la demande, des villes, des stratégies des élus. Les apports de la sociologie ou la science politique sont considérables. Grâce à ce prisme, nous avons pu développer à Sciences Po une vision originale de l’immobilier. La création de la Chaire permet de lui donner une dimension plus large.
Que va rendre possible cette Chaire ? Quels sont ses objectifs ?
Nordine Kireche : après cette première incursion dans l’immobilier sur le terrain de la formation continue, nous voulions “durcir” notre approche. Avec la Chaire, nous allons pouvoir produire de la recherche sur ces enjeux, et diffuser ces connaissances de la manière la plus large possible dans nos enseignements. Il y a urgence à former nos étudiants sur l’immobilier, mais de manière différente, avec les spécificités de l’École urbaine.
Grâce aux partenaires de la Chaire, nous avons accès aux remontées de terrain de trois acteurs majeurs du secteur en France : un grand bailleur avec CDC Habitat, une des plus grandes sociétés foncières d’Europe avec Gecina, et le représentant principal des promoteurs en France, avec la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Sur quelles thématiques la Chaire va-t-elle se pencher en priorité ?
Nordine Kireche : Nous allons pouvoir travailler sur la financiarisation de l’immobilier résidentiel français. L’actualité récente offre des exemples riches en la matière. Nous allons comparer ce qui se passe à Paris, Londres et Amsterdam dans ce domaine. Autre exemple : les politiques en faveur du logement social ou abordable dans les grandes métropoles, avec cette fois-ci une comparaison Paris/Londres/New York. Cette approche comparative va nous permettre de mettre en évidence les spécificités de la France et du Grand Paris sur chaque sujet.
La pandémie due à la Covid-19 a-t-elle des répercussions sur le programme de la Chaire?
Nordine Kireche : Au-delà des contraintes sur le programme événementiel, cette crise nous conforte dans notre approche.. La pandémie accélère les tendances déjà en germe, comme l’attrait des investisseurs pour les actifs résidentiels. Prenez aussi la montée en puissance du télétravail : quel va être son impact réel sur les besoins en mètres carrés de bureau ? Comment cela va-t-il affecter les stratégies des investisseurs, y compris les ménages ? Cela pose la question de la géographie de la demande et de la production immobilière pour les années à venir. Il n’a jamais été aussi important de penser en même temps les questions immobilières et territoriales…
Propos recueillis par l’équipe éditoriale de Sciences Po
En savoir plus sur la Chaire villes, logement, immobilier
Créée en 2020, la Chaire villes, logement, immobilier a pour objet de contribuer à l'analyse des changements en cours au sein du secteur immobilier, en prenant pleinement appui sur les outils théoriques et méthodologiques des sciences sociales. Ses axes de recherche principaux sont la financiarisation de l'immobilier, les politiques publiques du logement, les questions territoriales, les changements urbains et l'évolution de la production immobilière.
Rattachée à l'École urbaine, la chaire est placée sous la responsabilité de Patrick Le Galès et Guillermo Martin, respectivement doyen et directeur exécutif de l'Ecole. La responsabilité scientifique est assurée par Nordine Kireche. Elle est soutenue par CDC Habitat, CDC, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et Gecina.
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