Ce texte analyse les conditions dans lesquelles la Centrafrique, un Etat déliquescent au sortir d’une crise existentielle, sait jouer de ses propres faiblesses et d’une configuration régionale et internationale particulière pour aujourd’hui contraindre le champ politique et terroriser sa propre population en construisant un ennemi forcément étranger et en instrumentalisant la Russie pour sa pérennisation. Les moyens et techniques de coercition sont d’une grande modernité, même s’ils s’appuient sur un répertoire de pratiques coercitives déjà bien rodées en Afrique centrale. La fabrique d’un tel autoritarisme s’appuie sur la construction d’une menace particulière (des groupes armés transnationaux), une communauté internationale atone qui s’épuise à mettre en œuvre des solutions éculées et une offre de sécurité qui renvoie le maintien de la paix onusien ou la mission de formation européenne à la marge : l’implication militaire russe mais aussi rwandaise traduit une volonté de mettre hors jeu une gestion régionale et internationale de la crise qui a échoué, tout en reconduisant une économie concessionnaire dans le domaine minier et agricole, dont les premiers bénéficiaires restent les gouvernants à Bangui

La crise du Darfour a permis de mettre en lumière des crises irrésolues sur ses frontières au Tchad et en République centrafricaine. Le point commun de ces différents conflits est sans doute l’existence de mouvements armés transnationaux qui survivent et se recomposent dans les marges qu’autorisent les dynamiques étatiques dans la région, ainsi que les apories des politiques de résolution des conflits de la communauté internationale – apories redoublées par les choix de certaines grandes puissances. Une analyse de la conjoncture en Centrafrique et de l’histoire de certains mouvements armés, inscrits dans cet espace régional, plaide pour une approche moins conventionnelle des politiques de sorties de crise. Elle met en exergue une zone centrée sur la Centrafrique et ses frontières avec les pays voisins comme véritable site d’analyse du factionnalisme armé depuis les indépendances, ainsi que des trajectoires spécifiques de construction étatique.

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