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21.06.2017
Sur le terrain des inégalités scolaires
Directrice de recherche CNRS à l’Observatoire sociologique du changement (OSC) et membre du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP), Agnès van Zanten a reçu une médaille d’argent CNRS 2017. Cette médaille, - très rarement remise à un chercheur en sciences humaines et sociales -, distingue les scientifiques dont les travaux sont reconnus sur le plan national et international. Portrait d’une femme qui se consacre avec passion, curiosité et humanité à l’étude des inégalités scolaires, en France et à l’étranger.
De l’Amérique latine au Quartier latin
Née au Venezuela, Agnès van Zanten y a accompli la première partie de ses études pour ensuite obtenir son baccalauréat à Thonon-les-Bains. Après un master en sociologie et anthropologie de l'éducation à l'université de Stanford (États-Unis), elle entreprend un doctorat à l'université Paris V, où elle étudie les Zones d'éducation prioritaire (ZEP) mises en place par François Mitterrand en 1981. Elle y compare deux terrains : l’un en zone urbaine en banlieue de Dijon, l’autre en milieu rural en Ille-et-Vilaine.
Devenue sociologue de l’éducation, elle est recrutée au CNRS en 1989 et rejoint dix ans plus tard l’Observatoire Sociologique du Changement de Sciences Po, un laboratoire de sociologie généraliste, qui lui semble plus ouvert méthodologiquement et plus stimulant qu’un laboratoire directement rattaché aux sciences de l’éducation.
Analyser toutes les facettes des inégalités scolaires
Elle consacre alors ses recherches aux inégalités scolaires dans toutes leurs dimensions, sociales aussi bien ethniques et raciales. Alors que la majorité des recherches dans ce domaine portent sur le « bas » de l’échelle - classes populaires, publics en difficulté - Agnès van Zanten choisit de couvrir l’ensemble de la population, des plus démunis aux très privilégiés.
Cinq grandes questions jalonnent sa carrière :
- Les enfants de quartiers défavorisés, en difficulté face à l’institution scolaire
- La formation des élites
- Les politiques d’ouverture sociale pratiquées par certaines grandes écoles (dont Sciences Po)
- Le choix de l’école, les stratégies parentales au sein des classes moyennes et supérieures
- Les déterminants des choix d’orientation et l’accès à l’enseignement supérieur.
Autant de travaux qui passent par quantité d’enquêtes de terrain, où elle privilégie la rencontre, l’écoute et le dialogue avec ses enquêtés. Via cette approche compréhensive, elle vise à appréhender les déterminants qui pèsent sur les choix scolaires en les remplaçant dans leur contexte, en retraçant les processus pour in fine en mesurer précisément les impacts.
Une sociologue qui écoute et transmet
Son expérience l’a convaincue de l’intérêt d’expliquer aux enquêtés le principe de sa démarche, ses fondements théoriques et les objets précis de sa recherche. Posant ainsi les termes de l'échange, elle appelle des remarques et réactions de ses interlocuteurs, instaurant un équilibre entre ouverture et mise à distance.
Attachée à partager largement les résultats de ses recherches, elle s’implique dans de nombreux débats, qu’ils mobilisent le grand public ou les acteurs du système scolaire (syndicats enseignants ou de parents d’élèves, par exemple), et bien que son travail repose sur un cadre exigeant de recherche fondamentale, elle s’attache à ce que leur rendu soit compréhensible et accessible à tous.
Cet engagement se traduit ainsi par ses multiples activités éditoriales : auteure de plusieurs ouvrages de référence - manuels et Que Sais-je ? - elle a dirigé cette année la seconde édition du Dictionnaire de l’éducation, associant plus de 200 auteurs autour des notions principales du champ. À l’automne prochain sortira la cinquième édition du désormais classique Sociologie de l’école (Armand Colin) qu’elle co-dirige avec Marie Duru-Bellat ; une « série » qu’elle considère avec plaisir comme étant un « engagement à vie ».
Enfin, elle dirige depuis 2006 la collection « Education et Société » des Presses universitaires de France consacrée aux enjeux sociaux, économiques et politiques de l’éducation scolaire.
Vers de nouveaux travaux comparatistes
Aujourd'hui, elle entame plusieurs projets de recherche visant à renforcer la dimension comparative internationale de ses travaux, que ce soit en Angleterre, en Espagne, au Portugal, en Suède et en Finlande. Fidèle à ses méthodes, elle effectuera elle-même une bonne partie des entretiens de terrain, en français, anglais et espagnol.
Elle prépare également une étude sur la gouvernance des établissements d’enseignement catholiques dont les fondements, les objectifs et l’organisation décentralisée sont très différents de l’enseignement public.
Enfin, au sein de Sciences Po, elle co-anime avec l’économiste Denis Fougère l’axe « Politiques éducatives » du Laboratoire Interdisciplinaire d’Evaluation des Politiques Publiques (LIEPP).
Article rédigé par Bernard Corminboeuf (OSC)
À lire :
- L’école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en banlieue, 2012, Puf, col. Quadrige
- Choisir son école. Stratégies familiales et médiations locales , 2009, Puf, col. Le Lien social. Cette enquête est par ailleurs archivée dans la banque d’enquêtes qualitatives en SHS beQuali (CDSP)
- Les marchés scolaires. Sociologie d'une politique publique d'éducation, 2013, Puf, col. Éducation et société
- Elites, Privilege and Excellence. The National and Global Redefinition of Educational Advantage, 2015, Routledge, World Yearbook of Education 2015