Accueil>McCourt Institute : quelle nouvelle technologie pour le bien commun ?

28.03.2022

McCourt Institute : quelle nouvelle technologie pour le bien commun ?

   

La conférence inaugurale du McCourt Institute, qui s’est tenue à Sciences Po le 10 mars dernier, a réuni plusieurs panels de technologues en sciences sociales, experts en politiques publiques et en gouvernance, ainsi que des dirigeants des secteurs public et privé, pour discuter des opportunités et défis du développement de nouvelles technologies liées au Web3 et des structures de gouvernance qui y sont rattachées.

Le partenariat entre le McCourt Institute, Sciences Po et Georgetown University (Washington DC), signé en juin 2021, a pour objectif de développer la recherche en sciences sociales sur la gouvernance des nouvelles technologies développées au profit du bien commun. 

“La technologie avance très vite et elle avance maintenant”

Dans son message d'introduction, Shéhérazade Semsar⁠-⁠de Boisséson, directrice exécutive inaugurale du McCourt Institute, a souligné l’urgence de la question de la gouvernance numérique et rappelé les opportunités et les défis du web3, le manque de gouvernance numérique actuel et l'importance de la réglementation à venir.

« La prochaine génération de technologies est en cours de construction. Nous devons agir maintenant pour construire un avenir meilleur pour la gouvernance numérique et pour la société », s’est enthousiasmé Frank McCourt, fondateur du McCourt Institute, fondateur de Project Liberty et président-directeur général de McCourt Global. Au lieu d'essayer de réparer un modèle défectueux, l’objectif est plutôt désormais de se concentrer sur le développement d'une nouvelle architecture Internet construite sur une base plus équitable, en se concentrant sur les utilisateurs, en optimisant l'accès et l'équité, en construisant pour le bien commun.

En discussion avec Mathias Vicherat, le directeur de Sciences Po, Frank McCourt a très vite évoqué un sujet d’actualité inévitable et le rôle des “big techs” dans le conflit en Ukraine, l’érosion de la confiance des citoyens et de la démocratie en raison de l’absence de gouvernance technologique et a rappelé que dans un schéma de conflit tel que celui-ci, il est indispensable de prendre du recul et de se questionner sur la façon dont cela a pu se produire. “Il serait très naïf de notre part de penser que tout ceci n'est pas le résultat d'un mauvais usage et d'un abus de l'architecture actuelle d'Internet et notamment des réseaux sociaux”. Le risque de tout ceci étant “d'enflammer, de polariser, de perturber voire de déstabiliser les démocraties”, a-t-il déploré.

En rappelant que dans notre monde actuel, rien ne se résoudra sans la technologie, une initiative telle que Project Liberty a pour objectif “d’imaginer le futur de la technologie, de la gouvernance et de la culture pour créer des démocraties plus inclusives et une économie plus juste”. Mais il y a urgence, car la technologie avance très vite et elle avance maintenant. Bien sûr, il serait facile de reproduire ce que font les États-Unis ou la Chine en matière de technologie, mais Frank McCourt préfère placer ses espoirs dans une troisième voie, l’Europe. “Le positionnement de l’Europe est unique et sa préoccupation pour le respect des données privées bien réelle”.

“Il ne s’agit pas seulement de technologie, mais d’éthique et de citoyenneté”

Pour Mathias Vicherat, il y a indéniablement un coup d’accélérateur à enclencher au niveau des universités : “grâce à ce partenariat, Sciences Po pourra concrétiser des projets de recherches avancées et recruter de nouveaux chercheurs et étudiants”. La conférence a d’ailleurs été l’occasion de rappeler que dans le cadre de l’octroi de la subvention de 25 millions de dollars sur 10 ans du McCourt Institute intégrée au partenariat, 17 projets financés et 28 chercheurs bénéficiaires en 2022 ont été sélectionnés directement par les comités de pilotage de Sciences Po et Georgetown et pourront mener leurs travaux en conservant leur entière indépendance académique. 

En rappelant également les méfaits et conséquences des problèmes de gouvernance technologique, Mathias Vicherat a notamment insisté sur la grande méfiance à observer à l’égard des fake news, particulièrement en situation de conflit, en citant pour exemple celle que le gouvernement russe a laissé croire aux médias sur le fait que les universités européennes voulaient expulser les étudiants russes. “C’est faux, nous n’avons aucune intention de les expulser, nous nous préoccupons de leur situation. De plus, notre école va accueillir des étudiantes et étudiants ukrainiens via notre programme Welcome Refugees et des chercheurs en exil en lien avec le Programme PAUSE (Programme d’aide à l’Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil) , car c’est l’un des rôles-clés de notre université”, a-t-il rappelé.

Technologie et bien commun à la lumière des sciences sociales

La discussion s’est ensuite poursuivie toute une demi-journée au travers de panels portant sur les différentes voies vers une nouvelle infrastructure de l’Internet et le rôle de la recherche pour améliorer la gouvernance numérique dans le développement de nouvelles technologies. “Transformer les infrastructures du web, c’est très important, mais cela ne peut pas se faire sans une compréhension et une articulation très étroite avec les connaissances que peuvent apporter les sciences sociales”, a commenté Dominique Cardon, professeur de sociologie et directeur du médialab de Sciences Po.

Alors qu’on l’interrogeait sur la manière dont il faudrait envisager une stratégie à l’échelle européenne en matière de Web3, Manuel Heitor, ministre portugais de la Science, de la Technologie et l’Enseignement supérieur, a rappelé que les efforts doivent avant tout rester collectifs. “Je pense que l'association transatlantique d’une école européenne spécialisée en sciences sociales comme Sciences Po, avec une université telle que Georgetown, aura une portée essentielle, nous en avons besoin, une stratégie doit être construite (...) et j’espère que le McCourt Institute va provoquer le changement”.

L'équipe éditoriale de Sciences Po

En savoir plus :