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28.06.2018

Les étudiants chinois de 1878

À l’occasion de la remise des diplômes 2018, revenons 140 ans en arrière et plongeons dans les archives de 1878...Où l’on apprend que dans la toute jeune et atypique École Libre des Sciences Politiques, on cultive déjà l’international comme un atout. Et surprise ! On découvre dans les registres les copies de deux étudiants chinois, qui deviendront des diplomates célèbres sous la dynastie Qing...

Juin 1878. Après un début de mois frais, les étudiants de l’École libre des Sciences Politiques passent leurs examens de fin d’année dans un Paris estival où le thermomètre frôle les 30°C. Heureusement pour eux, les salles d’examen du 15, rue des Saints-Pères (où est alors logée l’École) ne risquent pas la surpopulation : la plupart des 200 étudiants (les étudiantes n’arriveront qu’en 1919…) fréquentent les cours du futur “Sciences Po” en auditeurs libres, souvent en complément de la faculté de droit. Seuls neuf passent leurs examens de première année. En deuxième - et dernière - année, on compte en tout et pour tout 3 diplômés ! On est loin des 2394 qui se présenteront fièrement sur scène, 140 ans plus tard.

Des bourses d’études à l’étranger

Quelle mouche a donc piqué ces étudiants ? Pourquoi plancher au lieu de se contenter d’assister aux cours ? Leurs dossiers, précieusement conservés dans nos archives, ne le précisent pas. Les 3 diplômés de 1878 se nomment Alfred Staehling, Auguste Charton et Jean Angelopoulos. Trois élèves demandent cette année une bourse pour étudier à l’étranger : seul Alfred Staehling obtiendra la sienne pour les cantons de Bâle, en Suisse. Une expérience décisive, puisqu’on retrouve sa trace parmi les élites bancaires suisses du début du XXè siècle...C’est le signe qu’il y a 140 ans, les élèves de cette école atypique étaient déjà incités à porter leur regard au-delà des frontières hexagonales.

Deux futurs diplomates chinois

Aux côtés du Grec Jean Angelopoulos, deux étudiants de 1ère année révèlent cette internationalisation précoce. Dans la liste des copies d’examen, les noms de Ma Kié Tong et Tcheng Ki Tong, intriguent. La présence de ces deux jeunes étudiants Chinois à Saint-Germain-des-Prés relève pourtant bien d’un phénomène de “brain drain”* en cette période de pénétration européenne en Chine. Ils devinrent tous deux des diplomates connus des historiens chinois et internationaux. Ma Kie Tchong est arrivé en France en 1876 après des études à l’École française catholique de Shangaï. Diplômé de l’École libre des sciences politiques en 1879, il retourne en Chine l’année suivante. Son bagage en droit international lui ouvre une carrière de diplomate de premier plan sous la dynastie Qing, tout comme son compatriote et camarade d’études à l’ELSP Chen Jitong. Nommé attaché militaire de l’ambassade de l’Empire de Chine à Paris dans les années 1880, Chen devint aussi une figure du Tout-Paris : il écrit en français plusieurs ouvrages pour vulgariser la civilisation et la culture chinoise, ce qui fait de lui le premier Chinois francophone publié !

L’identité internationale de Sciences Po, et des carrières de ses diplômés, était déjà en germe dans ces étudiants des toutes premières années... 140 ans plus tard, la promo 2018 compte  un millier de diplômés internationaux - près de la moitié des effectifs. Soit au total 95 nationalités différentes...parmi lesquelles la Chine occupe la 4ème place des pays les plus représentés, avec 47 diplômés !

*”fuite des cerveaux”

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Légende de l'image de couverture : Sandrine Gaudin / Sciences Po