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22.05.2017

Le Parti Socialiste : transformation ou destruction ?

Par Fadi Kassem, agrégé et doctorant au Centre d’histoire. Pour la première fois depuis 1974, le candidat du Parti socialiste à l’élection présidentielle a obtenu (largement) moins de 10 % des suffrages au premier tour. Doublé sur sa droite par Emmanuel Macron reprenant le projet giscardien de créer un grand centre, et sur sa gauche par Jean-Luc Mélenchon qui envisage une sortie des traités européens pour mener une politique ancrée à gauche, le PS a connu un échec sans précédent depuis 1969. Incontestablement, l’élection présidentielle de 2017 constitue un tournant et amène à s’interroger sur la survie du Parti né au Congrès d’Epinay en 1971.

Vie et mort du Programme commun

Élu alors Premier secrétaire, François Mitterrand réussit la délicate synthèse entre des courants aussi divers que la « deuxième gauche » rocardienne autogestionnaire, décentralisatrice puis convertie à l'économie de marché, le courant européiste impulsé par Jacques Delors et le courant jacobin marxisant de Jean-Pierre Chevènement. Débouchant sur la signature du Programme commun de la gauche (1972), cette alliance permit au Parti socialiste de doubler les communistes aux élections intermédiaires pour, in fine, remporter l’élection présidentielle le 10 mai 1981 puis les législatives en juin.

Mais face à l’épreuve du pouvoir, la lutte entre les courants internes au Parti socialiste s’est ravivée et même accentuée. Très vite, le Parti s’est heurté au dilemme européen soulevé lors du congrès extraordinaire de Bagnolet (1973) et exprimé par François Mitterrand, tel que le rapporte Jacques Attali dans Verbatim : « Je suis partagé entre deux ambitions : celle de la construction européenne et celle de la justice sociale ».

De fait, alors que François Mitterrand affirmait en 1978 que « l’Europe sera socialiste ou ne sera pas », il engage le « tournant de la rigueur » en 1982-1983. En effet, après des déboires monétaires consécutifs à sa politique économique de relance, il décide de stabiliser le franc en le maintenant dans le système monétaire européen (SME), prélude à la monnaie unique. Ainsi subordonnait-il un projet keynésien hypothétique – l’idée d’une « rupture avec le capitalisme » avait surtout servi à s’imposer dans les congrès socialistes – à une Europe promouvant dès sa naissance une concurrence « libre et non faussée ».

Changer l’Europe : des efforts infructueux

Le Parti socialiste se trouve alors - et déjà ! -  confronté à une grave crise d’identité économique, qu’il tente de surmonter de deux manières. D’une part, il s’engage dans des combats sociétaux (lutte contre le racisme, en faveur des homosexuels, des droits des femmes...) face à la menace d’une extrême droite renaissante : le Front national obtient en effet 35 députés aux élections législatives de mars 1986. D’autre part, il promeut une « Europe sociale » qui devient le principal argument des socialistes défenseurs du traité de Maastricht en 1992.

Dans un premier temps, le pari de la défense de « l’Europe sociale » et des droits des minorités semble fonctionner comme l’attestent les premier succès du gouvernement de la « gauche plurielle » de Lionel Jospin. Mais l’incapacité à changer l’orientation de la construction européenne qui se fait jour à la fin des années 1990 – à un moment où pourtant 11 des 15 gouvernements des pays membres de l’Union européenne  sont sociaux-démocrates – consacre l’acceptation définitive des principes libéraux. Se mettent alors en marche privatisations, remise en cause du monopole de l’État sur les services publics, liberté totale de circulation des capitaux, rigueur monétariste programmée par les critères de Maastricht, etc. La sanction tombe en 2002 : Lionel Jospin est éliminé au premier tour de l’élection présidentielle (il obtient 16,18 % contre 16.86 % à Jean-Marie Le Pen). Cet échec réactive le clivage entre la « deuxième gauche » sociale-libérale et une ligne de plus en plus hostile à une Europe libérale.

Référendum contre diktats ?

Le référendum de 2005 pour l’adoption du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE) exacerbe les divisions au sein du Parti socialiste, sans que François Hollande ne parvienne à réconcilier des courants de plus en plus antagonistes. Ainsi, quand la majorité des parlementaires socialistes ratifie en 2008 le traité de Lisbonne (reprenant l’immense majorité du TECE), Jean-Luc Mélenchon tire les conséquences et fonde le Parti de Gauche.

Malgré l’adoption de ce traité, le Parti socialiste souhaite adoucir les contraintes européennes : élu en mai 2012 avec notamment la promesse de renégocier le Pacte budgétaire européen qui conditionne l’adoption du budget national, François Hollande renonce à cet engagement dès sa première rencontre avec Angela Merkel, entérinant ainsi définitivement la conversion sociale-libérale du PS.

Le projet européen, fossoyeur du Parti socialiste ?

Au fond, l’élection présidentielle fait resurgir les débats sur la question européenne divisant les socialistes depuis les années 1970 : privilégier la construction européenne quitte à sacrifier une idéologie socialiste jugée désuète au nom du « réalisme » et du « pragmatisme » (Emmanuel Macron) ; réaliser une « Europe sociale » en réorientant les politiques européennes et en créant une véritable démocratie européenne (Benoît Hamon) ; renégocier en profondeur les traités d’inspiration libérale sous peine de sortir de l’Union Européenne pour mener une politique authentiquement socialiste (Jean-Luc Mélenchon).

Plombé par l’image d’un Parti qui a majoritairement approuvé des réformes économiques vécues comme une trahison par rapport aux engagements de campagne de François Hollande – à commencer par la loi El Khomri visant à traduire les Grandes orientations de politique économique (GOPE) formulées par l’Union Européenne –, Benoît Hamon n’a pu réconcilier les deux courants que François Mitterrand avait réussi à rassembler lorsque le Parti socialiste n’était pas au pouvoir. Près de 45 ans après la synthèse alliant justice sociale et construction européenne, cette dernière pourrait sonner le glas du Parti né de la synthèse mitterrandienne…

Fadi Kassem, agrégé et doctorant au Centre d'histoire de Sciences Po

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