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11.09.2017
« Journalistes : préservez l’écrit »
À l’occasion de sa rentrée, l’École de journalisme de Sciences Po a invité Mike Pride, ancien administrateur des prix Pulitzer, à s’exprimer lors d’une conférence exceptionnelle. Cet ancien journaliste et expert des médias, qui a vu muter le monde de l’information avec l’arrivée du digital, a tracé les pistes d’avenir du secteur devant les journalistes en herbe de Sciences Po.
“La crise de l’économie des médias n’est pas encore terminée”
Le journalisme est actuellement confronté à une véritable révolution qui aboutira probablement à la fin des journaux “papiers” tels que nous les connaissons. C’est avec cette idée choc que Mike Pride ouvre sa leçon aux étudiants de l’École de journalisme. Certes, reconnaît-il, internet a en partie compensé le déclin des médias imprimés mais les sites web ne sont actuellement pas viables financièrement. La crise existentielle de l’économie des médias n’est pas encore terminée. Ceux-ci doivent en effet encore trouver la réponse à cette question : comment faire accepter aux lecteurs que cela vaut la peine de payer pour de l’information ?
“Coupler les valeurs et recettes éprouvées du passé avec les nouvelles technologies du présent et du futur” est une piste, explique Mike Pride. Une telle association représente une opportunité mais aussi un challenge pour les journalistes du XXIe siècle. D’une part, explique Mike Pride, les reporters doivent maintenir un journalisme de grande qualité. Cela suppose par exemple de préserver l’écriture qui “est le meilleur moyen de d’exprimer des faits et des nuances sur ce qui s’est passé”. D’autre part, les journalistes doivent trouver de nouvelles manières de raconter des histoires et d’expérimenter en ligne.
“Permettre au public d’être un acteur de la démocratie”
Les outils modernes permettent d’expérimenter de nouveaux moyens d’assembler les faits et d’explorer les controverses, avec des présentations très variées : vidéo, audio, texte, image mais aussi podcast, réseau social, blog, datavisualisation… Les télévisions et radios utilisent aujourd’hui aussi bien le texte que la data tandis que les journaux utilisent des enregistrements live sur leurs sites. Les magazines mensuels publient également des éditions quotidiennes sur leurs sites web et plus seulement de manière mensuelle comme beaucoup avaient l’habitude de faire. Tout comme les journaux quotidiens, leurs contenus digitaux incluent des chroniques culturelles, des commentaires politiques, des récits d’événements et des dessins. Mike Pride décrit ce phénomène comme un mouvement de “convergence”.
Un des traits marquants de cette convergence est la collaboration qui se met en place au sein des médias. “Il n’y a plus de pure compétition, souligne Mike Pride. Chaque année, des partenariats de plus en plus vastes et complexes se mettent en place.” L’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists) en est un bon exemple : ce réseau de 300 journalistes, sur 6 continents, qui a travaillé sur les Panama Papers a reçu en 2017 le prix Pulitzer du “Reportage explicatif”.
Mike Pride met cependant en garde : même si le paysage des médias est en train de changer et que les médias tendent à se globaliser, les journalistes ne doivent pas oublier les bases du métier. L’objectif du journalisme reste le même : “Trouver l’information et la raconter afin de permettre au public d’être informé et d’être un acteur de la démocratie.”
Article rédigé par Tanguy Garrel-Jaffrelot, étudiant en journalisme à Sciences Po
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