Focus ELIPSS #1 : tous démunis face à l’impact écologique de nos outils numériques

Impossible de ne pas savoir que le numérique consomme de plus en plus de ressources (énergie, métaux rares) et nécessite des infrastructures de stockage et de transfert de données qui génèrent une empreinte écologique croissante. Mais comment se passer des outils numériques (tablettes, télévisions, téléphones, ordinateurs, etc.) qui ont pris une place centrale dans tous nos espaces de vie – personnelle, sociale et professionnelle ?

Ici, comme dans d’autres domaines, se pose la question de la responsabilité du consommateur, en regard de celles des pouvoirs publics et des acteurs économiques. En effet, de nombreux acteurs en charge de la transition écologique, qu’ils soient publics ou “citoyens”, mettent en avant la capacité des consommateurs à limiter leur empreinte carbone en général - donc aussi du numérique. Même enjeu du côté des entreprises, pour lesquelles la responsabilisation et la sensibilisation du consommateur est un enjeu majeur. C’est pourquoi mesurer l'implication et le niveau d’engagement des individus est devenu nécessaire.

C’est pour y satisfaire que l’ADEME a conduit, en mai 2024, une enquête approfondie (SobriNum), en collaboration avec le CDSP dans le cadre du dispositif “Étude Longitudinale par Internet Pour les Sciences Sociales” (ELIPSS).

Les individus entre conscience écologique et consumérisme

Les principaux résultats de l’enquête confirment des tendances préalablement identifiées par d'autres recherches, et notamment une polarisation des publics entre conscience écologique et usage du numérique. Paradoxalement, les individus les plus préoccupés par l’environnement et les plus soucieux de l’impact environnemental du numérique sont aussi les plus connectés à Internet et au numérique, tandis que les sceptiques et indifférents sont plus frugaux dans leur consommation numérique. Ces résultats confirment aussi des liens déjà établis entre ces positionnements et des variables comme l'âge, la profession et catégorie socioprofessionnelles, ou le niveau de diplôme.

Une adaptation des comportements limitée

L'enquête met également en évidence le fait que, malgré des préoccupations élevées vis-à-vis de l’impact environnemental du numérique, les répondants sont encore peu nombreux à mettre en avant des motifs d’éco-citoyenneté - telles que le renoncement à l’achat d’appareils numériques, le recyclage ou le reconditionnement, ou la préférence pour l’achat d’appareils reconditionnés – pour justifier de pratiques “frugales”.  

En réalité, les raisons environnementales viennent encore loin derrière les raisons économiques.

L'enquête montre ensuite que le niveau d’information déclaré des répondants sur les enjeux de réduction de l’empreinte écologique du numérique reste assez faible (graphique 1).

Ce faible niveau d’information, réparti de manière assez homogène dans la population, laisse supposer qu’il existe encore un important travail de pédagogie à mener s’agissant les circuits de production, les cycles de vie des appareils et dispositifs numériques, et les solutions pour réduire les effets du numérique, y compris chez les plus diplômés ou les jeunes, considérés ordinairement comme plus impliqués sur ces enjeux.

Les résultats de l’enquête révèlent enfin que domine très nettement chez les répondants la représentation selon laquelle c’est en priorité sur les fabricants et industriels – et secondairement les pouvoirs publics – que repose la charge de l’action, bien que les particuliers soient loin d’être déresponsabilisés (graphique 2).
 

Cette représentation coexiste avec une autre idée, répandue parmi les répondants, selon laquelle les individus devraient acquérir une meilleure compréhension des effets environnementaux du numérique et des comportements respectueux à adopter.

Le terrain a été réalisé du 2 au 30 mai 2024.. Le taux de réponse est de 81,5 %, soit 1 879 répondants.

Pour consulter les données :

• "Sobriété numérique - Mesure de la compréhension des pratiques numériques et de leur impact environnemental (ELIPSS 2024)", Fangeat, Erwann; Rocci, Anaïs; Giraudo, Chiara; Berthoud, Françoise; Verne, Marie-Line; Vialard, Louise; Wellhoff, Mathieu; Rocu, Paulien, Sciences Po, Centre de données socio-politiques (CDSP), CNRS, 2024.

Pour aller plus loin :

• le rapport publié par l’ADEME : Sobriété numérique : mesure de la compréhension des pratiques numériques et de leur impact environnemental
• la série des enquêtes annuelles Elipss Pratiques numériques, qui mesurent l'évolution des comportements liés aux technologies de l'information et de la communication (TIC),
• l’enquête Elipss Socialisations et changement climatique, qui étudie les formes de socialisation qui façonnent le rapport des individus au changement climatique et aux pratiques de consommation favorisant son atténuation,
• l’enquête Elipss Baromètre Environnement et Écologie (BEE 1), consacrée aux attitudes face au changement climatique et, plus généralement, l’écologie.

Rédaction : Guillaume Garcia, Malick Nam