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07.02.2022

Climat : les COP sont bien utiles !

climate change conference uk 2021
   

Depuis la COP21, organisée à Paris en 2015, dont les avancées ont été unanimement - ou presque ! - saluées, les éditions qui ont suivi ont engendré force déception et critiques. Mais les COP ne se résument pas aux engagements, rarement respectés, qu'y prennent des États. C'est ce dont témoigne une délégation plurielle de Sciences Po qui a participé à la COP26. Rencontre avec Arnault Barichella, doctorant au Centre d'études européennes, d'Ellen Ledger, étudiante en master à l'École des affaires internationales (PSIA) et de Carola Kloeck, chercheuse au Centre de recherches internationales (CERI), spécialiste des politiques d'adaptation au réchauffement climatique.

Quels sont les objectifs des COP ?

Carola Kloeck : Les Conférences des Parties (COP) sont issues de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) adoptée en 1994. En la signant, les États s'engageaient alors à agir afin que les concentrations de gaz à effet de serre causées par les activités humaines ne dépassent pas un niveau mettant l'humanité en danger. C'était une avancée majeure, d'autant plus qu'à l'époque, on en savait beaucoup moins qu'aujourd'hui, même si les scientifiques avaient des éléments alarmants. Aujourd'hui, ce niveau étant dépassé, les COP doivent donner plus d'importance aux politiques d'adaptation et répondre aux pertes et dommages déjà causés.

En quoi la COP 26 de Glasgow en 2021 a-t-elle été différente des précédentes ?

Carola Kloeck : Elle était très attendue, puisqu'elle n'avait pas pu se tenir en 2020. Elle a attiré 23.000 participant.e.s. mais il aurait dû y en avoir davantage ! En effet, du fait des restrictions de déplacements dûes à la COVID, certain.e.s  délégué.es., notamment en provenance des petites îles du Pacifique n'ont pas pu venir. Deux sujets particulièrement clivants étaient au centre des discussions : ce que l’on appelle le Paris Rulebook et les financements climatiques. Sur ces deux éléments, la COP 26 a permis d'aboutir à de vrais compromis. L'élaboration du Paris Rulebook a été finalisée avec des règles sur le fonctionnement des marchés du carbone et sur le reporting des actions menées au niveau national. Pour ce qui est du financement, les parties avaient promis d'aider les pays en voie de développement à réduire leurs émissions et à s'y adapter, mais les financements mobilisés jusqu’ici ne suffisent pas et sont majoritairement destinés à l’atténuation, alors que l'adaptation est devenue un enjeu plus que majeur, surtout pour les petites îles, justement. Les décisions de Glasgow promettent un doublement des efforts financiers pour l'adaptation. D’autres accords et promesses y ont été annoncés : plus de cent pays se sont engagés à stopper leur déforestation d’ici 2030, et certains à réduire de 30% leurs émissions de méthane.

Comment Sciences Po a-t-il obtenu la possibilité d'y participer ?

En dehors des négociateurs et négociatrices des Parties, les COP mobilisent nombre d'ONG, de médias et d'universitaires qui, après avoir candidaté, peuvent être reconnus en tant que délégations. C'est ce que nous avons fait et obtenu cette année : Sciences Po a été reconnue comme "organisation observatrice" des COP ! Pour les chercheurs et les étudiants, c'est un lieu idéal pour alimenter leurs recherches et tester leurs hypothèses. Pour les chercheurs, c'est aussi une formidable opportunité pour partager leurs résultats.

Qu’avez-vous appris en participant à la COP 26 ?

Carola Kloeck : C'est fascinant d’observer de près ces négociations. Cela permet de saisir quelles sont les difficultés rencontrées par les quelque 200 pays participants pour se mettre d'accord, alors qu'ils ont des positions et des priorités extrêmement diverses. En temps normal, les observateurs - dont des chercheurs - peuvent assister aux négociations, mais cette année, du fait de la pandémie, l’accès aux salles où elles se déroulaient était limité. Mais n'assister qu'aux tables rondes - et à tous les à-côtés ! - permet beaucoup de choses : interagir avec des délégué.e.s, échanger avec des négociateurs et des chercheurs. Ensuite on garde le contact. Cette expérience nourrit mes travaux et mes enseignements,  tel que mon cours sur la politique environnementale internationale.

Ellen Ledger : Dans le cadre de mon Master in International Development à PSIA, je rédige un mémoire sur les politiques australiennes de développement et de finance climatique à destination des petits États insulaires en voie de développement dans le Pacifique. Pouvoir participer à la COP, grâce à l'invitation de Carola Kloeck, qui dirige mon mémoire, était une occasion en or pour conduire des recherches de terrain ! En particulier, mes recherches sur la finance climatique publique ont suscité mon intérêt pour les liens entre le cadre politique de la COP et le système international de financement du développement – ces deux systèmes qui ont beaucoup de parallèles mais aussi de désalignements, comme la promesse non tenue des pays développés de fournir 100 milliards de dollars par an de financement climatique aux pays en développement (ENG). J’y suis donc allée avec intérêt, mais aussi scepticisme.

Pour le côté négatif, j’y ai trouvé ce à quoi je pouvais m'attendre en termes d’inégalités et de greenwashing. Par exemple, le pavillon australien a mis en avant une entreprise gazière (ENG) ; alors que plusieurs Îles du Pacifique n’ont même pas eu la chance d’envoyer des représentants (ENG) venant directement de leurs pays (certains étaient représentés par le personnel de leurs ambassades). J’ai aussi été témoin de l’échec des États à établir un fond pour les "pertes et dommages" (ENG), demandé par de nombreux pays en développement. Il faut le dire, la notion de justice compensatoire est loin d'être légitimée au sein du "régime" climatique international, malgré de fortes pressions tant internes qu'externes pour qu'elle le devienne.

Côté positif : j’y ai rencontré énormément de personnalités passionnées par l’environnement et découvert une foule de nouvelles idées de développement en contexte de changement climatique dangereux. J’ai pu échanger avec des professionnels travaillant sur le changement climatique dans les Îles du Pacifique sur les programmes d’adaptation, le financement et le plaidoyer climatiques. Ces rencontres ont été très enrichissantes, elles m’ont aidée à comprendre comment les discussions à la COP se traduisent en programmes sur le terrain. Par exemple, l'accent a été mis sur le manque de données climatiques dans les Îles du Pacifique, où ces lacunes peuvent empêcher une adaptation réussie. De nombreux échanges portaient aussi sur l’amélioration de l’accès au financement climatique pour les États. Par exemple, les fonds multilatéraux comme le Green Climate Fund (ENG) pourraient contribuer à la démocratisation de la distribution de financements.

Arnault Barichella : J'écris une thèse sur le rôle des entités infra-étatiques dans la lutte contre le réchauffement climatique et tout particulièrement celui des villes. Depuis la COP21, le rôle de ces acteurs dans la CCNUCC (ENG) est de plus en plus reconnu. Ont notamment été créés des organismes tels le Global Climate Action Center (ENG), la plateforme centrale des Nations Unies pour les acteurs non étatiques, et le US Climate Action Center (pour les acteurs non étatiques américains) qui avaient des pavillons, que j'ai pu visiter.

Une partie de ma recherche doctorale se concentre sur l'étude de leurs contributions et s'appuie essentiellement sur une approche qualitative. Pouvoir accéder à la COP26 m'a permis d'assister à de nombreuses réunions et conférences et d'interviewer des responsables en charge de ces politiques, qui sont venus enrichir la soixantaine d'entretiens réalisés au cours des dernières années. J'ai notamment pu approcher des diplomates, des représentants de différentes villes et régions du monde, ainsi que des membres de la société civile et du secteur privé.

Les événements de la COP26 ont corroboré les conclusions développées dans ma thèse, en ce qui concerne la manière dont les villes et les entités infra-étatiques peuvent fournir un soutien essentiel aux gouvernements pour la mise en œuvre des "contributions déterminées au niveau national" (CDN). Un chapitre important de ma thèse examine l'adéquation de ces différents cadres, où je souligne plusieurs faiblesses par rapport aux mécanismes existant pour associer les acteurs infra-étatiques au processus de la CCNUCC. Pour y remédier, la COP 26 a entrepris de renforcer le Partenariat de Marrakech pour l'action climatique mondiale.

En savoir plus :

L'initiative de Sciences Po pour le climat : Climate Action Make it Work

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