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26.01.2022

Le Baromètre de la confiance politique, c’est quoi ?

(crédits : ©Aleksandr Ozerov/Shutterstock)

Le “Baromètre de la confiance politique”, édité depuis douze ans par le Centre d'études politiques de Sciences Po (CEVIPOF), est réputé pour son sérieux. Scruté par tous, découvrons cette étude, son histoire, ses ambitions, la lecture de la vie politique française à laquelle il donne accès. Sa dernière vague, parue à moins 88 jours de l'élection présidentielle, donne des clés de compréhension d'un paysage tout en contrastes. Interview croisée de Bruno Cautrès et Luc Rouban, spécialistes des comportements et des attitudes politiques, chercheurs au CEVIPOF.

​​Qu'est ce que le Baromètre de la confiance politique ?

Le « Baromètre de la confiance politique » est une enquête académique annuelle réalisée par le CEVIPOF auprès d’échantillons représentatifs de 2 000 électeurs environ. Il s’agit de l’enquête de référence française en matière de confiance des Français dans la politique. La base de données constituée par treize vagues d’enquête (2009-2022) permet un suivi sur le long terme de dimensions comme la confiance en soi, la confiance interpersonnelle, la confiance dans les institutions et le personnel politique mais aussi le rapport à la démocratie, à ses principes et à son fonctionnement en France. Bien que le principe d’un baromètre soit celui de la réplication à date régulière (en l’occurrence une fois par an à la fin de l’année) des questions sont venues s’ajouter au fil du temps et des circonstances. Depuis son origine, la Baromètre couvre deux facettes de l’analyse de la confiance politique : la confiance comme variable « explicative » des opinions sur la politique et la démocratie en France et la confiance comme variable à expliquer.

Depuis quand existe-t-il et pourquoi avoir lancé cette enquête ?

Le Baromètre a été lancé à l’initiative de Pascal Perrineau en octobre 2009. L’un des apports les plus originaux et novateurs du Baromètre est de mettre en corrélation les différentes dimensions de la confiance, au sens large du terme, puis d’en analyser les liens avec les mécanismes de la démocratie libérale et représentative. Il fallait en effet savoir si la confiance politique est une conséquence ou un produit du fonctionnement démocratique ou bien si elle est un prérequis de ce fonctionnement, question qui n’est pas clairement tranchée dans la science politique internationale. Pour mieux répondre à ces interrogations, le Baromètre s’est engagé depuis 2019 dans une logique d’élargissement à d’autres pays (Allemagne, Royaume-Uni et Italie pour les années 2019 et 2020) ou d’approfondissement sur un large échantillon national français en 2021 (10 000 personnes interrogées). Pour réaliser cet élargissement et cet approfondissement, le CEVIPOF a noué une série de partenariats académiques mais aussi institutionnels.

De quoi dépend la confiance politique ? Quelles sont les dimensions que vous mesurez ? Parmi elles, y en a t il une qui compte plus que les autres ?

Le Baromètre mesure de nombreuses dimensions sociologiques et politiques telles que le niveau de diplôme, l’âge, la profession, l’orientation politique ou des intentions de vote des enquêtés. Mais au-delà de ces variables de base, l’innovation scientifique tient à mettre en relation la question de la confiance avec d’autres registres de la vie sociale. Le baromètre constitue donc un instrument précieux d’exploration de la société française. Il met en perspective la confiance politique et la mobilité sociale, le classement social subjectif que les enquêtés font de leur propre situation, les univers de valeurs - qu’il s’agisse du niveau de libéralisme économique ou de libéralisme culturel - les représentations de la démocratie, le niveau de populisme. Le niveau de confiance politique varie fondamentalement en fonction de deux variables : le fait de voir son mérite reconnu et le fait de se sentir membre d’une communauté nationale. Ces deux dimensions se retrouvent dans d’autres pays comme l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni mais c’est en France qu’elles exercent l’influence la plus forte comme cela est démontré dans Les raisons de la défiance qui vient de paraître aux Presses de Sciences Po.

Selon vous, comment améliorer notre confiance politique ? Est-ce que "manque de confiance" fait écho aux notions de "défiance", de "méfiance" ?

La méfiance repose sur la conviction que la probabilité d’être trompé est très forte alors que la défiance implique plutôt une certaine prudence dans le fait d’accorder sa confiance. Et la confiance c’est un pari sur le comportement, l’action ou la décision qu’adopteront d’autres acteurs, individuels ou institutionnels, à l’avenir. On peut évidemment penser que des réformes institutionnelles pourraient améliorer le niveau de confiance politique, comme le développement de la démocratie directe ou participative, la décentralisation, etc. Mais cela ne suffit pas car la confiance est un phénomène social. L’une des pistes serait de lutter contre l’anomie qui touche les citoyens qui ont perdu leurs repères sociaux et n’ont plus d’attaches permettant de faire vivre à la fois la démocratie représentative et le sentiment d’un destin commun. Renouer le fil de la confiance c’est avant tout éduquer et faire connaître les institutions - fort mal connues des électeurs - mais aussi travailler sur la reconnaissance sociale, faire émerger de nouveaux modes de recrutement des élites, moins scolaires et abstraits.

Quels sont les grands enseignements de la dernière vague ?

La dernière vague du Baromètre confirme tout d’abord quelques invariants du long terme. La défiance s’exerce essentiellement à l’égard des instances politiques nationales au sens large en y incluant les partis politiques, les syndicats, les médias ou même les réseaux sociaux que l’on soupçonne souvent bien trop vite de façonner l’opinion des électeurs. La confiance reste en revanche élevée envers les maires, surtout dans les petites communes, et la plupart des grands services publics à l’exception notable de la justice. Elle montre cependant que le quinquennat d’Emmanuel Macron reste fortement marqué par la crise démocratique. Les tensions sur la démocratie représentative et libérale continuent de s’exercer et semblent même exacerbées par la campagne électorale avec une tentation identitaire qui s’affirme. Si les Français continuent d’exprimer de fortes attentes en matière de justice sociale, les attitudes vis-à-vis de la protection des frontières sont toujours orientées vers une demande de fermeture.

Propos recueillis par l'équipe éditoriale de Sciences Po

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