L’esthétique de l’intelligence artificielle

Les développements extraordinaires de l’intelligence artificielle générative placent aujourd’hui la création par les machines au centre de toutes les controverses. Où commence la machine et où se termine l’humain dans les œuvres produites par les algorithmes ? L’intelligence artificielle est-elle capable de choix créatifs, de production de sens, d’émotions ou de beauté ou n’est-elle qu’un outil soumis à l’action de l’artiste ? Existe-t-il une esthétique de la création algorithmique ? Ce séminaire approche cette question par diverses disciplines : histoire de l’art, esthétique, droit, ingéniérie informatique.

INTERVENANTS

• Nicolas Malevé, Chercheur Post-doctoral à l’Université d’Aarhus, School for Communication and Culture, Artiste, activiste et computer programmer

Le complexe curatorial des générateurs d’images (où le dataset se présente au tribunal)

Les algorithmes actuels de traitement d’image apprennent sur base d'exemples sélectionnés par des équipes techniques qui incluent des ingénieur·e·s et des travailleur·e·s et en usant de critères de sélection à la fois techniques et culturels. C'est une forme de curation des images qui touche à des problèmes qui relèvent habituellement des commissaires d'expositions, des gestionnaires de collections, d'historiens d'art ou de responsables d'agence de presse. Mais ce problème curatorial est transposé à une échelle qui ne permet pas d'adaptation littérale des méthodes des "humanités". Ce problème se double de la question de l'appropriation des images puisque ces datasets sont constitués sans la permission des auteur·rice·s, qui accusent les générateurs d'images de générer des images en imitant leur style. Dans l’imbroglio juridique qui opposent aujourd’hui les artistes et Stability AI, quels sont les acteurs en présence et les différentes formes de curation mobilisées ?

• Laurence Bertrand Dorléac, Professeure d’histoire de l’Art, Sciences Po, Présidente de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Commissaire d’expositions.

Artistes & Robots

L’exposition du Grand Palais en 2018, Artistes & Robots, visait à replacer dans l’histoire de l’art sur la longue durée des œuvres numériques interactives et immersives sophistiquées — elles posaient des questions élémentaires : Que peut faire un robot que ne peut pas faire un artiste ? S’il est doté d’une intelligence artificielle, un robot peut-il avoir de l’imagination ? Qui décide : l’artiste, l’ingénieur, le robot, la regardeuse ou le regardeur, tous ensemble ? Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Faut-il avoir peur des robots ? Des artistes-robots ? Des artistes ? De nous-mêmes ?

• Carla Marand, Doctorante, Sciences Po

Les images de l’intelligence artificielle, sources pour l’histoire de l’expression émotionnelle

À la fois sujet de discussion et outil de création, l’intelligence artificielle (IA) est l’occasion d’examiner les normes qui façonnent l’expression émotionnelle. Les artistes contemporains saisissent cette occasion pour exprimer leurs fascinations, leurs espoirs et leurs peurs mais également pour réévaluer leur propre rapport sensible au monde humain et non humain.

Nous proposons de parcourir leurs œuvres pour contribuer à l’histoire de l’expression émotionnelle occidentale. À travers quelques exemples nous explorerons les possibilités offertes par la rencontre entre l’histoire des arts et l’histoire des émotions.

• Séverine Dusollier, Professeure à l’École de droit de Sciences Po, Directrice du centre de recherche de l’École de droit.

La créativité de l’intelligence artificielle selon le droit

Le droit d’auteur s’est toujours intéressé avec perplexité aux rapports entre création et machines, rejetant souvent les œuvres produites par des outils techniques, avant d’en accepter la protectabilité au prix d’une distinction entre l’outil technique et l’auteur, individu créateur, nécessairement humain. Les premières affaires judiciaires sur le refus de protection de créations de l’intelligence artificielle ou l’utilisation sans autorisation d’œuvres comme données d’entrainement des algorithmes, réitèrent une vision romantique de la création et de l’authorship, produisant de l’art ex nihilo, dans une pratique solitaire et individualiste, Le droit reste ainsi étanche aux pratiques créatives et à l’hybridation pourtant ancienne entre auteurs et robots.

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