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05.09.2025

Vote de confiance : les Français ont déjà tranché

À quelques jours du vote du 8 septembre à l’Assemblée nationale, où François Bayrou va engager la responsabilité de son gouvernement, l’opinion publique s’est déjà prononcée. 

C'est ce que révèle la dernière note de Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF, qui propose une analyse approfondie des verbatims des Français recueillis dans une enquête IPSOS-BVA. Elle souligne que la dramatisation sacrificielle du Premier ministre autour de la dette n’a jamais convaincu, et qu’elle a même nourri un rejet massif. Les mots utilisés par les répondants révèlent un désaveu sans appel, confirmant que la véritable question de confiance a déjà trouvé sa réponse dans l’opinion.

Situation critique pour François Bayrou

Le chercheur exploite un riche corpus de verbatims pour saisir les perceptions profondes des Français. L'utilisation d’outils d’analyse textuelle quantitative permettent de mettre en évidence la diversité lexicale, la prolixité différentielle et la tripartition politique des jugements exprimés.

Les résultats révèlent une situation critique pour François Bayrou :

Une impopularité record : dès juillet, sa cote de popularité atteignait un niveau historiquement bas (entre 12 % et 22 % selon les sondages), reflétant un désaveu massif.

Une rhétorique sacrificielle inefficace : l’analogie entre la dette publique et un « ménage endetté » a pu rendre le message accessible, mais elle a surtout été perçue comme injuste, renforçant le rejet plutôt que l’adhésion.

Trois registres de perception

Bruno Cautrès révèle trois univers lexicaux structurant l’opinion :

  1. Chez les électeurs macronistes : une ambivalence entre sérieux et courage d’un côté, mollesse et indécision de l’autre.
  2. Chez les électeurs lepénistes : la conviction que Bayrou fait « payer les petits », nourrissant une colère sociale et une disqualification personnelle.
  3. Chez les électeurs mélenchonistes : une disqualification morale, marquée par les termes de « mensonges », de « vieille droite » et par l’ombre de l’« affaire Bétharram ».

Cette cartographie lexicale révèle bien plus que l’échec d’une communication politique. Elle met en lumière une dynamique de défiance structurelle envers les élites, nourrie par le sentiment d’injustice sociale et par l’impression que la parole politique est décrédibilisée. La dissymétrie entre la brièveté des soutiens et la richesse lexicale des critiques traduit un déséquilibre profond : le rejet n’est pas seulement plus fréquent, il est aussi plus argumenté et pluriel.

Une triple crise

En définitive, cette note, intitulée « Les Français ont déjà répondu à la question de confiance ! », éclaire la rentrée politique 2025 à travers un prisme inédit : celui du langage des citoyens. L’affaire Bayrou illustre une triple crise – politique, sociale et démocratique – qui dépasse largement le cas du Premier ministre et interroge le rapport de confiance entre gouvernants et gouvernés.

Un texte incontournable pour comprendre la rentrée politique 2025 et les ressorts cachés de la défiance française, largement annoncés en février dernier dans la dernière vague du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF.

Légende de l'image de couverture : Le Premier ministre François Bayrou le 10 février 2025. (crédits : Victor Velter / Shutterstock.com)