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26.04.2017

“Une bonne campagne, c’est de l'humain...et des data”

Chaque semaine, Arthur Muller et Guillaume Liégey viennent enseigner aux étudiants de Sciences Po les meilleures méthodes pour faire gagner une élection à un candidat. Ceux qui s’attendent à rencontrer des spin doctors prêts à leur enseigner des tactiques dignes de la série House of cards, en seront pour leurs frais. Nos deux enseignants, cofondateurs d’une start up spécialisée dans la data électorale, préfèrent en effet s’inspirer des recherches les plus récentes et des big data pour élaborer leurs stratégies. Interview.

Votre cours s’intitule “Stratégies de campagnes : comment gagner une élection ?” Auriez-vous une méthode miracle pour faire gagner un candidat ?

Arthur Muller : Non, bien sûr ! Le cours est essentiellement pratique, même si nous l’enrichissons des recherches les plus récentes sur les tactiques électorales. Le cours se présente comme un jeu de rôle tout au long du semestre. Chaque étudiant se voit attribuer un parti, un territoire, et doit chercher à faire gagner son candidat. Notre rôle consiste à aider les étudiants à identifier les phases clés d’une campagne électorale. Il y a la stratégie électorale, par exemple. Regarder les résultats passés des élections, les profils socio-démographiques des territoires et voir à qui on pourrait prendre des voix. Les exercices de prise de parole sont également un autre aspect important du cours. Les étudiants doivent faire un discours de candidature devant les autres, ou encore simuler une conférence de presse : un étudiant prend le rôle du candidat et les autres ceux des journalistes qui posent les questions. Enfin, il y a également l’aspect militant qui est très important pour gagner une campagne. Un des exercices proposés consiste à faire une vidéo de mobilisation de ses militants en dernière ligne droite d’une élection.

Qui sont vos étudiants et que viennent-ils chercher dans vos cours ? Sont-ils déjà engagés dans des partis ?

A.M. : La moitié d’entre eux environ sont effectivement déjà impliqués dans des campagnes mais, cela va peut-être vous surprendre, ce n’est pas l’esprit du cours que de parler de politique ! D’ailleurs, quand on attribue un territoire et un candidat à nos étudiants en début de semestre, on procède par tirage au sort : les étudiants ne se voient pas forcément attribuer le parti qui correspond à leur sensibilité ! Concrètement, on est là pour aborder les questions de stratégie, dans une démarche la plus rationnelle et la plus scientifique possible. C’est toute la différence entre un militant, qui sera par essence partisan, et un stratège, qui est là pour penser une campagne. Souvent, on imagine que tout fonctionne au feeling. Il y a peut-être une part de feeling inhérente à ce métier, mais, dans notre cours, nous essayons d’apporter des éléments plus concrets sur lesquels s’appuyer : les datas, la psychologie expérimentale, etc.

Vous êtes créateur d’une start up, Liégey Muller Pons, qui utilise les big et open data et la recherche pour appuyer les campagnes. Selon vous, ce sont les outils de demain ?

A.M. : Clairement ! Notre inspiration, c’est la campagne présidentielle américaine des années 2000. Il y a eu à ce moment-là un saut technologique dans la manière de cartographier un territoire et de le couvrir. L’outil “Cinquante et un plus” développé par notre entreprise, permet de collecter la donnée électorale et de la croiser avec des données INSEE pour obtenir une centaine de variables et des analyses très fines de l’électorat par territoire. En 2012, lors de la précédente campagne présidentielle française, ce type d’outil était encore souvent vu comme un gadget, mais aujourd’hui, quasiment tous les candidats ont des outils de cartographie et d’application militante. D’ailleurs, lorsque nos anciens étudiants intègrent des équipes de campagne, c’est généralement précisément pour gérer ces aspects d’une campagne. C’est donc qu’ils ont des compétences recherchées !

Les stratégies classiques pour toucher les électeurs comme le terrain, le collage d’affiches... sont-elles dépassées ?

A.M. : Notre conviction, c’est qu’une bonne communication électorale est un mélange subtil d’humain et de data. C’est généralement cet équilibre-là qui est le plus efficace. Des travaux scientifiques américains ont prouvé que le porte-à-porte, par exemple, reste l’une des techniques les plus intéressantes pour toucher un électorat, alors qu’on pensait cela dépassé. Le contact humain reste donc essentiel mais, pour être le plus efficace possible, il doit aussi s’appuyer sur des outils faisant appel à la data pour cibler l’électorat.

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Légende de l'image de couverture : Série créée par Beau Willimons et diffusée sur Netflix