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18.11.2022

Un monde en ébullition : une analyse de Gustavo Petro, président de la Colombie

Gustavo Petro et Arancha Gonzalez
Gustavo Petro et Arancha Gonzalez (crédits : Thomas Arrivé / Sciences Po)

Le président de la République de Colombie était l’invité de l’École des affaires internationales (PSIA) de Sciences Po le 9 novembre 2022, , lors d’une conférence modérée par Arancha Gonzalez, doyenne de l’École. Élu en juin de cette année à la tête de son pays, homme politique mais aussi économiste, Gustavo Petro a livré aux étudiantes et étudiants un discours puissant sur sa position critique à l'égard de notre système économique capitaliste actuel, la difficulté à trouver des solutions et les tensions à venir dans un monde en plein bouleversement climatique.

Le capitalisme, un échec économique et climatique ?

Gustavo Petro, premier président colombien issu de la gauche, a exprimé clairement sa position critique à l’égard du capitalisme : “la crise qui se trouve à l’origine de la crise climatique est celle du mythe économique qu’est le capitalisme”. Un mythe selon lequel “si on laisse sa liberté au marché, les profits vont être maximisés”. Le résultat est sans appel, “nous sommes sur le point de vivre notre extinction”. Cette théorie ne serait donc pas scientifique mais idéologique, une idée sur laquelle nous aurions fondé toute notre économie.

À l’origine, le capitalisme se jouait entre les être humains, il organisait les relations sociales permettant d’organiser la production industrielle. Les ouvriers recevaient un salaire en échange de leur travail. C’est le concept de production de masse et de “progrès infini” qui, pour l’invité de PSIA, a signé l’échec du modèle. Un progrès infini ne paraît plus envisageable sur notre planète aux ressources limitées.

Vers des solutions équitables

L’ancien maire de Bogota a ensuite souligné la réelle difficulté à proposer des alternatives politiques dans le monde contemporain. Sa vision des grandes initiatives mondiales, comme les COP, est pessimiste. À ses yeux, la COP est devenue une “technocratie”, elle n’est plus politique, elle est de plus “comme toutes les technocraties, conservatrice”. Il paraît en effet aberrant pour ce ressortissant d’Amérique du Sud, que la seule solution proposée par les Nations unies aux pays comme la Colombie soit de s’endetter pour participer à l’effort climatique. Aucune aide sérieuse n’est proposée de la part des “pays les plus développés” qui sont pourtant historiquement à l’origine du problème.

Une difficulté majeure résiderait dans le fait que “le capital et les marchés” dominent les politiciens des pays les plus émetteurs de CO2, qui dès lors ne peuvent prendre les décisions nécessaires. Un second écueil réside dans l’objectif de ces pays d’assurer une “hausse permanente de leur niveau de vie”, la richesse de demain sera simplement d’avoir “le luxe d’exister”. Il ne s’agit pas de trouver des alternatives vertes pour maintenir notre niveau d’industrialisation et notre confort, le changement de mentalité doit être drastique.

Une nécessaire analyse académique

Enfin, le problème de la crise climatique étant pour Gustavo Petro d’origine économique et politique, sa solution sera "éminemment politique, au sens profond du terme politique”. Il est impératif de commencer “à chercher et trouver des réponses”. Une analyse académique par les sciences sociales que sont la politique et l’économie, conforme aux recherches menées par Sciences Po, est vitale pour ce sujet qui est “loin d’être trivial” puisqu’il concerne notre survie.

Dans la droite lignée des idées que Bruno Latour a pu évoquer lors du festival des 150 ans de Sciences Po le 16 septembre dernier, Gustavo Petro espère que les sciences physiques et les sciences sociales sauront dialoguer afin de trouver des solutions équitables et efficaces. Dans une société où “le capitalisme semble aller à l’encontre de l’humain”, les tensions ne pourront qu’augmenter si les humains ne se positionnent pas “contre le capital et la course au profit”.

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