Accueil>Ukraine : la situation des femmes artisanes réfugiées

20.02.2023

Ukraine : la situation des femmes artisanes réfugiées

Kiev, Ukraine, 7 juillet 2015 : un magnifique graffiti intitulé "Renaissance" à Andriyivskyy Descent, surnommé le "Montmartre de Kiev". L'oeuvre symbolise la nation Ukraine en jeune fille face à la fermeture des frontières. (crédits : Rrrainbow for Shutterstock)

Depuis 2019, le Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE) de Sciences Po s’associe à l’organisation Women Forward International qui met en relation des universités, des entreprises et des organisations à but non-lucratif pour identifier des projets de recherche-action essentiels au progrès humain et les mettre en œuvre.

Pendant l'année universitaire 2022-2023, cinq étudiantes en Master à Sciences Po – Isabel Davis, Anaïs Fiault, Nadine Henschel, Sasha Milbeck et Clara Ruthardt – mènent un projet, en partenariat avec Nest, et grâce au soutien de l'Open Society University Network (OSUN). Voici leur premier article.

Les réfugiées ukrainiennes artisanes et le déplacement

Le 24 février 2023 a marqué le premier anniversaire de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et la guerre consécutive ayant entraîné de lourdes pertes humaines et le déplacement de plus de 8 millions d'Ukrainiennes et d’Ukrainiens vers l'Europe, dont une majorité (87 %) de femmes et d’enfants. Notre groupe collabore avec deux ONG basées aux États-Unis, Women Forward International et Nest, afin de comprendre comment les femmes artisanes ukrainiennes réfugiées ont été affectées par leur déplacement forcé. Notre objectif est d’émettre des recommandations concrètes pour les États et les ONG qui peuvent participer à leur autonomisation socio-économique.

Selon plusieurs études, les femmes sont souvent les “gardiennes” d’une part importante du patrimoine et du savoir culturel. En ces temps de guerre, où non seulement le territoire ukrainien mais également l'identité nationale ukrainienne sont attaqués, nous souhaitons comprendre comment les femmes artisanes donnent désormais du sens à leur travail. Nous savons également que les réfugiés rencontrent parfois des difficultés à s'intégrer dans leurs communautés d'accueil et que l'autonomisation économique peut faciliter l’intégration sociale. Les pays et les communautés ayant accueilli des réfugiées ukrainiennes ont-ils créé des espaces de création pour leur permettre de poursuivre leur activité ? Ont-ils mis en place des programmes d’accès à l'entrepreneuriat ? Il existe à l’heure actuelle très peu de travaux de recherche universitaires sur ces questions dans le contexte spécifique de la guerre en Ukraine, notre projet vise donc à enrichir cette littérature.

Afin de représenter plusieurs catégories de femmes et d'expériences, nous allons étudier trois pays : la Pologne, l'Allemagne et la France. Nous comparerons la situation des femmes artisanes ukrainiennes déplacées par la guerre dans ces pays qui, malgré leur appartenance à un cadre européen uniforme, ont choisi des approches politiques d'accueil différentes. À l’issue de notre recherche, nous espérons pouvoir expliquer quelle valeur ces femmes accordent à leur travail artisanal dans un contexte de guerre et de déplacement (stratégie d’adaptation / de survie, source de revenus, moyen de développement d’une communauté, etc.) et comment elles franchissent les nouveaux obstacles ou saisissent des opportunités dans leur pays d’arrivée.

Tendances actuelles en France

Les entretiens que nous avons menés en France nous permettent de commencer à identifier quelques phénomènes.

Des avantages socioculturels de l’artisanat : de nombreuses artisanes ukrainiennes réfugiées ont déclaré avoir un lien culturel fort avec l'artisanat qu’elles décrivent comme un moyen de se connecter avec les générations passées et de préserver l'identité nationale et culturelle ukrainienne. Elles ont également mentionné que l’artisanat pouvait contribuer au rapprochement des communautés ukrainiennes avec le pays d'accueil. Plusieurs d'entre elles ont également mentionné comment la vente de leur artisanat les avait aidées à se connecter avec la population française locale et leur enthousiasme à l'idée de partager et de promouvoir la culture ukrainienne en France en organisant des ateliers d'artisanat ukrainien.

Quels obstacles à la poursuite d’une carrière d’artisane ? Beaucoup de femmes rencontrées avaient l'impression que l’Ukraine leur offrait plus de possibilités de pratiquer leur artisanat et d’en faire une source de revenu. Depuis la guerre, elles font moins d'artisanat dans leur pays d'accueil à cause de nouveaux obstacles tels que le manque d'espace et / ou de fournitures, le manque de compréhension des procédures fiscales et d'auto-entrepreneuriat, des problèmes d'accès à l'information et d’intégration dans des réseaux professionnels qui pourraient aider les naviguer dans le secteur, et les barrières linguistiques.

Prochaine étape : direction la Pologne et l’Allemagne

Notre équipe se rendra bientôt à Varsovie et à Berlin pour mener d'autres entretiens avec des réfugiées ukrainiennes artisanes. Nous verrons si les tendances relevées en France jusqu’à maintenant sont comparables à celles observées en Pologne et en Allemagne ou si des nouveautés émergeront dans notre étude.

Remerciements particuliers : nos recherches actuelles n'auraient pas été possibles sans le soutien de nos incroyables traductrices Anastasiia Kuznietsova et Anastasiia Amelicheva ainsi que des femmes ukrainiennes qui ont bien voulu partager leurs expériences avec nous.

EN SAVOIR PLUS :

  • Le projet de recherche-action “Helping Ukrainian Women Artisans” (en anglais) coordonné par le Programme PRESAGE et mené par cinq étudiantes de Sciences Po grâce au soutien de Women Forward International et OSUN,
  • Le dossier d'actualités de Sciences Po sur la guerre en Ukraine.