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09.03.2015

Simone Veil

Il y a un peu plus de 40 ans, Simone Veil prononçait un discours sur l’avortement qui fut un des plus grands et un des plus controversés de la Vème République. Entrée à Sciences Po en mars 1945, diplômée en 48, ce n’était pas la première fois qu’elle avait rendez-vous avec l’histoire. Ni qu’elle devait imposer ses convictions dans un monde d’hommes. Portrait d’une diplômée d’exception.

A son entrée à Sciences Po en octobre 1945, la jeune Simone Jacob, 18 ans, a déjà payé un lourd tribut à l’Histoire. Son Bac, elle l’a obtenu en mars 1944, la veille de son arrestation par la Gestapo. Son inscription rue Saint Guillaume, elle la fait moins de six mois après son retour des camps d'extermination, où sont morts presque tous les membres de sa famille. Son statut de déportée l’autorise à s’inscrire alors que le l’examen d’entrée a déjà eu lieu, “dans une conférence regroupant les étudiants qui avaient eu des problèmes pendant la guerre, raconte-t-elle dans Une vie. Tous avaient eu des histoires particulières et fortes, ce qui n’empêchait pas certains de me regarder comme un ovni : non seulement j’avais connu la déportation, mais en plus…j’étais une fille !”.  

En plein dans l’immédiat après-guerre, la scolarité de Simone Veil se fait pendant une période de mutation pour Sciences Po. Au terme de discussions politiques houleuses, Sciences Po se transforme juridiquement mais sauve son autonomie et sa liberté : “l’École libre des sciences politiques laisse la place à un curieux attelage composé d’un Institut d’études politiques (IEP) et d’une Fondation nationale des sciences politiques (FNSP)” (Sciences Po Stories).

A l’époque, les études à Sciences Po durent trois ans : à l’issue de l’« Année Préparatoire » (AP) redoutée pour son élitisme et réputée “préparation la meilleure à l’ENA” (Marie Scot), Simone Veil choisit la section “service public”, voie royale pour ceux qui se destinent aux grands corps de l’Etat. Ovni elle est, ovni elle reste : dans un Sciences Po où le nombre de femmes passe péniblement la barre des 20 % en 1949/50 (elles étaient à peine plus de 10 % dans l’entre-deux-guerres), cette section est réputée pour être la plus masculine...

Dans ces années d’étudiante, entre 1945 et 1948, qu’elle décrit comme “un moment heureux et fort”, Simone Jacob fréquente plus l’amphi Boutmy que les bancs de la faculté de droit où elle est également inscrite. Il faut dire que rue Saint-Guillaume enseignent alors les figures quasi légendaires des “pères fondateurs” de la science politique et de l’étude des relations internationales en France, André Siegfried et Pierre Renouvin. Parmi ses professeurs, on trouve aussi de jeunes talents comme Michel de Boissieu, normalien de 28 ans, grand résistant qui deviendra un jour le président de la banque Rothschild, et surtout l’un des plus fidèles amis du couple Veil.

Si elle “se tient à l’écart des étudiants de Sciences Po qui sortaient beaucoup et fréquentaient assidûment les cafés et les “caves” de Saint-Germain des Près, Simone Veil tisse des amitiés solides avec son “petit groupe de camarades”, parmi lesquels Claude Pierre-Brossolette, Michel Goldet, Jean-François Poncet ou Marc Alexandre. Ce n’est pas en Boutmy mais durant un séjour au ski entre camarades que Simone Jacob rencontre Antoine Veil, qu’elle épouse à l’automne 46.  

Le 9 juillet 1948, Simone Veil, 21 ans, mariée, mère d’un premier enfant et en attente du deuxième, est diplômée de Sciences Po et bien décidée à entrer dans la vie professionnelle une fois que son mari aura terminé l’ENA. C’est ce qu’elle lui annonce en 1954 après la naissance de leur troisième fils. “Il n’en est pas question”, lui répond son mari. “Je ne me suis pas laissée faire”, explique Simone Veil. Reçue au concours de la magistrature en 1956 et armée d’une détermination à toute épreuve (et elles seront nombreuses), Simone Veil démarre une carrière politique qui fera d’elle une figure majeure de l’Europe en reconstruction et de la France des IVème et Vème Républiques.

Sources :

  • Mission Archives de Sciences Po
  • Sciences Po Stories, la fresque historique
  • Une vie, Simone Veil, Editions Stock (2007)

Citation :

“Ce que je trouvais passionnant à l’institut, c’étaient les conférence animées par des personnalités venues d’horizons divers et riche d’expériences variées. Plusieurs d’entre eux réintégraient à peine les postes administratifs qu’ils avaient perdus pendant la guerre.” (Simone Veil, Une vie)

Le Club Vauban

Le Centre d'histoire de Sciences Po abrite les archives du Club Vauban, fondé en 1983 par Antoine et Simone Veil. Ce Club, dont le nom fait référence au domicile parisien des époux Veil, a rassemblé pendant plus de vingt ans des personnalités politiques appartenant à la majorité et à l'opposition. 

Dates-clés :

  • 1927 : naissance à Nice
  • 1944 : déportation à Auschwitz Birkenau
  • 1948 : diplômée de Sciences Po
  • 1956 : reçue au concours de la magistrature.
  • 1970 : secrétaire générale du Conseil Supérieure de la magistrature
  • 1974-79 : ministre de la Santé
  • 1979-82 : présidente du Parlement Européen
  • 1998-2007 : membre du Conseil Constitutionnel
  • 2008 : entrée à l’Académie Française

Légende de l'image de couverture : Sciences Po (mission Archives)