Accueil>Narcotrafic : de l'échelle locale à l'économie de plateforme

26.06.2025

Narcotrafic : de l'échelle locale à l'économie de plateforme

À l'occasion de la Journée internationale contre l'abus et le trafic de drogues (26 juin), découvrez le rapport sur le narcotrafic produit par Gabriel Feltran, directeur de recherche CNRS au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE) avec deux agents de la Direction des services pénitentiaires d'Outre-mer.

Intitulé “Les factions criminelles brésiliennes en Guyane”, il succède à un précédent rapport portant sur le trafic transatlantique (2023). Ce dernier avait donné lieu à la série documentaire à succès PCC, Secret Power sur HBO.

Une violence locale qui cache un marché transnational sophistiqué

Depuis une dizaine d’années, le narcotrafic en Guyane a changé d'échelle, sur fond de mutation des marchés mondiaux de la drogue : le problème n’est plus seulement local et la violence n’est que la partie visible de l'activité des factions brésiliennes en Guyane, cachant un marché transatlantique tentaculaire. L'expansion du PCC, Primeiro Comando da Capital, acteur majeur de la régulation de la chaîne de valeur de la cocaïne, place la Guyane dans une chaîne globale de marchés illégaux et facilite sur le territoire les connexions entre trafic de cocaïne, orpaillage illégal, prostitution et blanchiment d'argent.

Voici trois des éléments clés issus du rapport :

  • La violence visible, issue des confrontations entre différentes factions brésiliennes rivales, n'est que la partie émergée de leurs activités. Ces violences et leurs acteurs, généralement des jeunes précaires, masquent une évolution plus profonde de l'expansion des marchés criminels en Guyane et de la régulation logistique du marché transatlantique de la cocaïne ;
  • Le phénomène dépasse le cadre local guyanais. Les observations rappellent ce qui s'est produit au Brésil, lorsque les factions nées dans certains États se sont étendues à d'autres, de proche en proche ;
  • Ces changements ont comme toile de fond une mutation des marchés mondiaux de la drogue évoluant vers une économie de plateforme. Ainsi, le PCC devient un hub auquel se rattachent une myriade d'auto-entrepreneurs, des producteurs d'un côté eux revendeurs de l'autre, en passant par les transporteurs.

L'entretien vidéo avec Gabriel Feltran

La méthodologie

Cette recherche, réalisée entre novembre 2023 et décembre 2024, a mobilisé une revue de littérature sur les dynamiques criminelles et les factions brésiliennes en Guyane, et des méthodes qualitatives sur le terrain (observations ethnographiques dans le centre pénitentiaire et dans des quartiers de différentes localités, entretiens semi-structurés de détenus, collecte et analyse de documentation complémentaire).

Les trois auteurs ont aussi échangé avec le Commandement de la gendarmerie de l'Outre-mer, un ancien magistrat, et avec un chercheur spécialiste de l'orpaillage illégal en Guyane.