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24.08.2016

“Les algorithmes peuvent aider Aung San Suu Kyi à reconstruire la Birmanie”

Sciences Po fourmille d’entrepreneurs. Data science, fabrication de mousses de fruits label musical, marques de vêtements ou encore jeux pour enfants, les exemples de start-up fondées par des anciens du 27, rue Saint-Guillaume s'enchaînent et ne se ressemblent pas. En voici un, éloquent : Paul Duan, 23 ans, diplômé de Sciences Po et fondateur de la toute jeune société Bayes Impact, une ONG qui veut résoudre des problèmes critiques de société en utilisant les algorithmes. Portrait

Changer le monde

Non, les algorithmes ne servent pas qu’à faire “du clic et du fric”, Paul Duan en est convaincu et le prouve. Ce data scientist de 23 ans a fondé Bayes Impact en avril 2014 à San Francisco, une ONG qui, à partir de formules mathématiques et de données personnelles propose de résoudre les problèmes des organisations et des gouvernements. Appliqué aux hôpitaux américains, cela conduit à réduire les risques de réadmission des patients, en se penchant sur les dossiers que les médecins n’ont bien souvent pas le temps de consulter en détail. Appliqué aux organismes de microcrédit, cela permet de détecter les fraudes et les risques de défaut de paiement, pour accorder ensuite des crédits moins chers aux populations défavorisées.

Réduire le chômage

Bayes Impact compte aujourd’hui une douzaine d’experts, recrutés dans la Silicon Valley. Depuis quelques semaines, ils planchent avec Pôle emploi, en France, pour créer un portail intelligent qui guidera le demandeur d’emploi dans sa recherche. “Une sorte de coach qui élaborera un diagnostic et des recommandations en fonction du marché du travail, et dont la version bêta devrait être prête avant la fin de l'année”, explique, enthousiaste, celui qui est entré à Sciences Po en 2009, tout en suivant une licence de mathématiques à Paris I.

En 2011, pour sa troisième année d'étude consacrée à un séjour à l’étranger, Paul Duan rejoint l’université de Berkeley. Il décide alors de rester aux États-Unis, et devient, à 19 ans, data scientist chez Eventbrite. C’est là qu’il réalise le pouvoir des algorithmes : “Tu en changes un, et tu fais économiser 10 millions à la boîte. Quand tu gères 2 milliards, c’est pas mal !”

Bill et Melinda Gates comme parrains

Convaincu que la technologie peut améliorer la vie des gens, il décide alors de mettre ses compétences au service de la société pour la rendre plus ouverte, plus transparente et plus efficiente. “On part des problèmes et on cherche des solutions concrètes. On voit l'entrepreneuriat social comme la continuation de l’innovation publique par d'autres moyens.” 
Une fibre sociale qu’il dit tenir d’abord de ses parents, immigrés chinois, marqués par Tian’anmen, mais aussi de son enfance à Trappes, où ses amis d’enfance ne sont pas allés plus loin qu’un DUT. Enfin, ses années de lycée à côté de Versailles, où il a déprimé “dans un environnement un peu bourgeois qui ne lui correspondait pas”. Il assure qu’il n’aurait jamais eu ce parcours sans passer par Sciences Po qui l’a aidé à être polyvalent. Sans non plus ce départ aux États-Unis, où il notamment bénéficié, pendant trois mois, du prestigieux Y Incubator de Paul Graham, pour monter son ONG. Une expérience qui lui a permis d’être soutenu par des mécènes, Bill et Melinda Gates en tête – pas de levée de fonds, “non profit” organisation oblige.

Aujourd’hui, pas de jaloux entre ses deux pays de cœur et d’adoption : “Avec Bayes Impact, je cherche à appliquer les méthodes américaines avec une fibre française.” Et pas question de se limiter à ces territoires : “À terme, on pourrait imaginer des outils pour la planète entière, par exemple, on pourrait aider Aung San Suu Kyi à reconstruire la Birmanie.” Devenir l’ONU de la data science en somme, c’est cela dont rêve Paul Duan.

Clémence Fulleda / entretien réalisé par l’association des Alumni de Sciences Po 

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Légende de l'image de couverture : Paul Duan (@pyduan) | Twitter