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05.09.2019
“En journalisme, la neutralité n’existe pas, l’honnêteté, si !”
“Elle représente ce qu’il y a de meilleur et d’indestructible dans le métier de journaliste” : c’est ainsi que le doyen Bruno Patino a présenté Marion Van Renterghem, invitée de rentrée de l’École de journalisme de Sciences Po. “Prendre le temps de traîner”, parler une “langue claire et belle”, “cultiver l’honnêté et la religion du fait” : tels sont les conseils de la journaliste pour suivre cette vocation “un peu folle” dans un monde qui aime détester la presse.
“Jamais la démocratie n’a été aussi menacée, jamais le journalisme n’a été autant dénigré”, a averti avec gravité la journaliste Marion Van Renterghem devant les étudiants réunis pour la leçon inaugurale. “Mais jamais le monde n’a eu autant besoin de vous, les journalistes”, a-t-elle poursuivi avant d’évoquer sa trajectoire de grand reporter au Monde puis à Vanity Fair et les révolutions dont elle a été témoin.
“Les journalistes ont perdu le monopole du récit”
Révolutions d’un monde devenu “plus complexe”, divisé par le populisme qui caricature la notion d’élite et celle de peuple. Révolution de la profession surtout, qui a “perdu le monopole du récit et de sa diffusion”. “Avant, on savait qui était journaliste et qui ne l’était pas. Aujourd’hui, tout le monde peut s’improviser journaliste”. Pour Marion Van Renterghem, il s’agit là d’un énorme défi, mais aussi d’une chance : “l’exigence de qualité n’a jamais été aussi intense. Vous devez prouver que que vous racontez mieux que les journalistes amateurs.”
Pour relever ce défi, malgré les accélérations de l’histoire, le passage du bloc-notes au smartphone, elle invite à revenir aux fondamentaux de la profession. “Certaines choses ne changent pas : le journalisme est une façon de vivre, une manière de regarder les choses, de comprendre sans juger.” Face à l’instantanéité, à la séduction du “buzz”, elle incite les nouveaux entrants à “prendre le temps de traîner, d’écouter tous les points de vue, surtout ceux qui sont différents du vôtre”. “Dans une interview, les 30 premières minutes ne servent à rien. C’est à la fin que les gens vont commencer à vous parler vraiment.”
“Vérité des faits et justesse du regard”
Autre force à cultiver : le style. “Efforcez-vous de parler une langue claire et belle. Et pour ça il ne faut pas lire uniquement les journaux : mes modèles en écriture, c’est Gustave Flaubert et Paul Morand.” Enfin, “il faut comprendre que la neutralité n’existe pas. Aucun humain n’est neutre.” Pire, “au nom de la neutralité, il arrrive qu’on justifie les fake news, parce que les faits ont perdu leur caractère sacré. Vous devez rechercher la vérité des faits et la justesse du regard”. Pour exercer le journalisme dans le monde qui vient, conclut-elle, “vous pouvez vous distinguer par deux vertus cardinales : la curiosité et l’honnêteté”.
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