Accueil>Hawa Diallo : “La diaspora a un rôle central à jouer dans le développement de la Guinée”
04.03.2022
Hawa Diallo : “La diaspora a un rôle central à jouer dans le développement de la Guinée”
Après une première partie de carrière en tant qu’auditrice financière internationale, Hawa Diallo a intégré l’Executive Master “Politiques et management du développement - Potentiel Afrique” à Sciences Po Executive Education pour préparer une reconversion dans le service public guinéen.
Successivement Secrétaire Générale au sein du Ministère en charge des Investissements et des Partenariats Public Privé puis Secrétaire Générale du Ministère de l'Agriculture et de l'élevage, elle nous raconte son parcours et ses ambitions pour l’avenir de son pays.
Après une carrière dans l’audit financier international, qu’est-ce qui vous a poussé à vous reconvertir dans le secteur public Guinéen ?
Tout est parti d’une mission de consultance que j’ai conduite pour le compte de la Banque Mondiale et qui portait sur un audit organisationnel de l’Inspection Générale de l’Administration Publique en Guinée. Le diagnostic posé mettait clairement en évidence les dysfonctionnements dans l’administration publique et a permis d’identifier de multiples pistes de réformes.
Personnellement j’en ai tiré un enseignement majeur : le besoin criant de renforcement des capacités dans les administrations publiques. Le secteur public a donc suscité chez moi des objectifs de carrière. Du coup, il me fallait préparer la transition vers le secteur public. La question que je me posais donc était la suivante : comment se doter du meilleur enseignement envisageable ? Comment disposer des meilleurs outils pour réussir cette transition ? J’ai été conseillée par un ami Arnaud Salla qui faisait le même master et mon choix s’est naturellement porté sur Sciences Po car le contenu du programme en termes de compréhension des enjeux de développement du continent Africain, répondait à mes critères de recherche.
Et qu’est-ce que ce master vous a apporté sur le plan professionnel ?
Je dois avouer que la première fois que je me suis rassise en salle de cours, je me suis demandée si c’était vraiment nécessaire et malgré mon expérience, un retour sur les bancs de l’école était vraiment pertinent ? Mais j’ai rapidement été rassurée.
Sciences Po m’a d’abord permis de rencontrer des personnalités très intéressantes. Nous étions une promotion de 28, issus de 10 pays différents, avec énormément de partage d’expériences, d’échanges, de projets. Aujourd’hui, nous avons un groupe WhatsApp sur lequel nous partageons les meilleures pratiques de nos pays respectifs. Ce cursus m’a ensuite permis de développer une vision macro des choses, d’aller à l'essentiel pour une prise de décision éclairée et rapide. Il m’a aussi permis d'analyser, d'organiser, de structurer mes idées autour d'un projet. Les différents intervenants de grande qualité nous ont enfin fourni les outils nécessaires nous permettant de discuter avec les décideurs politiques ou les partenaires du développement, sur les enjeux et les défis du continent. Il faut aussi mentionner l’appartenance à la grande famille des Alumni de Sciences Po et d’être membre de ce vaste réseau avec cette étiquette sert de référence.
Avant la fin de mon master, j’ai été nommée Secrétaire Générale du Ministère en charge des Investissements et des Partenariats Public Privé. L’enseignement reçu m’a permis d’être immédiatement opérationnelle, d’être au même niveau de compréhension et de me familiariser avec le jargon utilisé au quotidien notamment le Dialogue Public Privé, les PPP, la compétitivité pays, la gestion de cycles de projets… Dans mes hautes fonctions, ces acquis m’aident à comprendre très rapidement les sujets qui sont débattus, à définir et à piloter des stratégies de développement. A l’heure du bilan ce sont les petites différences qui comptent, et ce master a réellement fait la différence pour moi.
Quels sont, justement, les grands enjeux auxquels vous devez répondre aujourd’hui ?
Tout d’abord, en tant que Secrétaire Générale du ministère de l’Agriculture et de l'Élevage, j’ai une fonction très technique. Je pilote la coordination de toute les activités techniques conduites au sein de mon département qui a en charge l’élaboration de la politique agricole et pastorale de la Guinée. L’agriculture est le deuxième secteur qui contribue au PIB de la Guinée.
Sur un plan plus global, le principal objectif que nous voulons atteindre est l’autosuffisance alimentaire. La Guinée est un pays qui a un énorme potentiel agricole avec environ 13,5 millions d’hectares de terres arables et un énorme potentiel pastoral. Le premier objectif est de moderniser les moyens de production et fournir aux agriculteurs les outils nécessaires leur permettant d’accroître leur productivité. Sur ce, le gouvernement est déterminé à mettre les moyens nécessaires et suffisants pour mettre fin à l’agriculture traditionnelle et itinérante. Il faut noter que d’importants projets agricoles sont financés par les partenaires financiers et qui concourent à l’atteinte de cet objectif.
Le deuxième objectif est celui de l’employabilité - notamment en ce qui concerne les jeunes et les femmes. Il faut donc promouvoir l’entreprenariat dans l’agriculture et dans l’élevage auprès de ce public.
Un troisième objectif est celui de favoriser les investissements dans l’agriculture et dans l’élevage. Pour cela, nous poursuivons les travaux sur les réformes en vue d’assainir le climat des affaires afin d’inciter le secteur privé à y investir. Une des réformes phares est celle foncière pour sécuriser les investissements.
Au-delà du secteur agricole, quel avenir économique voyez-vous se dessiner pour la Guinée ?
La Guinée a enregistré des résultats remarquables ces dernières années. Le niveau des investissements directs étrangers a largement augmenté, et ceci s'explique en partie par tous les efforts, toute la dynamique qui a été menée pour, justement, favoriser les investissements en Guinée. Si je prends par exemple la production de bauxite - qui a longtemps plafonné à 20 millions de tonnes par an - nous avons en quelques années multiplié la production par 4 pour atteindre aujourd’hui plus de 80 millions de tonnes par an, des niveaux jamais atteints. Les accords de partenariats avec les grandes institutions de financement se multiplient.
Ce qui est aussi remarquable, malgré la pandémie de Covid-19, c'est que la Guinée a enregistré un niveau de croissance de 5,6% en 2021 l’un des meilleurs en Afrique subsaharienne et les prévisions de croissance en 2022 sont de 5,2%. Le franc guinéen s’est aussi apprécié par rapport au dollar, autant de bons indicateurs.
Depuis l’évènement du 5 septembre 2021, il y a une forte volonté politique de refondation de l’État qui est affichée. A cet effet, de fortes mesures sont prises pour asseoir de nouvelles règles de gouvernance faisant de la justice la boussole et la lutte contre la corruption et les malversations financières une priorité du Gouvernement de la transition sous l’autorité du Colonel Mamadi Doumbouya. A cet effet, une cour de répression des crimes économiques vient d’être mise en place pour la première fois. Au cours de cette période, les réformes institutionnelles nécessaires seront menées afin de bâtir des institutions fortes pour un État fort dans le but de rendre le pays plus attractif.
C’est à cela que je m’attelle au quotidien. On enregistre de plus en plus un retour d’une diaspora désireuse de mettre à disposition leurs compétences et expériences pour contribuer au développement du pays. Cette dynamique qui consiste à mettre ses connaissances au profit de son pays est un acte patriotique qui est salutaire et qui mérite d’être encouragé.
L'équipe éditoriale de Sciences Po