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29.10.2018

Croissance : une embellie en demi-teinte

Par Mathieu Plane (OFCE). La publication de chiffres de la croissance de l’économie française décevants au premier semestre 2018 (0,4 % contre 1,4 % au dernier semestre 2017) relance les inquiétudes sur la pérennité de l’embellie conjoncturelle observée ces derniers mois. En 2017, après six années de croissance très faible (0,8 % en moyenne annuelle), la France avait enregistré sa meilleure progression depuis dix ans (2,3 %).

Mieux, cette reprise semblait vigoureuse car portée un investissement des entreprises et des créations d’emplois au plus haut depuis 2007, un investissement des ménages affichant sa plus forte croissance depuis 1999, et une contribution du commerce extérieur positive pour la première fois en cinq ans.

Mais cette dynamique a connu un coup d’arrêt début 2018 en raison de la hausse des prix du pétrole et de la dégradation de l’environnement international. Le ralentissement économique a alors touché l’ensemble des pays la zone euro.

2018 : un trou d’air lié au calendrier fiscal

Pour ce qui est de la France plus spécifiquement, d’autres facteurs ont accentué ce ralentissement : d’abord, un calendrier fiscal défavorable en début d’année 2018. Deux facteurs sont combinés, avec d’un côté la hausse de la fiscalité directe, l’augmentation de la CSG non compensée intégralement par la baisse des cotisations salariés, et de l’autre la fiscalité indirecte avec la hausse des taxes sur le tabac et les hydrocarbures. À eux seuls, ces deux facteurs ont pesé à hauteur de -0,8 point au premier trimestre sur le revenu disponible brut (RDB) des ménages, c’est-à-dire le revenu dont ces derniers disposent pour consommer ou épargner, après les opérations de redistribution (impôts…).

Notons aussi que, dans une moindre mesure, les grèves du deuxième trimestre 2018 et la contraction de la consommation en énergie, avec un printemps plus doux, ont pesé sur la demande intérieure.

Rebond en fin d’année

La croissance devrait toutefois rebondir d’ici fin 2018 pour atteindre 1,7 % en moyenne sur l’année (contre 2,3 % en 2017), avec des hausses de 0,5 % et 0,6 % au troisième et au quatrième trimestre (contre 0,2 % au premier et au deuxième semestre 2018). L’impact négatif des mesures fiscales de début d’année s’atténuerait, et le pouvoir d’achat des ménages devrait connaître une forte accélération grâce à la baisse des cotisations sociales salariées et la mise en place de la première tranche de réduction de la taxe d’habitation.

Au total, le pouvoir d’achat augmenterait de 0,5 % au troisième trimestre 2018 et de 1,6 % au quatrième trimestre 2018, soit sa plus forte hausse trimestrielle depuis fin 2002.

3,5 milliards aux ménages

En 2019, la croissance du PIB atteindrait 1,8 % et serait portée par le dynamisme de l’investissement des entreprises et des administrations publiques. Le pouvoir d’achat augmenterait lui aussi à 1,9 % (après 1,3 % en 2018), ce qui va dynamiser la consommation. C’est la conséquence de la montée en charge des mesures fiscales de soutien au revenu des ménages. Les salariés du privé de la classe moyenne vont notamment bénéficier de la baisse de cotisations sociales salariales sur une année pleine, de la désocialisation des heures supplémentaires, ou encore de la deuxième tranche de baisse de la taxe d’habitation.

Sur l’ensemble de 2018, l’impact global des mesures fiscales, négatives en début d’année puis positives dans les derniers mois, était quasiment nul en moyenne, bien qu’elles aient généré des gagnants et des perdants.

En 2019, la nouvelle hausse de la fiscalité indirecte et de la désindexation de certaines prestations sociales (retraites, famille, logement, invalidité, etc.), ou encore le nouveau mode de calcul des APL, va pénaliser certains ménages. Mais globalement, les mesures socio-fiscales décidées par le gouvernement Philippe soutiendront le pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages à hauteur de 3,5 milliards (si l’on exclut les mesures Agirc-Arrco décidées par les partenaires sociaux).

Ralentissement en 2020

C’est l’année 2020 qui devrait être celle du retour progressif vers la croissance potentielle, à savoir la croissance à laquelle pourrait prétendre la France sans les aléas de la conjoncture. La hausse du PIB atteindrait 1,5 %.

Contrairement à 2018 et 2019, l’impact global de la politique budgétaire sur l’économie française serait légèrement négatif (-0,1 point de PIB) et la demande adressée à la France ralentirait en lien avec le retournement du cycle mondial (la croissance mondiale passerait de 3,3 % en 2018-2019 à 2,9 % en 2020).

Bien entendu, il y a toute une série risques extérieurs qui pèsent sur ce scénario : le durcissement de la guerre commerciale avec les États-Unis, la matérialisation de l’hypothèse d’un hard Brexit, l’aggravation de la situation économique de certains pays émergents, ou encore les risques financiers comme la faiblesse des banques italiennes qui font toujours planer la menace d’une nouvelle crise dans la zone euro. S’ils ne viennent pas trop peser sur le scénario, la croissance française devrait prendre d’ici 2020 la voie de la normalisation.The Conversation

Mathieu Plane, économiste - directeur adjoint au Département Analyse et Prévision OFCE - Sciences Po

Cette contribution est tirée du policy brief de L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) intitulé « Perspectives économiques 2018-2010 », publié le jeudi 18 octobre 2018, et rédigé sous la direction d’Éric Heyer et Xavier Timbeau.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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