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02.02.2022

Le Professeur Moritz Schularick reçoit le prestigieux prix Gottfried Wilhelm Leibniz

Der Gottfried Wilhelm Leibniz-Preis 2022
(crédits : @Actualité Sciences Po)

Moritz Schularick, professeur d'économie à Sciences Po, a reçu le prix Gottfried Wilhelm Leibniz 2022, la plus prestigieuse récompense de recherche en Allemagne, décernée par la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG). Il est notamment reconnu pour avoir (re)placé l'histoire économique au cœur de la macroéconomie, ainsi que pour ses réflexions sur les causes des crises financières et l'évolution historique de la répartition des richesses. Les données macroéconomiques ont tendance à être "en retard" par rapport aux événements du monde réel et cela freine la recherche en économie alors qu'elle pourrait aider les décideurs politiques. L'approche historique novatrice de Moritz Schularick à l'égard de la crise financière de 2008, par exemple, a fourni des informations fondamentales sur la dynamique de la crise qui peuvent aider à anticiper et à atténuer les crises financières futures.

Plus récemment, il s'est intéressé aux causes des inégalités sociales et à l'analyse de l'évolution des rendements sur le capital. Apprenez-en davantage dans notre entretien avec Moritz Schularick sur ses recherches, ce qu'il aimerait faire du Prix Leibniz, et pourquoi il a rejoint Sciences Po cet automne :

Qu'est-ce qui a suscité votre intérêt pour la perspective historique de votre recherche en tant qu'économiste ? Comment cela a-t-il défini votre travail ?

J'ai grandi dans les années 1990 dans un Berlin nouvellement unifié. La transition économique en Europe de l'Est, du communisme au capitalisme, a été mon point de départ intellectuel pour réfléchir à la (macro)économie dans une dimension historique. 

J'ai toujours été intéressé par la macroéconomie et l'économie financière dans une perspective à long terme. 

L'histoire peut offrir une perspective nouvelle et innovante sur des questions (économiques) fondamentales auxquelles la société est confrontée : comment pouvons-nous garantir la stabilité financière et empêcher une prise de risque excessive sur les marchés financiers ?  Quel est le lien entre l'endettement croissant et les inégalités ? Comment la politique monétaire affecte-t-elle le prix des actifs et donc la consommation et l'investissement ? Quel est l'avenir de la mondialisation ?

Les modèles macroéconomiques quantitatifs jouent un rôle important pour répondre à ces questions : ils informent les décideurs politiques des conséquences probables de leurs politiques monétaires, budgétaires et macroprudentielles. Mais l'incertitude est inhérente à la modélisation - des données incomplètes ainsi qu’un trop grand nombre de paramètres à inclure ne permettent pas toujours aux modèles macro et financiers de prédire les résultats des politiques. L'histoire a bien des choses à nous apporter lorsqu'il s'agit de nous apprendre comment les choses fonctionnent réellement et comment améliorer ces politiques qui ont tant d'influence sur les décisions des ménages et des entreprises. L'histoire peut fournir des données plus nombreuses - et de meilleure qualité ! Et l'histoire peut éclairer d'un jour nouveau l'importance des institutions et de la culture, même dans le domaine de la macroéconomie.

Vous venez de recevoir le Prix Leibniz : y a-t-il un projet de recherche que vous avez toujours voulu développer et qui est désormais possible grâce à cette dotation ?

Il y a tellement de choses à faire. Je veux certainement approfondir ma réflexion sur les différents liens entre la finance et l'inégalité. Il existe de nombreux liens entre les deux. Par exemple, pensons un instant aux 10 % de la population qui ont les revenus les plus élevés... Nous savons que les individus les plus riches ont les taux d'épargne les plus élevés. Si les 10 % les plus riches sont susceptibles de d’avoir des revenus plus élevés, leur taux d'épargne augmentera et l'apport global de l’épargne au système financier augmentera. Ce qui, à son tour, pourrait faire baisser les taux d'intérêt.  Cet exemple montre que les tendances en matière d'inégalité des revenus et de résultats financiers peuvent être étroitement liées, mais que ces liens n'ont pas encore été explorés.

Pour cartographier les territoires inexplorés, je rassemble généralement des données provenant de différentes sources - banques centrales, statistiques historiques, sources primaires. Les doctorants et les assistants de recherche ont joué un rôle énorme à cet égard, tout comme les subventions de recherche qui m'ont été accordées, initialement par la Fondation Volkswagen et plus récemment par le Conseil européen de la recherche (CER) pour le projet SAFEHOUSE. Le Prix Leibniz me permettra de poursuivre ces explorations.

En 2015-16, vous étiez titulaire de la chaire Alfred Grosser de Sciences Po et en 2021, vous avez décidé de rejoindre le département d'économie : quelles nouvelles opportunités de recherche et d'enseignement Sciences Po vous offre-t-elle ?

Sciences Po dispose d'un corps étudiant unique. J'apprécie l'ouverture internationale, la diversité et la motivation intrinsèque. Le département d'économie est l'un des meilleurs d'Europe et possède un esprit unique d'ouverture aux autres sciences sociales dans une discipline qui peut parfois sembler un peu hermétique. Pour mes sujets de recherche, il est essentiel que je puisse discuter avec des historiens, des politologues et des sociologues. Sciences Po est l'endroit idéal pour cela !

L'équipe éditoriale de Sciences Po

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