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04.11.2024
Redécouvrir Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt 2024
Kamel Daoud publie un troisième roman intitulé Houris, paru aux éditions Gallimard le 15 août 2024, façonnant la rentrée littéraire. Après avoir obtenu le Prix du meilleur roman français de la revue culturelle Transfuge et le Prix Landerneau des lecteurs 2024, cet ouvrage obtient le prix Goncourt 2024. Il y remercie, dans les premières pages, “les gens de Sciences Po qui ont offert un toit à cet écrit”. C'est un honneur pour l'école de lui avoir donné un cadre pour écrire ce texte magnifique et de le compter parmi ses enseignants. Nul doute que ses cours sur le journalisme, l’écriture et les relations franco-algériennes sont une source d’inspiration pour les étudiantes et étudiants de Sciences Po.
Houris retrace le parcours d’Aube, une jeune Algérienne qui doit se souvenir de la guerre d’indépendance, qu’elle n’a pas vécue, et oublier la guerre civile des années 1990, qu’elle a elle-même traversée. Sa tragédie est marquée sur son corps : une cicatrice au cou et des cordes vocales détruites. Muette, elle rêve de retrouver sa voix. Son histoire, elle ne peut la raconter qu’à la fille qu’elle porte dans son ventre. Mais a-t-elle le droit de garder cette enfant ? Peut-on donner la vie quand on vous l’a presque arrachée ? Dans un pays qui a voté des lois pour punir quiconque évoque la guerre civile, Aube décide de se rendre dans son village natal, où tout a débuté, et où les morts lui répondront peut-être.
Kamel Daoud et Sciences Po
Il y a presque 10 ans, le journaliste et chroniqueur devient auteur avec la publication d’un premier roman, Meursault, contre-enquête (éditions Actes Sud), pour lequel il reçoit le prix Goncourt du premier roman. En 2017, il publie Zabor ou les Psaumes (éditions Actes Sud) qui obtient le Prix Méditerranée. En 2019, il remporte le Prix mondial Cino del Duca pour son œuvre.
La même année, il devient le premier titulaire de la chaire d’écrivain en résidence de Sciences Po. C’est le premier chapitre d’une longue histoire qui s’écrit entre l’écrivain et l’institution et qui prend la forme d’enseignements, de masterclasses et de dialogues avec les différents publics de Sciences Po.
Il dispense notamment des cours aux étudiants de la Maison des Arts et de la Création (”L’écriture et la construction du sens” en 2019, puis “Un roman rétroactif ou comment démanteler le livre pour écrire le sien” en 2024), ainsi qu’aux étudiants du Collège Universitaire (“La guerre imaginaire d'Algérie ou comment penser l'autre selon soi” en 2024). Il propose également des ateliers d’écriture aux étudiants en formation continue à l'Executive Education de Sciences Po.
En 2019, il donne des masterclasses sur les campus de Reims et de Menton sur les notions d’écriture engagée et de créativité et discute de l’exil (sous un angle à la fois politique et littéraire) avec la promotion d’étudiants réfugiés à Sciences Po. La même année, il participe à un échange avec Enrico Letta, alors doyen de l’École des affaires internationales (PSIA) de Sciences Po, sur l’actualité algérienne. En 2024, il revient à Menton pour une conférence dans le cadre des Colloques de Menton organisés en lien avec le campus de Sciences Po, et participe aussi à des rencontres dans des lycées de Convention Prioritaire partenaires de Sciences Po.
Nous avons choisi quatre moments forts qui marquent la présence de Kamel Daoud à Sciences Po et qui permettent de découvrir son œuvre et sa pensée autrement.
Une leçon inaugurale sur la littérature et l’universalité
En 2019, le comité de sélection de la chaire d’écrivain en résidence choisit, à l’unanimité, Kamel Daoud comme premier titulaire. Dans sa leçon inaugurale, il convoque la figure biblique de Jonas, envoyé par Dieu pour convertir les habitants de la ville de Ninive, pour questionner la compétence à l’universel de la littérature, du roman et de son écrivain.
Pour Kamel Daoud, un moment clef pour tout candidat à l’écriture est de parvenir à “transformer le récit de soi en récit de l’autre, tous les autres. La formule est prétentieuse, mais il faut s’y consacrer. Écrire c’est aussi décloisonner la conscience.” Il ajoute : “L’une des règles de la créativité est le décloisonnement de conscience, l’obligation de voyager dans le sens opposé de son monde et de risquer la tempête et le hasard”.
Dialogue avec Marie Darrieussecq
À l’issue de son semestre de titulaire de la chaire d’écrivain en r ésidence, Kamel Daoud passe le relais à Marie Darrieussecq le 16 septembre 2019 — l’occasion, pour ces deux grandes plumes de la littérature française, d’évoquer leur rapport à la langue française. Pour Kamel Daoud, le français est la langue dans laquelle son corps se réfugie, la “langue de la clandestinité, de la découverte de l’ailleurs et du voyage à moindres frais”. Pratiquer cette autre langue, c’est avoir un espace à soi sécurisant, dans lequel il peut préserver sa personne.
Ce qu’il doit à Jules Verne
En 2023, Kamel Daoud est de retour comme enseignant à Sciences Po. Avant d’animer des ateliers d’écriture, d’enseigner le journalisme et de donner un cours sur la relation franco-algérienne, il prononce un discours sur l’influence des livres de Jules Verne dans son parcours et le façonnement de son imaginaire. Alors que les romans de l’explorateur l’aident à fuir et à imaginer la liberté quand il est enfant, ce n’est que tardivement qu’il apprend que deux d’entre eux ont pour toile de fond des paysages qui lui sont familiers, Oran et Mostaganem, ville de sa naissance.
Il découvre ainsi que ses “évasions de jeune lecteur ne possédaient secrètement rien de si exotique, de si aventureux” et que “certains des paysages de ses romans gisaient sous [ses] pieds alors [qu’il] les cherchait, enfant, dans le songe”. Kamel Daoud en tire une leçon : l’inconnu est parfois ce que l’on a sous les yeux et les histoires ont “le don fou de retravailler la création à partir de rien ou presque”.
> Lire le discours dans son intégralité.
Delphine Horvilleur et les conditions du dialogue
En avril 2024, Kamel Daoud et la rabbin Delphine Horvilleur sont réunis pour un moment d’échange sur la place et le sens des mots dans le contexte de la tragédie dans laquelle est plongé le Proche-Orient depuis le 7 octobre.
L’auteur invite à se méfier de la vérité et à préférer les questions aux réponses. Surtout, il insiste sur l’importance de garder la propriété de ses mots, de les dire et de continuer à réfléchir à haute voix : “Si je suis là, c’est parce que j'ai la vanité de poursuivre une mission, celle de réfléchir à haute voix, de penser à haute voix. Je crois que si l'on ne prend pas la parole, souvent, on la cède. Généralement au plus radical. (...) Je suis ici pour écouter, pour essayer de réfléchir, pour échanger et pour raconter une expérience : pourquoi je pense ainsi.”
Découvrez aussi l’actualité des anciens titulaires de la chaire d’écrivain en résidence lors de la rentrée littéraire 2024 :
- Maylis de Kerangal : Jour de ressac (éditions Gallimard), sélectionnée pour le prix Goncourt 2024, lauréate du prix Patrimoines 2024
- Alice Zeniter : Frapper l’épopée (éditions Flammarion)