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15.09.2022

Mia Amor Mottley, Première Ministre de la Barbade : "sans coeur, l’intelligence ne mène à rien"

Mia Amor Mottley, Première ministre de la Barbade, s'adressant aux étudiants. (crédits : Thomas Arrivé)

La Première ministre de la Barbade, Mia Amor Mottley, a été conviée par l’École des affaires internationales de Sciences Po (PSIA) le 12 septembre 2022 afin de dispenser sa leçon inaugurale. La Première ministre a saisi l’occasion de s’adresser à de “futurs décideurs” au sujet du changement climatique et du financement du développement des pays mais aussi de valeurs centrales comme la justice et la solidarité.

L’Honorable Mia Amor Mottley, une invitée de premier choix

Un terme qui peut qualifier Mia Amor Mottley est “unique”. Sa personnalité hors du commun, sa passion, son éloquence, son esprit brillant, son empathie lui ont permis de devenir la première dans de nombreux domaines. Elle a en effet été la première femme aux postes de procureure générale, dirigeante de l’opposition au Parlement et dirigeante du Parti travailliste de la Barbade. Elle est la huitième Première ministre de la Barbade depuis 2018, réélue en 2022, et la première Première ministre du système républicain : un changement qu’elle a porté. Elle est enfin la première Barbadienne à apparaître en couverture du magazine Time (lien en anglais) dans le classement des 100 personnalités les plus influentes de 2022.

Pendant son discours d’introduction, Mathias Vicherat, directeur de Sciences Po, a souligné la chance qu’avait la nouvelle promotion d’étudiants de PSIA et en a profité pour faire quelques annonces importantes. Tout d’abord, la relation de Sciences Po avec la Barbade semble plus forte que jamais avec la signature d’un accord écrit qui étend l’alliance universitaire avec the University of West Indies à son campus barbadien. Une autre étape notable est la dénomination du campus de Poitiers, spécialisé désormais sur les zones géographiques “Amérique latine et Caraïbes". Enfin, le changement climatique est une priorité telle pour Sciences Po que 12 étudiants en post-doctorat et 16 chercheurs confirmés vont être recrutés afin de mener des projets de recherche sur la transition environnementale.

Arancha González, doyenne de PSIA, a exprimé sa joie de recevoir l’Honorable Mia Mottley et l’a présentée comme une “activiste des premiers temps contre le changement climatique et pour l’accès au financement pour tous”. Elle a également partagé son admiration pour la clarté avec laquelle elle s’exprime et la façon constructive dont elle propose des solutions. Elle a enfin annoncé que la première ministre répondra à deux questions : pourquoi les étudiants devraient se sentir concernés et que peuvent-ils faire ?

Pourquoi se sentir concerné ? Apprendre à penser sans jamais perdre sa compassion

La Première ministre Mia Mottley commence à s’adresser aux étudiants de la promotion 2024 en leur disant : “j’ai été assise à votre place”. Elle poursuit en expliquant qu’ils seront “ceux qui décident” et qu’elle a confiance en leur génération, à sa capacité à “mieux penser” et à changer le monde. Elle est convaincue que : “votre rôle ici est d’en partir avec la capacité de penser, d’exercer votre discrétion et de ne jamais perdre votre compassion. Sans coeur, l’intelligence ne mène à rien”. Selon elle, le monde d’aujourd’hui ressemble beaucoup à celui de ses études. Alors qu’elle se demande comment les dirigeants ont pu voir des espèces disparaître de leur vivant sans s'inquiéter, elle lance avec humour : “avez-vous déjà vu des dinosaures ?” La Première ministre fait remonter les premières alertes concernant le réchauffement climatique à la fin du XIXe siècle. Cet été 2022 de canicules, d’inondations, de sécheresses… devrait autoriser les jeunes générations à se demander pourquoi tant d’apathie. “Peut-on apprendre de l’histoire, comme on le devrait ?”, s’interroge-t-elle. 

En préparant sa leçon inaugurale, Mia Amor Motley voulait se concentrer sur les valeurs de justice et de solidarité. Surprise d’apprendre que l’on considère aujourd’hui ces valeurs comme dépassées, elle s’est dit qu’elle les rendrait plus simples, intemporelles, des valeurs que tout enfant porte en soi : être équitable et être ensemble. La façon dont la pandémie a été gérée en est le meilleur exemple : il n’y a pas eu suffisamment de coopération entre les pays pour éviter un désastre mondial. Il est vital que les humains trouvent le moyen de vivre ensemble car “le monde ne pourra survivre que si l’on prend soin des plus vulnérables d’entre nous”. Quant à l’équité, certaines offenses méritent toujours des excuses, estime-t-elle. Elle ajoute : “Haïti a payé le prix fort pour avoir osé vouloir sa liberté”. Elle ne peut accepter que l’Union africaine ne fasse pas partie des principaux organismes internationaux alors qu’elle est supérieure en taille et en population aux pays européens.

Les jeunes étudiants ont un rôle central à jouer dans la lutte contre le changement climatique. Ils se sentent souvent mal écoutés ou incompris de leurs aînés, comme l’ont expliqué un étudiant et une étudiante. Mia Mottley le leur affirme : “c’est arrivé à chaque génération avant vous et cela arrivera à chaque génération après vous”. Lorsqu’elle était étudiante, le combat principal était l’apartheid. La résistance en Afrique du Sud est en fait venu des élèves du secondaire, quand ils ont appris que l’afrikaans devenait obligatoire. La solidarité ne devrait jamais être considérée comme une valeur désuète.

Que faire ? L’importance du “temps, du contexte et du sens de la mesure

Mia Mottley est une fervente activiste dans la lutte contre le changement climatique et a toujours veillé à alerter l’opinion publique, comme lors de la COP26 à Glasgow. Elle est persuadée cependant que changement climatique et développement devraient toujours être traités de pair et qu’on ne peut régler un problème sans prendre en compte son contexte ni garder un certain sens de la mesure. Des étudiants ont évoqué l’exemple des ouvriers qui sont à risque de perdre leur emploi dans les industries du charbon ou du pétrole. Mia Mottley affirme que “l’énergie verte crée un marché et de bons emplois” mais qu’il faut du temps pour mettre en place une telle transformation. Il est essentiel d’être mesuré et de prendre le temps nécessaire.

L’équité devrait être une des valeurs principales qui guident l’action. Les citoyens, les dirigeants, les pays devraient “parler avec l’autre et pas vers l’autre”. La Première ministre a été claire : un prêt financier pour le développement d’un pays qui doit être remboursé en sept ou dix ans (à la Banque Mondiale) ne présente aucune utilité. Elle rêve d’une nouvelle définition, celle des “pays climatiquement vulnérables”, pays qui seraient les plus atteints par une seule catastrophe climatique, qui ne seraient pas en mesure de se reconstruire correctement. Cette nouvelle définition pourrait aider à allouer des fonds essentiels.

Enfin, Mia Amor Mottley rappelle aux étudiants que “le pouvoir appartient au peuple”. Sa préoccupation principale de dirigeante est d’offrir “une meilleure vie à son peuple”, c’est pour cela qu’elle veille à la Barbade à ce que ses paroles soient suivies d’actions concrètes, par exemple en finançant un projet de recherche pour réduire les algues et protéger les récifs. Elle pense qu’une révolution ne peut se faire que si l’éducation des citoyens est complètement remise à plat. Les journalistes devraient tous étudier l’économie, tout le monde le devrait. Les personnes devraient être des citoyens actifs, qui continuent à parfaire leurs connaissances après avoir fini leurs études. La Première ministre de la Barbade qualifie de problème central la désinformation et la remise en question des faits objectifs par les gens. Une société pour fonctionner correctement se construit sur la confiance et la seule solution pour contourner cette incrédulité face aux faits est d’éduquer les gens, de les encourager à varier leurs sources d’information.

Arancha Gonzalez, la doyenne de PSIA, conclut alors la leçon par une citation d’une chanson de Bradley Cooper et Lady Gaga, et demande à l’invitée si elle est heureuse dans ce monde moderne (“Are You Happy in this Modern World?”) : “elle n’est pas heureuse mais elle veut le changer”.

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