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04.10.2022

Laurent Fabius : "le droit est partout"

Laurent Fabius en Amphithéâtre Émile Boutmy
Laurent Fabius en Amphithéâtre Émile Boutmy (crédits : Thomas Arrivé/Sciences Po)

Mercredi 28 septembre, à l’occasion de sa rentrée solennelle, l’École de droit de Sciences Po a eu l’honneur de recevoir Monsieur Laurent Fabius, ancien Premier ministre et actuel président du Conseil constitutionnel, invité à délivrer la leçon inaugurale aux étudiantes et étudiants de l’École.

Mathias Vicherat, directeur de Sciences Po, a partagé dans son introduction son grand plaisir de recevoir “l’un des meilleurs connaisseurs de notre République”, au parcours politique impressionnant, de ministre à plus jeune chef du gouvernement de la Ve République, en passant par la présidence de l’Assemblée nationale, de la Conférence de Paris sur le climat (COP 21), jusqu’à celle, depuis 2016, du Conseil constitutionnel.  

“Votre présence est un véritable honneur, car votre prise de parole publique est rare”, s'est enthousiasmé Mathias Vicherat, avant de céder la parole à Sébastien Pimont.

"L’état de droit tient au fil de notre volonté"

Le doyen de l’École de droit, à son tour, s’est réjoui de recevoir cette personnalité illustre, invitée à prononcer en ce début d’année académique “ces premiers mots qui comptent, qui marquent, qui peuvent tout compromettre mais aussi qui peuvent tout permettre”, en citant le doyen Gérard Cornu.

Sébastien Pimont a rappelé que six années s'étaient écoulées depuis la signature historique du premier accord universel pour le climat par 196 délégations et combien “le feu qui couvait sans doute, nous le savions, consume aujourd'hui beaucoup de nos espérances d’alors”.

“Évidemment on ne peut pas tout attendre du droit ni du président du Conseil constitutionnel, néanmoins il y a des voix à suivre, des voix qui débattent (...) et, dans une École de droit où nous formons de futurs magistrats, avocats, fonctionnaires de police, juristes..., il nous plaît de penser que l’une de ces voix aujourd’hui est celle du président du Conseil constitutionnel”, a-t-il complété avant de céder la parole à l’invité du jour.

Ému de retrouver l’amphithéâtre Émile Boutmy de ses années d’étudiant, Laurent Fabius a partagé son plaisir et expliqué avoir répondu positivement à l'invitation malgré l’obligation de réserve à laquelle est tenu le président du Conseil constitutionnel, car “la réserve n’est pas effacement, c’est donc volontiers que j’ai accepté”. Avant de préciser que Sciences Po, et particulièrement l’École de droit, est devenue “incontournable pour la transmission du savoir, pour la préparation à des fonctions juridiques importantes et pour la recherche en droit”. L’ancien Premier ministre a choisi ce soir-là d’évoquer quatre thématiques dans lesquelles le droit est à chaque fois convoqué, qui interrogent et impactent les juristes.

"Le droit est partout et il faut partout respecter le droit"

L’actuelle invasion russe en Ukraine, pour commencer, qui soulève la question de la guerre et du droit en général : “la guerre n'est pas l’absence de droit, c’est un acquis des civilisations d'avoir su établir, même imparfaitement, des règles qui s’appliquent pendant la guerre et à son issue” (interdictions de certains armements, protection des populations civiles, jugements et condamnations devant des juridictions nationales ou internationales, etc.).

En évoquant la notion de solidarité “légitime et nécessaire” envers l’Ukraine, quelles que soient les conséquences sur la France et les Français de l’issue de ce conflit, et la question épineuse de la dissémination des armes nucléaires, Laurent Fabius a rappelé que “le droit est partout” et qu’il faut “partout respecter le droit”.

Deuxième thématique choisie par l’invité : la question de l’environnement et du dérèglement climatique, qui s’invitent désormais dans les prétoires et vont certainement constituer parmi les contentieux les plus importants dans le futur. “Les spécificités de cet énorme défi sont à la fois intersectorielles, internationales et intergénérationnelles et beaucoup d’éléments de notre droit ne sont pas suffisamment préparés à cela”, a-t-il souligné en insistant sur la nécessité d’une formation adéquate des juges pour y répondre.

Pour présenter le troisième thème de son propos, l’ancien Premier ministre a invité l’audience à réfléchir au malaise démocratique actuel : taux d’abstention, mise en cause des responsables politiques, attaques envers les institutions… Un “malaise que l’on ne doit pas laisser sans réponse, sinon c’est la démocratie même qui, petit à petit, est rongée”.

Enfin, dernier sujet abordé : le rôle des cours constitutionnelles. Ou comment des décisions prises au sein d’un pays, par exemple par la Cour suprême aux États-Unis, peuvent avoir des incidences sur l'échiquier géopolitique mondial. Évoquant la nomination des juges constitutionnels, Laurent Fabius estime que trois critères doivent prédominer : la compétence, une grande expérience du fonctionnement de l’État et enfin un troisième critère qui porte sur l’indépendance. “L’indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs, mais aussi une indépendance à l’égard de soi-même”, de sa sensibilité et de son parcours.

Pour conclure son propos, Laurent Fabius s’est adressé directement aux étudiantes et étudiants de l’École de droit, pour mieux leur rappeler qu’en toutes circonstances, quelles que soient leurs fonctions futures, ils devront garder en tête l'idée de “servir le droit” et d’en être “de bons ambassadeurs”.

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