Accueil>Lauréat 2025 de la bourse Jean-Paul Fitoussi, Constantin Schesch utilise l'IA pour analyser les crises budgétaires

20.11.2025

Lauréat 2025 de la bourse Jean-Paul Fitoussi, Constantin Schesch utilise l'IA pour analyser les crises budgétaires

Économiste brillant et engagé, reconnu par ses pairs internationalement, respecté et aimé par des générations d’étudiants, consulté et écouté par les plus hauts responsables politiques, lu et entendu par un large public, Jean-Paul Fitoussi a été et restera une figure éminente de Sciences Po. La famille de Jean-Paul Fitoussi a créé une bourse doctorale en sa mémoire, sur critères d'excellence et critères sociaux, incarnant les valeurs du professeur émérite de Sciences Po et offrant aux jeunes chercheurs les plus brillants un véritable encouragement dans la poursuite de leur parcours académique. Elle s'adresse aux étudiants admis en doctorat à l'École de la recherche de Sciences Po en économie et couvre l'intégralité des frais de scolarité ainsi qu’une contribution aux frais de vie sur trois ans.

Constantin Schesch est le doctorant qui a obtenu la bourse Jean-Paul Fitoussi cette année universitaire. Il travaillera au sein du Département d'économie de Sciences Po sur un projet de thèse visant à utiliser l'intelligence artificielle pour identifier les annonces de mesures budgétaires dans la presse et déterminer la façon dont les crises budgétaires voyagent d'un pays à l'autre.

Entretien avec un lauréat dont le parcours a été personnellement inspiré par Jean-Paul Fitoussi et ses ouvrages, du Théorème du lampadaire – l'idée que si « l'on cherche toujours sous le lampadaire, il ne faut pas s'étonner que certains problèmes centraux restent dans l'ombre », à Comme on nous parle, qui pose que « le langage structure, et souvent détermine, notre façon de penser l’économie et la politique ».

Que représente pour vous l'attribution de la bourse doctorale Jean-Paul Fitoussi ?

Recevoir la bourse Jean-Paul Fitoussi est pour moi un honneur particulier. Il a joué un rôle majeur pour rapprocher la macroéconomie des questions de justice sociale, de politique budgétaire et de construction européenne. Travailler sur des sujets qui dialoguent avec les siens, sous son nom, est à la fois impressionnant et très stimulant !

Au-delà du soutien financier, qui est évidemment précieux, cette bourse me donne surtout du temps et de la liberté pour mener un projet ambitieux, qui demande beaucoup de travail sur les données comme sur la théorie. Je voudrais remercier très chaleureusement Lisa et David Fitoussi pour avoir créé cette bourse et prolongé ainsi, dans le temps, l’engagement de leur famille à Sciences Po et la réflexion de Jean-Paul Fitoussi.

Sciences Po est un environnement idéal pour cette démarche. On peut y dialoguer au quotidien avec d’autres disciplines, comme la science politique, la sociologie, l'histoire ou le droit, et le lien entre recherche académique et débat public est pris au sérieux. Le Département d’économie, auquel je suis rattaché, a beaucoup grandi ces dernières années mais a su conserver son esprit : l’ambiance y est réellement collégiale, les doctorants forment une communauté soudée, et les échanges avec les professeurs sont à la fois exigeants et très ouverts. C’est un beau testament de ce que ses fondateurs, et tout particulièrement Jean-Paul Fitoussi, ont réussi à construire !

Quel est votre projet de thèse, soutenu par cette bourse ?

Guidé par l’ambition de chercher des réponses « loin de la lumière », pour reprendre l’expression de Jean-Paul Fitoussi, mon projet de thèse vise à utiliser l’intelligence artificielle pour étendre le champ des questions que les macroéconomistes peuvent éclairer.

Plus précisément, l’idée est d’utiliser des modèles de langage (LLMs) pour identifier, parmi des millions d’articles de presse, les jours où des mesures budgétaires importantes (et surtout inattendues) ont été annoncées. Une fois ces chocs identifiés, je veux mesurer comment la politique budgétaire d’un pays affecte le coût de financement d’autres États. L'objectif est ainsi de déterminer par quels canaux – commerciaux, financiers, politiques – les crises budgétaires se transmettent entre pays.

Au vu du volume du corpus de textes à analyser et de la complexité du langage budgétaire, une telle analyse n’est devenue possible qu’avec les progrès très récents de l'intelligence artificielle. Pourtant, ce sont des questions devenues cruciales dans un monde où la politique budgétaire prend parfois le dessus sur la politique monétaire, tandis que s’intensifient à la fois les interdépendances et les crises.

Qu'est-ce qui vous a mené à la recherche en économie ?

J'ai eu la chance de pouvoir faire des stages à la Représentation permanente de la France auprès de l’UE, à la Banque mondiale ou encore en conseil aux gouvernements à la banque Lazard. Ces expériences m’ont montré à quel point les connaissances économiques pouvaient être un outil précieux pour améliorer les politiques publiques. Mais elles m'ont aussi fait toucher du doigt « l'incertitude radicale », pour parler comme Keynes, avec laquelle doivent vivre les décideurs politiques.

Nous peinons à expliquer le fonctionnement de l’économie, et plus encore à concevoir des mesures réellement efficaces. C’est, au fond, le constat que faisait Jean-Paul Fitoussi dans Le Théorème du lampadaire : si l’on cherche toujours sous le lampadaire, il ne faut pas s’étonner que certains problèmes centraux restent dans l’ombre. Cette idée m’a marqué.

Déjà convaincu de son utilité, j’ai été heureux de découvrir que la recherche pouvait aussi être un plaisir en travaillant comme assistant de recherche, d’abord pour Stefanie Stantcheva (Harvard) puis pendant un « pré-doc » de deux ans pour Xavier Gabaix (Harvard) et Thomas Graeber (Harvard Business School). C’est extrêmement précieux de voir de l’intérieur les mille et une tâches qui font avancer un projet de recherche, et d’apprendre, par imitation, à se poser les bonnes questions et à arracher des réponses à des données imparfaites. C’était une très riche expérience que je recommanderais vivement à tous les économistes en devenir !

Quel a été votre parcours avant d'intégrer Sciences Po ?

Avant d’être lauréat de la bourse Fitoussi à Sciences Po, j'ai suivi une classe préparatoire B/L au lycée Henri-IV puis rejoint l’École normale supérieure. La crise financière de 2008 puis celle de la zone euro ont marqué ma jeunesse et ont éveillé chez moi un vif intérêt pour l’économie. C’est ce qui m’a conduit à poursuivre des études d’économie avec le Master Analyse et politique économiques de la Paris School of Economics.

Comme j’aimais autant les modèles que les équations, j’ai complété ce parcours par un cursus en finance à HEC et en mathématiques à Sorbonne Université. Enfin, j’ai obtenu l’an dernier un Master of Arts à Princeton, expérience très riche qui m’a permis de voir comment l’économie est enseignée aux États-Unis, un pays qui a joué, et continue de jouer, un rôle crucial dans la discipline… même si des départements européens comme celui de Sciences Po se font de plus en plus remarquer à l'international.

Encore lycéen, j’avais longuement réfléchi à l’idée de rejoindre Sciences Po. Je suis très heureux que le destin m’ait ramené, quelques années plus tard, sur le chemin de la rue Saint-Guillaume !

Sur quels sujets portaient vos recherches ?

Mes travaux reflètent un goût constant pour les nouvelles méthodes. À HEC, j'avais écrit un mémoire essayant de détecter si les nouvelles techniques de machine learning sont, ou non, exploitées par des spéculateurs sophistiqués sur les marchés financiers. À la Paris School of Economics, mon mémoire proposait une méthode plus efficiente pour simuler les modèles macroéconomiques dits « à agents hétérogènes », qui permettent d’étudier le lien entre inégalités et fluctuations économiques.

Plus récemment, j’ai travaillé avec Thomas Graeber et Christopher Roth (Cologne) sur le rôle des arguments : nous essayons de comprendre comment des personnes ordinaires raisonnent sur des sujets financiers et se convainquent entre elles. Nous montrons que la richesse d’une explication est un déterminant crucial de la probabilité qu’elle soit suivie : des contre-vérités assénées avec assurance peuvent ainsi circuler très longtemps, mais l’explication patiente permet de faire progresser la vérité, y compris sur des sujets techniques. En ce sens, ce projet fait écho à la manière dont Jean-Paul Fitoussi, dans Comme on nous parle, a montré comment le langage structure, et souvent détermine, notre façon de penser l’économie et la politique.

Félicitations à Constantin Schesch, nous avons hâte de découvrir le fruit de ses recherches à Sciences Po.

Légende de l'image de couverture : Constantin Schesch et Lisa Fitoussi, Salon Proust de Sciences Po, 7 novembre 2025. (crédits : Louis Roquebert / Sciences Po)

Journées portes ouvertes 2025

Étudiants devant l'entrée du 1, Saint-Thomas (crédits : Pierre Morel)

Portes ouvertes bachelor 2025

Venez rencontrer nos équipes et nos étudiants au sein de nos campus en région.

Inscrivez-vous

Portes ouvertes masters 2025

Découvrez nos 30 masters et échangez avec les équipes et les étudiants de nos 7 Écoles professionnelles.

Inscrivez-vous