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31.05.2021

Hommage à Guy Michelat

Par Laurence Betrand Dorléac - Disparu le 30 mai, Guy Michelat, directeur de recherche émérite CNRS au CEVIPOF, fut un pionnier et un pilier de la sociologie politique française. La communauté scientifique de Sciences Po perd avec lui l’une de ses plus belles figures. 

Guy Michelat incarnait au plus haut point une certaine idée de la recherche, des sciences sociales et de la science politique. Psychosociologue de formation, il avait été recruté comme chercheur au CEVIPOF, peu après la création de ce centre de recherche, au début des années 1960. Il y a accompli toute sa carrière. 

Avec Alain Lancelot, Jean-Luc Parodi, Jean Ranger, Odile Rudelle, Nicole Racine et d’autres, sous la direction de Jean Touchard, il fut l’un des pionniers - avant d’en être l’un des piliers - du formidable et bouillonnant creuset de la sociologie politique française que fut le CEVIPOF, dans les années 1960 et 1970.

Une figure centrale du CEVIPOF et de la recherche à Sciences Po

Guy Michelat fut l’une des figures centrales du CEVIPOF et de la recherche à Sciences Po, mais sans ostentation, sans poses ni effets de manches. Maître compagnon tout entier à sa tâche, il faisait de la recherche simplement, profondément, avec une passion, une exigence, une inventivité, une générosité, intarissables qui ont profondément marqué des générations de chercheurs, de doctorants et d’étudiants.

Ses travaux sur les attitudes et comportements politiques, sur l’univers des croyances, les représentations de la laïcité, le racisme et l’antisémitisme, sont unanimement reconnus. Il fut, notamment, l’un des premiers à mettre en évidence l’importance et le poids des « variables lourdes » dans la structuration des comportements, attitudes et opinions. Avec son complice, Michel Simon, il a publié aux Presses de Sciences Po, en 1977, l’un des grands classiques de la science politique, Classe, religion et comportement politique

Ses apports furent tout aussi remarquables sur le plan méthodologique. Introducteur pionnier des études quantitatives en science politique, il fit entrer à Sciences Po la première trieuse (à cartes perforées) et contribua pendant plus de cinquante ans aux enquêtes par sondages et aux opérations-estimation. Mais Guy Michelat maitrisait aussi parfaitement les méthodes qualitatives auxquelles il a initié pendant des années chercheurs et étudiants, notamment dans le cadre de son séminaire de formation à l’entretien non directif, au troisième cycle de Sciences Po.

Introducteur pionnier des études quantitatives en science politique

Cet art de la méthode et des outils, ce goût chaleureux pour le partage et la transmission, se retrouvaient aussi dans ses violons d’Ingres : la photographie (on lui doit un très grand nombre des photos prises à Sciences Po et dans le quartier latin en mai 1968), l’imprimerie et l’édition (hobby qu’il mit au service de la jeune équipe de doctorants qui porta sur les fonts baptismaux la revue Raisons politiques). 

Car au fond, tout le ramenait à ce qui n’a jamais cessé d’être au cœur de sa vie, la recherche en sciences sociales. Jusqu’à ces toutes dernières années, Guy Michelat était toujours un chercheur très actif qui poursuivait avec un inextinguible enthousiasme ses travaux et ne cessait de publier. Il était quotidiennement présent dans les murs de son cher CEVIPOF, dont seuls des problèmes de santé récents avaient pu l’éloigner.

Nous sommes nombreux à conserver, très vivante à l’esprit et dans le cœur, l’image de sa chevelure léonine, de cette allure bonhomme, de son regard doux, brumeux mais lumineux, de cette pipe qui semblait ne quitter sa bouche que pour y laisser paraitre un sourire tendre et malicieux.

La communauté scientifique de Sciences Po vient de perdre l’une de ses plus belles figures.

Laurence Bertrand Dorléac, Présidente de la FNSP

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Légende de l'image de couverture : @Thomas Arrivé/Sciences Po