Accueil>Focus ELIPSS #2 : L’écologie, un clivage dépassé aux élections européennes ?

15.10.2025

Focus ELIPSS #2 : L’écologie, un clivage dépassé aux élections européennes ?

L’écologie et le climat sont devenus des sources croissantes de tensions politiques et sociales. La vague de juin 2024 de l’enquête ELIPSS, consacrée aux élections européennes, interroge le rôle de l’écologie comme clivage structurant du vote.

Ce scrutin illustre le net recul de l’écologie politique, aussi bien dans le débat d’idées qu’au niveau électoral. En France comme dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest, la progression de la droite radicale s’est souvent faite au détriment des partis écologistes. Leur déclin par rapport à 2019 a modifié les équilibres au Parlement européen, remettant en question le compromis pro-environnemental du Green Deal. Moins visible qu’il y a cinq ans, l’écologie a néanmoins contribué à structurer certains comportements électoraux. 

Ce Focus explore la manière dont le clivage entre écologisme et productivisme a influencé les choix des électeur·ices français·es.

Le terrain a été mené entre le 13 juin et le 11 juillet 2024 auprès d’un échantillon représentatif de la population française en âge de voter (N=2290). L’enquête interroge le rapport des répondant·es vis-à-vis de la politique, s'intéresse aux questions de politique générale et aux valeurs – notamment celles relatives à l'autorité, aux hiérarchies sociales ou, encore, au changement climatique – et explore le vote aux élections européennes des 8 et 9 juin 2024. Le taux de réponse est de 79.1 %.

Un enjeu secondaire ?

Un premier constat est que l’écologie est demeurée un enjeu secondaire pour la majorité des électorats, malgré sa priorité pour les électeur·ices écologistes et dans une moindre mesure socialistes. La faible visibilité médiatique des questions environnementales pendant la campagne a sans doute renforcé cette marginalité. 

Le Tableau 1 montre que la protection de l’environnement (en vert) ne figure parmi les trois priorités nationales que dans ces deux électorats, alors que le pouvoir d’achat, dans un contexte d’inflation prolongée, s’impose largement comme la préoccupation majeure.

Tableau 1 : Liste, pour chaque électorat, des trois sujets les plus cités par les enquêté·es lorsqu’on leur demande successivement « quel est le problème le plus important pour la France aujourd’hui ? » puis « quel est le deuxième problème le plus important pour la France aujourd’hui ? »      

Un enjeu toujours ancré à gauche ?

En observant la répartition des répondants qui considèrent ce sujet comme l’un des deux sujets les plus importants, on voit que l’écologie reste un enjeu clairement ancré à gauche en France (Figure 1). On note que la sensibilité à ce thème est très inégale entre les listes de gauche et n’apparaît comme massive que pour la liste Écologistes. Cette sensibilité est comparativement plus faible pour les listes de centre et de droite, et tend à chuter drastiquement à mesure que l’on se déplace vers la droite de l’échiquier politique. 
 

Figure 1 : Répartition des personnes qui considèrent la protection de l'environnement comme l'un des deux sujets les plus importants pour la France aujourd'hui, selon leur vote à l'élection européenne de 2024   

Les nombreuses variables du questionnaire ont été regroupées en cinq grands indicateurs de valeurs, correspondant à des clivages bien connus : écologisme vs productivisme, travailleurs vs patronat, européisme vs souverainisme, cosmopolitisme vs identité, libertarisme vs autoritarisme.


L’analyse statistique (régression logistique) montre que chaque électorat se positionne de façon particulière sur ces axes. Le vote pour les Écologistes est par exemple lié à un niveau élevé d’écologisme. À l’inverse, plus les répondant·es soutiennent des idées productivistes, plus ils votent pour Renaissance ou le Rassemblement national (voir Figure 2).
 

Figure 2 : position de l’électorat des différentes listes sur les 5 clivages mobilisés dans l’enquête   

Plus largement, le clivage écologie versus productivisme apparaît relativement autonome vis-à-vis des autres clivages, et contribue à structurer les différents électorats selon la façon dont il s’articule avec les autres principaux clivages. Il semble donc important d’étudier le poids de ce clivage dans les modèles d’explication du vote indépendamment des autres clivages.

Pour consulter les données :

Pour aller plus loin :

Rédaction : Blaise Mouton, Simon Persico

Légende de l'image de couverture : À Marseille, le 5 janvier 2019 lors d’une manifestation des « gilets jaunes ». (crédits : Boris Horvat / AFP)