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26.03.2015

Départementales mode d'emploi

Les élections cantonales sont mortes, vive les départementales ! Tel pourrait être le slogan désignant les échéances électorales de deux dimanches prochains. En effet, les 22 et 29 mars, ce ne sont plus des conseillers généraux qu’éliront les Français mais des conseillers départementaux. Au-delà de cette nouvelle appellation, plusieurs évolutions sont mises en place : nouveau mode de scrutin, candidatures en duos, redécoupage des cantons. A ces changements vient se greffer une réforme territoriale qui est susceptible d’affecter leurs compétences mais lesquelles et comment, cela reste un débat.

Parallèlement se profile, comme toujours, une série de questions nationales : taux d’abstention, poids du Front National, résistance et désunion des partis traditionnels.

Place aux femmes

Installés dans le paysage institutionnel depuis 1789 et reconnus comme collectivités territoriales en 1871, les départements participent de l’organisation des politiques locales, mais sont des piètres exemples en matière de parité. À ce jour, la représentation féminine dans les conseils généraux atteint à peine 15% ! Au lendemain de ces élections, elle sera de 50%. Il sera en effet obligatoire de désigner un binôme composé d’une femme et d’un homme. C’est ce doublement d’élus qui justifie la division par deux du nombre de cantons Au total, seront élus au suffrage binominal, 4108 représentants pour un mandat de 6 ans.

Des politiques au cœur du quotidien

Budgétairement parlant, les départements pèsent environ 72 milliards d’euros soit un tiers du total des dépenses des collectivités territoriales et 3,5 % du PIB.  Ce n’est pas rien d’autant plus que leurs prérogatives, de plus en plus élargies, les conduisent à jouer un rôle substantiel dans la redistribution de la richesse nationale. En effet, leurs compétences touchent au plus près de questions quotidiennes non négligeables.

Que l’on en juge par ces quelques exemples : il y va de l’enfance (protection maternelle et infantile, adoption, soutien aux familles démunies), du handicap (hébergement, insertion sociale, prestation de compensation), des personnes âgées (création et gestion de maisons de retraite, versement de l’allocation d’autonomie), de prestations d’aide sociale (gestion du RSA), d’éducation (construction, entretien, équipement des collèges et transports scolaires), de culture (création et gestion des bibliothèques départementales de prêt, des archives départementales, de musées et protection du patrimoine), d’infrastructures de transport (création et entretien des routes départementales)….

Des électeurs indifférents et incertains

Malgré tout, l’intérêt que les citoyens portent à ces élections reste moins important que celui qu’ils accordent aux municipales. Rappelons qu’en 2001, l’abstention aux cantonales s’élevait à 55,6%. Un paradoxe puisqu’il s’est avéré – à l’occasion de la menace de leur disparition – que les citoyens considèrent leur département comme pilier de leur identité, et davantage que leur région.

Un sentiment qui a sans doute joué dans la décision de ne pas les faire disparaître. Il n’en reste pas moins que leur place aux côtés des communes, de leurs communautés et - surtout - des nouvelles régions n’est pas encore dessinée.  Ainsi donc, -  hasard calendaire -  les électeurs sont appelés à  désigner des élus dont les compétences évolueront à très courte échéance ; le projet de loi réformant les territoires étant déjà à l’examen du Parlement. De quoi faire douter.

Des enjeux nationaux délicats

Cette situation viendra-t-elle accentuer l’abstention habituelle ? Atteindra-t-on un record historique ? Possiblement, mais pas seulement. Dans la balance pourraient aussi peser l’implication du chef du gouvernement dans la campagne et la montée en régime du Front National (93% des cantons verront une offre frontiste en lice).

Autant de conditions qui font de ce scrutin un vrai test, tant au plan national que local.

Aujourd’hui, la gauche détient 61 départements sur 101. Il est probable que demain, elle en aura perdu. La vraie question est combien et lesquels ? En effet, la dynamique électorale enclenchée aux élections municipales de 2014 a toutes les chances se poursuivre. Grâce à elle, la droite a recouvré une assise locale importante et reconquis le Sénat. Le risque de reculer pour la gauche est d’autant plus important que les candidats qui s’en réclament ne cessent de se diviser.  

Autre sujet d’intérêt – voire le plus commenté – est le danger que représente le Front National pour les partis traditionnels. Jouera-t-il les trouble-fêtes ? On pense notamment au Vaucluse, au Var, aux Bouches-du-Rhône, au Nord, au Pas-de-Calais, à l’Aisne et à la Seine-et-Marne. À l’issue du premier tour, trouvera-t-on des duels gauche/droite ou une majorité de duels gauche/FN - droite/FN, sans oublier de possibles triangulaires, en cas de forte abstention ? Des duels dont on sait qu’ils peuvent engendrer des divisions meurtrières au sein de la gauche et la droite quant à la stratégie à mettre en place pour remporter le second tour ?

Comme on le voit -  et comme trop souvent -  les enjeux du local restent peu pris en compte.  Qu’en sera-t-il en décembre  prochain – dans seulement  9 mois  - quand se tiendront les régionales ?

Martial Foucault, professeur à Sciences Po et directeur du CEVIPOF

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Légende de l'image de couverture : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France