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19.06.2025

Crise de vocation chez les maires : une alerte démocratique

D’après une étude conduite par Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po et chercheur au CEVIPOF, en partenariat avec l’AMF dans le cadre de l’Observatoire de la démocratie de proximité, le nombre de démissions de maires a atteint un niveau sans précédent : 2 189 départs volontaires entre 2020 et mars 2025, soit plus d’une démission par jour depuis le début du mandat municipal.

En trois mandats, ce phénomène a été multiplié par quatre, mettant en lumière la fragilisation continue de la fonction.

Quelles en sont les causes ?

Les causes principales sont multiples : tensions politiques locales (30,9 %), passations de pouvoir anticipées (13,7 %) et problèmes de santé (physiques : 13,1 %, mentaux : 5,1 %). Les petites et moyennes communes restent les plus touchées, mais la tendance s’étend désormais aux communes de plus de 1 000 habitants. Fait marquant : 53 % des démissionnaires étaient de nouveaux maires en 2020, soulignant une forme de désillusion politique rapide.

Les violences subies, bien que préoccupantes, ne constituent pas une cause directe majoritaire de démission, même si elles participent à un climat anxiogène. À un an des municipales de 2026, cette étude alimente les réflexions parlementaires sur le statut de l’élu local, crucial pour enrayer cette érosion démocratique.

Ce constat alarmant appelle à un soutien renforcé à l’engagement municipal, pilier de la démocratie de proximité.

> Lire la note de recherche de Martial Foucault “Les démissions de maires : enquête sur un phénomène sans précédent”.

11 points clés à retenir

  1. Avec plus de 3 000 changements de maires depuis les élections municipales de 2020, les démissions volontaires (au nombre de 2 189) ont atteint un niveau historique. Entre septembre 2020 et mars 2025, ce sont en moyenne 40 démissions par mois enregistrées, soit plus d’une démission par jour. Près de 6 % de l’ensemble des maires élus ont démissionné. 
  2. En l’espace de trois mandats municipaux, entre 2008 et 2026, le nombre moyen de démissions de maires par an a été multiplié par 4 (129 versus 417). 
  3. Les démissions suivent un cycle récurrent avec un pic notable à mi-mandat, phénomène observé au cours des trois dernières mandatures. Le pic atteint en 2023 s’élève à 613 démissions (soit presque 2 démissions par jour). À l’approche des échéances municipales, la tendance au retrait diminue à l’instar des mandatures précédentes. 
  4. Si les communes de petite taille restent les plus touchées (mais dans une proportion moindre que lors du mandat précédent), les communes de + de 1 000 habitants font face à une vague de démissions sans précédent. Un maire démissionnaire sur quatre gouvernait une commune de 1 000 à 3 500 habitants. 
  5. La sociologie des maires démissionnaires indique qu’ils sont à 80 % des hommes, 37 % âgés de 65 à 74 ans, et appartiennent avant tout à des communes de moins de 1 000 habitants. Les démissions ont entraîné une proportion plus grande de femmes élues maires (33 % contre 20 % de démissionnaires) et un rajeunissement de 7 ans des nouveaux élus comparativement aux maires démissionnaires (66 ans en moyenne pour ces derniers). 
  6. Trois causes de démission dominent : les tensions politiques au sein du conseil municipal (30,9 % des cas) ; les passations de pouvoir anticipées et organisées dès le début de la mandature (13,7 % des cas) ; les questions de santé physique (13,1 % des cas) et de santé mentale (5,1 % des cas).
  7.  Les tensions au sein du conseil municipal débouchent régulièrement sur des démissions de conseillers municipaux de l’opposition et/ou de la majorité nécessitant l’organisation d’élections anticipées à l’issue desquelles le maire est mis en minorité et démissionne ou choisi de siéger comme conseiller municipal d’opposition. 
  8. Des tensions au sein des équipes municipales : les conflits internes au sein des conseils municipaux apparaissent comme un levier majeur des départs, notamment dans les petites communes où les tensions personnelles prennent parfois le pas sur les logiques de gouvernance. 
  9. En 2020, 40 % de maires occupaient pour la première fois cette fonction. Le mandat en cours a produit des effets de déception, car parmi les démissionnaires, on décompte 53 % de nouveaux maires. Des différences importantes subsistent entre départements. Par exemple, ce taux atteint 80 % en Charente, dans la Nièvre et le Var, mais seulement 30 % dans la Loire, le Val-d'Oise ou l’Indre-et-Loire. 
  10. Une géographie différenciée : les communes de moins de 500 habitants enregistrent le plus grand nombre de démissions (41,7 % du total) mais sont relativement moins exposées que les communes de + de 10 000 habitants. En effet, rapporté au nombre de communes par strate de population, ces dernières sont exposées à 11,5 % (contre 5 % pour les communes de moins de 500 habitants). Plus la taille de la commune augmente, plus le risque de démission a progressé au cours de ce mandat. 
  11. Certaines régions apparaissent plus touchées : Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie.

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