Accueil>Chloé Petit, doctorante en droit et membre de l’équipe nationale d’alpinisme féminine

11.04.2024

Chloé Petit, doctorante en droit et membre de l’équipe nationale d’alpinisme féminine

Chloé Petit au sommet de l'arête Kuffner, Mont Maudit (Massif du Mont Blanc)

Pouvez-vous nous parler de votre parcours académique ? Comment est né votre intérêt pour le droit ?  

Chloé Petit  

À la sortie du lycée, je me suis orientée vers le droit par curiosité, sans réellement savoir grand-chose du monde juridique. Je m’intéressais à la politique, j’aimais argumenter et je voulais poursuivre mon apprentissage des langues étrangères. J’ai donc commencé mes études en droit au sein du parcours “Juriste Européen” de l’Université Panthéon-Assas. Durant ma licence, j’ai eu la chance d’avoir des enseignements en droit français, allemand et en common law. Cette approche en droit comparé m’a aidé à réfléchir à l’ancrage sociétal du droit, à sa fonction sociale et à son rôle politique. J’ai cherché à toujours relier mes connaissances juridiques au contexte qu’il soit sociopolitique, historique, géopolitique. J’ai intégré en parallèle de ma licence l’Institut des Hautes Etudes Internationales pour décentrer mon approche du droit.  C’est ce que j’ai cherché à faire encore lors de ma maîtrise en droit public à la Humboldt Universität à Berlin. 

J’ai toujours aimé le droit pour la vision qu’il nous donne de notre monde. Je trouve que c’est une excellente focale pour comprendre les rapports de force dans nos sociétés. Je crois que je ne me suis jamais considérée comme une technicienne du droit, et je ne me voyais pas exercer le droit en tant que professionnelle. Ma passion pour l’escalade et la montagne a aussi pris une place grandissante tout au long de mes études, c’est pourquoi j’ai progressivement décidé de relier mon parcours universitaire et la montagne.

J’ai d’abord suivi un Master en “Droit et stratégies de la sécurité” (Paris 2) dans l’optique de passer le concours d’officier de gendarmerie pour rejoindre les pelotons de gendarmerie de haute montagne. Je n’ai pas pu intégrer le corps des officiers en raison d’un léger déficit auditif, mais j’ai décidé de poursuivre ma spécialisation en suivant un second master en “Droit de la montagne” (Université Savoie-Mont-Blanc). 

À la fin de mes études, je n’envisageais pas de poursuivre en thèse. C’est au fil de nombreuses discussions, de débats politiques avec des amis qu’est né mon projet de recherche. Sans aucun lien avec mes spécialisations de master, le projet a lentement mûri et, un an plus tard, je commençais ma thèse !

Vous êtes membre de l'équipe nationale d'alpinisme féminine. Comment conciliez-vous cette passion avec vos études ?

Chloé Petit sur l'arête de la Tour Ronde (Massif du Mont Blanc)

J’ai intégré l’Équipe Nationale d’Alpinisme Féminine (ENAF) en octobre 2022. C’est une équipe composée de six filles et formée pour une durée de trois ans. Les deux premières années sont organisées autour de plusieurs stages (artif, terrain d’aventure, mixte et cascade de glace, alpinisme estival et hivernal…) pendant lesquels nos guides encadrants nous transmettent leur expérience et nous poussent dans notre pratique. La troisième année est consacrée plus spécifiquement à la préparation et à la réalisation d’une expédition dans un massif étranger.

La participation à l’ENAF demande un entraînement régulier dans toutes les disciplines. J’essaye de trouver un équilibre entre mon travail de recherche et la préparation pour arriver en forme à chaque stage. Je ne trouve pas que cela soit globalement compliqué de concilier les deux. J’ai toujours fait beaucoup de sport pendant mes études, je dirais même que j’en ai besoin pour être efficace dans mon travail. Je réfléchis toujours mieux quand je sais que je vais sortir grimper ou skier ensuite ! Il y a bien des fois où j’ai du mal à retourner devant mon ordinateur après une semaine de stage en montagne, mais j’aime mon travail de recherche alors je finis toujours par retrouver toute ma motivation.

Je sais que tout cela est rendu possible car avec la thèse je suis en grande partie en télétravail. Cela m’a permis de continuer à habiter sur le plateau du Vercors, tout en montant régulièrement à Paris. J’ai bien conscience que je ne pourrais pas concilier la recherche et l’ENAF si je ne vivais pas en montagne. J’ai beaucoup de chance ! 

Sur quoi porte votre thèse ?

Je travaille sous la direction du Professeur Guillaume Tusseau et ma thèse porte sur “L’institution imaginaire du politique par le langage constitutionnel”. J’étudie la manière dont le discours politique français des vingt dernières années mobilise le langage constitutionnel et les effets sociopolitiques visés par cette rhétorique. Mon travail de recherche repose sur l’analyse des discours sur le plan sémantique, syntaxique et pragmatique. 

J’analyse d’abord les présupposés idéologiques charriés par le langage constitutionnel dans les discours politiques contemporains. Je m’intéresse tout particulièrement à trois présupposés idéologiques centraux. Le premier est la prédominance de la représentation politique sur la participation politique. Le second résulte de la militarisation des significations constitutionnelles. Et le troisième présupposé concerne l’idée selon laquelle les significations constitutionnelles seraient par nature un moteur d’innovation sociopolitique.

Ensuite, j’essaye de comprendre quelles sont les fonctionnalités sociopolitiques de ses présupposés, quels sont leurs effets sur notre perception collective du politique. J’identifie les stratégies majeures qui résultent de la rhétorique politico-constitutionnelle contemporaine. Il y en a à mon sens quatre principales. La première est une stratégie classique de légitimation du pouvoir politique. La seconde est une stratégie de préservation du contrôle hégémonique détenu par les élites politiques. La troisième, intimement liée à la précédente, est une stratégie de rigidification du système politique. Enfin, la quatrième est une stratégie de discrédit des alternatives politiques.

Quels sont vos projets ?

Je suis actuellement en train de rédiger ma thèse et j’espère pouvoir la soutenir l’année prochaine. J’aimerais ensuite poursuivre dans l’enseignement-recherche. J’ai eu la chance de pouvoir enseigner des méthodes de conférences en “Institutions Politiques” et j’ai adoré le contact avec les étudiants. J’aimerais réussir à continuer de transmettre mes réflexions et mes questionnements. En parallèle, mon travail de thèse m’a aussi fait réaliser que j’ai besoin d’être dehors et de conserver du temps pour ma passion des sports de montagne. Je suis très attachée à ces deux activités et je sais que j’ai besoin de cet équilibre. J’espère que j’arriverai à les concilier !

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