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04.09.2024

Analyse : que deviennent les présidents américains après la Maison Blanche ?

Le retrait de Joe Biden de la course présidentielle a été, bien entendu, amplement commenté pour toutes ses conséquences politiques. Un sujet, toutefois, n’a pas particulièrement captivé les commentateurs : que va devenir l’actuel président des États-Unis une fois son mandat achevé ?

Cette question n’est pas seulement anecdotique : revenir sur la vie qu’ont connue à l’issue de leur présidence quelques-uns des prédécesseurs de l’actuel locataire de la Maison Blanche offre un éclairage qui n’est pas sans intérêt… Une analyse de Frédérique Sandretto, alumna spécialisée en relations internationales et chargée d'enseignement au campus de Menton, initialement publiée par notre partenaire The Conversation.


La vie après la présidence américaine ressemble parfois à une nouvelle saison d’un drame politique : imprévisible, pleine de rebondissements… et souvent plus engagée que les quatre ou huit dernières années passées sous les feux des projecteurs.

Depuis George Washington (1789-1797), le premier président américain, qui choisit de retourner à Mount Vernon, où il est devenu un cultivateur de plantes, chaque ancien président a tracé son propre chemin, certains se glissant dans des rôles de conférenciers à succès, d’autres embrassant des causes caritatives, ou même, dans le cas de Jimmy Carter, abandonnant les discours politiques pour s’emparer d’un marteau et de clous pour construire des maisons.

Que leur réserve donc cette « deuxième carrière » parfois aussi fascinante que leur mandat ?

La retraite des présidents : une tradition de service continu

Cette année, quatre ans après leur premier duel, Joe Biden, 81 ans, a longtemps espéré pouvoir affronter Donald Trump, 78 ans : deux hommes très avancés en âge ayant tous deux déjà exercé un mandat présidentiel allaient s’affronter avant le retrait de Biden, qui laisse à Trump la possibilité, en cas d’élection, de devenir en 2028 le plus vieux président en exercice (il aura alors 82 ans).

Leur détermination souligne une tendance générale où l’âge n’est pas perçu comme un frein mais comme un signe de leur expérience et de la constance de leur engagement. Le départ à la retraite de la vie politique américaine semble de plus en plus tardif, contrairement au souhait de l’opinion publique. En effet, une étude du Pew Research Center réalisée en juillet 2023 indiquait que 49 % des électeurs américains préféreraient élire un président ou une présidente d’une cinquantaine d’années.

Historiquement, les présidents américains ne prennent jamais vraiment leur retraite. Après avoir quitté la Maison Blanche, nombreux sont ceux qui continuent à jouer un rôle actif dans la vie publique.

Lorsqu’il décida de ne pas briguer un troisième mandat, George Washington initia une préoccupation et un défi de longue date pour les anciens présidents : comment occuper leur vie d’après ? La retraite de James Madison en 1817 marqua le début des présidences actives, car il fut entraîné dans des controverses politiques ; depuis lors, la post-présidence est devenue une fonction à part entière, comme le souligne Jared Cohen dans Life after Power.

La législation du Former Presidents Act

Juridiquement, le Former Presidents Act érige les droits et statuts des présidents américains à la retraite.

Avant 1958, les anciens présidents ne pouvaient prétendre à aucune pension ni prestation de retraite. Acté en 1958, le Former Presidents Act vise à protéger les anciens présidents de tout problème financier en leur assurant une pension, une couverture médicale, une protection à vie des services secrets ainsi que la prise en charge des frais de location de bureau et de personnel.

Avec une pension annuelle estimée à environ 221 000 dollars par an, les ex-présidents ont une marge financière confortable pour envisager sereinement une seconde carrière, et ce d’autant plus qu’ils prennent leur retraite pour certains très jeunes. Bill Clinton avait 56 ans à la fin de son second mandat présidentiel et Barack Obama 59.

Les points communs des trajectoires post-présidentielles

Au fil des post-présidences, les ex-présidents semblent avoir des activités de retraite communes qui peuvent être répertoriées en quatre catégories :

  1. Le legs culturel avec la mise en place d’une bibliothèque présidentielle

Les bibliothèques présidentielles américaines jouent un rôle fondamental dans la préservation et la diffusion de l’histoire nationale. Ces institutions uniques, initiées par Herbert Hoover (1929-1933), offrent un aperçu détaillé des présidences américaines à travers des archives, des objets personnels et des expositions interactives.

Chaque bibliothèque est un monument dédié à la vie et à l’œuvre d’un président particulier, servant à la fois de centre de recherche, de musée et de lieu de mémoire. Le système des bibliothèques présidentielles a officiellement commencé en 1939, lorsque le président Franklin Roosevelt (1933-1945) a fait don de ses documents personnels et présidentiels au gouvernement fédéral. En même temps, Roosevelt a consacré aux États-Unis une partie de son domaine à Hyde Park (État de New York), et ses amis ont formé une organisation à but non lucratif pour recueillir des fonds pour la construction du bâtiment de la bibliothèque et du musée. La décision de Roosevelt provenait d’une conviction profonde que les documents présidentiels sont une partie importante du patrimoine national et doivent être accessibles au public. Il a demandé aux Archives nationales de prendre en charge ses documents et autres matériaux historiques et de gérer sa bibliothèque.

Avant l’avènement du système des bibliothèques présidentielles, les présidents ou leurs héritiers dispersaient souvent les documents présidentiels à la fin du mandat de leur administration. Bien que de nombreuses collections antérieures à Hoover soient maintenant conservées à la bibliothèque du Congrès, d’autres sont dispersées entre différentes bibliothèques, sociétés historiques et collections privées.

Malheureusement, de nombreux documents ont été perdus ou détruits délibérément. En 1950, Harry S. Truman (1945-1953) a décidé qu’il construirait également une bibliothèque pour abriter ses documents présidentiels et a contribué à dynamiser l’action du Congrès. En 1955, le Congrès a adopté le Presidential Libraries Act établissant un système de bibliothèques privées, érigées et entretenues par le gouvernement fédéral. La loi Presidential Library Act de 1986 a encouragé d’autres présidents à faire don de leurs matériaux historiques au gouvernement et a assuré la préservation des documents présidentiels ainsi que leur disponibilité pour le peuple américain. On compte aujourd’hui plus de 15 bibliothèques présidentielles.

2. L’engagement caritatif

Après la fin de leur mandat, de nombreux anciens présidents ont choisi de s’investir dans des causes caritatives, utilisant leur notoriété et leur influence pour promouvoir des initiatives sociales et humanitaires. Leur engagement s’inscrit dans une tradition de service public prolongé, démontrant que l’impact d’une présidence peut s’étendre au-delà des années de fonction.

Jimmy Carter (1977-1981), par exemple, a eu une carrière post-présidentielle marquée par un engagement profond en faveur de l’amélioration des conditions de vie des personnes défavorisées. En 1984, Carter et son épouse, Rosalynn, ont cofondé Habitat for Humanity, une organisation internationale dédiée à la construction de logements abordables destinés aux familles à faibles revenus. Leur travail a permis de bâtir des milliers de maisons à travers le monde, et Carter a personnellement participé à des chantiers de construction, symbolisant ainsi son dévouement à la cause. Son implication ne se limite pas seulement à des actions symboliques ; il a également mobilisé des ressources et attiré l’attention internationale sur la nécessité de solutions de logement durable.

De même, Bill Clinton a exercé une influence notable par l’intermédiaire de la Clinton Foundation, qu’il a fondée en 2001.

Cette organisation s’empare de problématiques mondiales complexes telles que la lutte contre le sida, le changement climatique et l’amélioration des systèmes éducatifs. La Clinton Fondation a mis en place plusieurs programmes significatifs, comme les initiatives visant à réduire le tabagisme et à améliorer l’accès aux soins de santé dans les pays en développement. Clinton a également joué un rôle actif dans la collecte de fonds et la mobilisation de ressources pour ces causes, démontrant comment une présidence peut mener à des contributions continues.

George H. W. Bush, après son départ de la Maison Blanche, a largement contribué à l’action sociale à travers la Points of Light Foundation, une organisation qu’il a cofondée en 1990 avec l’objectif de promouvoir le bénévolat et le service civique, et qui soutient une multitude d’initiatives allant de l’éducation des jeunes à la réponse aux crises humanitaires. La Points of Light Fondation a joué un rôle crucial dans le soutien aux efforts locaux de bénévolat et de solidarité, soulignant l’importance du service civique dans la société.

Ces exemples illustrent la façon dont les anciens présidents, même après la fin de leur mandat, continuent d’utiliser leur notoriété pour peser sur des enjeux sociaux. Leur engagement dans des causes caritatives prolonge leur influence et contribue à la résolution de problèmes globaux et locaux, démontrant que l’impact de leur service public peut perdurer bien au-delà de leur période en fonctions.

3. Le marché hautement rémunérateur des discours présidentiels

La carrière de conférencier des anciens présidents américains représente un aspect notable de leur vie post-présidentielle, reflétant leur influence continue et leur capacité à captiver des audiences à travers le monde. Après avoir quitté la Maison Blanche, de nombreux anciens présidents américains poursuivent leur carrière en tant que conférenciers de renom, apportant leur expertise et leur expérience à divers forums et événements à travers le monde. Leur transition vers ce rôle de conférencier est souvent facilitée par des agences spécialisées, telles que le Washington Speakers Bureau. Ces conférences permettent non seulement de partager des perspectives uniques sur des sujets d’actualité et des expériences historiques, mais elles génèrent également des revenus substantiels pour les orateurs.

Par exemple, Bill Clinton, après sa présidence, a été l’un des conférenciers les mieux rémunérés au monde, ses honoraires pour une conférence pouvaient atteindre jusqu’à 250 000 dollars. Dans la même lignée, Barack Obama a également attiré une demande considérable pour ses discours. Ses interventions peuvent rapporter jusqu’à 400 000 dollars par engagement.

4. Des présidents qui se révèlent à la retraite

L’historien Burton Kaufman, dans son livre The Post Presidency montre que certains présidents peuvent être plus fédérateurs et populaires pendant la période post-présidentielle.

C’est le cas, notamment, de Jimmy Carter. Mal-aimé et souvent critiqué pendant son mandat présidentiel, quand il a été confronté à une série de défis tels que la crise des otages en Iran et les difficultés économiques internes, il a connu une transformation remarquable de son image après avoir quitté la Maison Blanche. Son engagement dans des causes humanitaires et son travail incessant après sa présidence ont radicalement modifié la perception que ses concitoyens avaient de lui. En 2002, Carter a reçu le Prix Nobel de la paix pour ses efforts remarquables dans la médiation des conflits internationaux, la promotion des droits de l’homme et la lutte contre la pauvreté.

La trajectoire post-présidentielle des anciens présidents américains illustre l’impact durable de leur service au-delà de leur mandat à la Maison Blanche. Que ce soit à travers l’engagement humanitaire, les conférences lucratives ou les activités de conseil, ces anciens dirigeants continuent de façonner le discours public. Long is the road…The Conversation

Légende de l'image de couverture : Mont Rushmore, South Dakota (États-Unis), janvier 2022. (crédits : Janne Simoes / Unsplash)