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26.04.2019

Crise de 2008 : où en est l'Europe 10 ans après ?

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(crédits : CC-BY shutterstock)

La crise financière de 2008 a eu d'immenses répercussions dans le monde entier, faisant entrer de nombreux pays en récession. Toutes les parties du globe ont été touchées. L'Union européenne n'a pas été épargnée et a été contrainte de revoir son architecture économique et financière. 10 ans après, quel bilan tirer pour l'Europe ?

Comment l'Union européenne a-t-elle été touchée par la crise ?

En septembre 2008, l'Irlande est le premier pays à entrer en récession sur le continent européen. Son PIB recule de 3,5% et son déficit public atteint 7,2% du PIB, dépassant ainsi très largement la norme des 3% imposée par le traité de Maastricht. Au sein de l'UE, suivront l'Espagne et le Royaume-Uni dès fin 2008.
Les années 2008 et 2009 peuvent être considérées comme les plus dures, puisque le PIB de l'UE-28 croît de seulement 0,5% en 2008 avant d'afficher l'année suivante un taux de croissance négatif de 4,3%. Il faudra attendre 2010 pour retrouver un regain de la croissance (2,1%), avant une nouvelle de récession en 2012 (-0,4%). L'UE a depuis connu six années de croissance successives, le pic ayant été atteint en 2017 (2,4%) et les projections pour les années à venir restant positives (1,9% pour 2019, 1,7% pour 2020).

Face aux risques systémiques, la réaction des institutions européennes a été rapide. Entre octobre 2008, soit un mois après la faillite de Lehman Brothers, et mai 2009, la Banque centrale européenne (BCE) abaisse graduellement son taux directeur de 4,75% à seulement 1%. En juillet 2012, le taux passe sous la barre des 1% et demeure aujourd'hui à 0%, espérant ainsi influencer l'octroi de crédits et contribuer à maintenir l'activité.

Tous les pays de l'UE ont-ils eu la même trajectoire économique durant la crise ?

Les trajectoires économiques des Etats européens indiquent de très larges divergences, notamment entre les pays d'Europe du Sud et du Nord. Comme l'indique l'économiste Thomas Piketty, la zone euro dans son ensemble n'a retrouvé le niveau d'activité économique qui prévalait fin 2007 qu'au 4ème trimestre de l'année 2015. Individuellement, l'Allemagne et la France avaient retrouvé ce niveau d'avant-crise dès le 4ème trimestre 2010. En revanche, certains pays (principalement d'Europe du Sud) ont connu des trajectoires économiques moins positives, et notamment la Grèce. Cette dernière n'a d'ailleurs toujours pas retrouvé son niveau d'avant crise, alors que l'Italie et l'Espagne ne l'ont retrouvé qu'en 2017. 

Il en va de même s'agissant du PIB par habitant. Quand on compare les principaux pays de l'Union européenne, on constate que l'Allemagne a recouvré un PIB par habitant supérieur à sa situation d'avant-crise, tout comme la France et l'Espagne. En revanche, ça n'est toujours pas le cas de l'Italie et de la Grèce. Pour ce dernier pays, le PIB par habitant s'élevait en 2007 à environ 30 000 dollars, tandis qu'il n'a atteint que 23 000 dollars environ en 2017. La question de la dette constitue une autre source de préoccupation. En attestent les travaux de la fondation Schuman : de nombreux pays, principalement d'Europe du Sud, ont subi de plein fouet la crise des dettes souveraines et ont vu leur niveau de dette très fortement augmenter depuis 2008. Le taux d'endettement de la Grèce, par exemple, s'élevait à environ 100% de son PIB en 2007-2008 et dépasse les 175% depuis 2013.

Dix ans après l'éclatement de la crise, sept pays européens tutoient ou dépassent le taux d'endettement moyen de la zone euro : la Grèce, l'Italie, le Portugal, la Belgique, l'Espagne, la France et Chypre.

Au sein de l'Union européenne, le taux de chômage a connu une forte baisse à partir de 2014, date qui, pour Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire Français des conjonctures économiques (OFCE), "marque un retour consistant de la croissance économique au sein de l'Union européenne, avec des pays européens se remettant petit à petit de la secousse de 2008".

En revanche, si l'on se penche sur le taux de chômage pays par pays, ces derniers culminent à des niveaux encore très élevés au sud de l'Europe. C'est le cas notamment en Espagne (15,2% en août 2018) et surtout en Grèce (19,1% en juin 2018) malgré une tendance à la baisse. De la même manière, le taux de chômage des jeunes affiche de grandes disparités, allant de 6,2% en Allemagne à 39,1% en Grèce (août 2018).

Enfin, les dépenses d'investissement donnent un dernier éclairage saisissant des effets durables de la crise de 2008. En effet, comme l'indiquent les données d'Eurosat, seuls quatre pays ont recouvré ou dépassé en 2017 leur niveau d'investissement de 2007 : la Suède, l'Autriche, l'Allemagne et la Belgique. A l'inverse, dans six Etats membres, les investissements étaient encore de 10 points inférieurs en 2017 par rapport à 2007 : Espagne, Estonie, Grèce, Lettonie, Roumanie et Slovénie. Malgré un faible endettement et un bon niveau d'activité, des pays comme l'Espagne ont été durement touchés par la crise économique de 2008. Pourtant, Mathieu Plane l'affirme, "l'Espagne et l'Irlande étaient les deux bons élèves de l'Europe en 2007". Entre 2005 et 2007, la croissance moyenne de l'Espagne est de 3,7%, fin 2007 tandis que la dette n'est que de 36,1% du PIB et le taux de chômage de 7,9%.

Comment expliquer ce renversement ? "La principale raison de la chute spectaculaire de l'économie espagnole est due à un marché de l'immobilier très avantageux, créant un endettement des ménages important. Cette bulle immobilière, en 2007, a fini par exploser", explique Mathieu Plane. On peut aussi citer la différence de compétitivité entre par exemple l'Espagne et l'Allemagne. L'industrie allemande, grâce à son ouverture sur l'extérieur et à sa puissance, a grandement contribué au maintien économique du pays, au contraire de l'Espagne, bien moins dotée.

Qu'a changé la crise sur les instances européennes ?

La crise économique a modifié en profondeur l'architecture économique et financière de la zone euro. Le 10 mai 2010, les institutions européennes créent le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 750 milliards d'euros, ainsi que le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF) afin de répondre dans l'urgence à la gravité de la crise en fournissant des aides financières aux États membres. Le MESF et le FESF ont été fusionnés le 1er juillet 2013 pour créer un outil plus pérenne, le Mécanisme européen de stabilité. Entre mai 2010 et septembre 2012, la BCE décide de son côté, une première dans son histoire, de racheter des titres de dette des Etats considérés comme les plus risqués.

La mandature (2014-2019) aura également été marquée par la politique monétaire dite du quantitative easing. Mise en œuvre par la BCE à partir de 2015, elle a joué un rôle non négligeable. Cette politique permet en effet à la Banque centrale européenne de créer de la monnaie afin d'acheter des emprunts d'Etat ou privés qui sont détenus par les investisseurs, dans le but que ces sommes soient ensuite réinjectées dans l'économie. Couplé à une politique de taux bas, cette politique monétaire a permis de financer les entreprises ainsi que les ménages. Selon Mathieu Plane, "cette politique a été une bouffée d'air frais pour les pays de la zone euro, grandement en difficulté. Ces liquidités ont permis aux ménages et aux entreprises d'entamer un retour vers la consommation".
Depuis la présidence de Draghi, la BCE a aussi dégradé à plusieurs reprises son taux directeur, dans le seul but de relancer la consommation des ménages et des entreprises. Aujourd'hui, le taux directeur est aux alentours de 0%.

Mais alors que la zone euro semble désormais pleinement sortie de la crise des subprimes, l'Union bancaire n'a pas encore été achevée et l'établissement de mesures de stabilisation en cas de nouveau choc économique négatif n'ont pas encore vu le jour. Sous l'égide de la Commission Juncker, des discussions ont bien été engagées en vue notamment de mettre en oeuvre une garantie européenne des dépôts bancaires, sans succès pour le moment.
 
Emmanuel Macron milite pour sa part pour la création d'un budget spécifique de la zone euro afin de soutenir l'investissement, de relancer la convergence entre les économies européennes et d'être mieux outillé en cas de nouvelle crise. Mais faute d'un large consensus, seul un "instrument budgétaire" aux capacités limitées devrait voir le jour à court terme, de nombreux pays restant soucieux d'éviter à tout prix de "payer pour les autres".

Cet article a été initialement publié sur le site d’information Toute l'Europe. Il a été réalisé avec des étudiants de Sciences Po dans le cadre d'un projet collectif. 

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