« À Sciences Po, l’IA est un levier plutôt qu’une béquille. »

L’IA est un immense bouleversement. C’est aussi une réalité concrète pour 3 étudiants de Sciences Po sur 4 qui utilisent déjà les outils d’IA chaque semaine. Il est totalement illusoire de croire que l’on peut tourner le dos à l’IA. Pour autant, nous n’entendons pas subir cette transformation. C’est tout le sens de cette doctrine : donner un cap et expliquer qu’à Sciences Po, l’IA est un levier plutôt qu’une béquille.

Il y a les questions que pose l’outil en tant que tel, qui sont déjà bien connues : les risques d’hallucination, de biais, les questions éthiques, etc. Et puis il y a d’autres enjeux qui sont encore plus cruciaux dès lors que l’on parle d’éducation. L’IA transforme en profondeur toute la grammaire de la connaissance, au sens où certains gestes intellectuels fondamentaux sont désormais « à portée de prompt » : résumer, synthétiser, rédiger… Pour autant, utiliser l’IA comme un substitut, c’est se contenter d’un résultat certes convenable, mais en réalité assez moyen. Si l’on veut au contraire viser l’excellence, il faut cultiver d’autres compétences.

Pouvoir prendre du recul vis-à-vis de ce que l’IA produit, être capable d’avoir une vision stratégique, penser en dehors des clous, faire preuve de créativité : en réalité, tout ce qui permet de ne pas être des usagers captifs, mais des utilisateurs actifs. C’est précisément le cœur de notre savoir-faire à Sciences Po, à travers une formation pluraliste en sciences humaines et sociales. Nous devons continuer à cultiver cet esprit et même aller plus loin, notamment sur notre rapport aux humanités et aux arts.

Le monde de l’IA est beaucoup plus exigeant sur le plan intellectuel, et nos étudiants doivent réfléchir encore plus, et donc lire encore plus et écrire encore plus, parce qu’écrire, ce n’est pas seulement rédiger, c’est formaliser une pensée. L’IA dans les mains d’un étudiant bien formé peut être un démultiplicateur de talent.

L’ambition de Sciences Po a toujours été de former celles et ceux qui ont vocation à exercer des responsabilités pour avoir un impact concret sur le cours des choses. Dès lors que l’IA est une rupture majeure de notre temps, aussi bien sur le plan économique que géopolitique, juridique, ou social, il est évident que les décideurs de demain ne doivent pas se contenter de connaître l’outil, mais avoir pleinement conscience de son impact réel, de ses potentialités, de ses implications.