Shahrbanou Tadjbakhsh

Au cours des dix dernières années, les modalités de l’engagement international dans les opérations de rétablissement de la paix ont évolué. Une comparaison entre les accords qui en 1997 ont marqué la fin de cinq ans de guerre civile au Tadjikistan, et le début de l’intervention en Afghanistan menée dans un contexte international de guerre contre le terrorisme, en témoigne. Elle met l’accent sur les défis auxquels ces interventions ont dû faire face : l’échec des phases de stabilisation, de transition et de consolidation du rétablissement de la paix ; le manque de netteté des véritables motifs de l’engagement international ; l’ambiguïté des méthodes utilisées pour la reconstruction des Etats concernés et l’appropriation des processus de paix par les Etats engagés. Le succès du processus de paix au Tadjikistan peut être attribué à la collaboration entre organismes internationaux et puissances régionales, mais aussi à l’ordonnancement progressif des différentes étapes : négociations autour du partage du pouvoir puis consolidation et reconstruction de l’Etat. En revanche, l’échec du rétablissement de la paix en Afghanistan s’explique en partie par la diversité des motifs de l’engagement international, l’isolement de l’alliance occidentale dans la région et les positions prises dans la guerre par certains acteurs extérieurs. Quoi qu’il en soit, seule l’appropriation du processus de paix par les populations locales lui confère la légitimité propre à le pérenniser

Le 2 décembre 2004, dans le cadre de l’opération militaire multinationale Althea, l’Union européenne a pris la relève des forces déployées en Bosnie-Herzégovine par l’OTAN après la signature des Accords de Dayton. Ce déploiement militaire européen, présenté par ses initiateurs comme un test majeur pour la PESD, s’inscrit dans une dynamique d’européanisation des dispositifs internationaux déployés dans le pays. A travers l’analyse d’Althea, il s’agit de réfléchir ici à l’émergence de savoir-faire européens en matière de gestion militaire et civile des sorties de conflit. Abordant Althea à partir des expériences des acteurs de terrain, la réflexion porte en particulier sur les conditions d’inscription de la présence européenne dans une histoire plus longue des interventions internationales en Bosnie-Herzégovine, les difficultés de l’articulation entre les divers acteurs européens et les défis d’une appropriation, par les acteurs locaux comme par les militaires déployés, de la mission « européenne ». L’étude souligne enfin la complexité de la formulation d’une politique européenne d’exit, dont la rationalité obéit davantage à des logiques institutionnelles intraeuropéennes qu’à une évaluation sereine de la situation en Bosnie- Herzégovine.

La crise somalienne a été appréciée par la communauté internationale à l’aune de ses intérêts plus que dans sa réalité nationale. Après avoir échoué à concevoir une véritable réconciliation entre 2002 et 2004, les pays occidentaux se sont préoccupés de faire survivre un gouvernement sans véritable légitimité, mais soutenu par l’Ethiopie et le Kenya. L’émergence des Tribunaux islamiques en juin 2006 a reconfiguré la donne. Plus que leur radicalisation, deux arguments ont décidé du retour de la guerre : l’Ethiopie ne pouvait accepter de voir surgir sur son flanc sud un pouvoir autonome et ami de l’Erythrée, les Etats-Unis voulaient affirmer l’absolue primauté de la lutte antiterroriste sur toute autre considération. Une telle posture permettait de tester une nouvelle doctrine de sécurité donnant au Pentagone un ascendant sur la poursuite des supposés terroristes et permettant de coopter de nouvelles puissances régionales sur le continent africain, les alliés européens se montrant une fois de plus singulièrement atones face à cette nouvelle dérive militariste de Washington. Incapable d’occuper l’espace politique, le gouvernement transitoire somalien a poussé à la radicalisation. La perspective d’un nouvel Irak à l’africaine se dessinait dès la précaire victoire de l’Ethiopie en janvier 2007.

Marwa Daoudy

De 1991 à 2000, ces deux acteurs-clés du conflit moyen-oriental que sont la Syrie et Israël ont poursuivi de longues négociations de paix. Que nous apprend ce dialogue sur les objectifs, les motivations, et les perceptions propres d’un protagoniste syrien qui reste très méconnu ? Telle est la question à laquelle souhaite répondre cette étude, en disséquant les enjeux majeurs du processus : le territoire, la sécurité et les ressources en eau. L’analyse des obstacles rencontrés sur le chemin de la paix permettra en outre de prendre la mesure des perspectives actuelles de reprise du dialogue, dans un contexte profondément bouleversé. Le décès du président Hafez Al-Assad en juin 2000 et l’arrivée au pouvoir de son fils Bachar, la détérioration de la situation israélo-palestinienne depuis le déclenchement de la seconde Intifada et l’élection d’Ariel Sharon en Israël, la guerre américaine en Irak, l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, le retrait des troupes syriennes du Liban en avril 2005, et la tenue du 10e Congrès du parti Baas en juin ont transformé l’échiquier intérieur et régional. Cette analyse entend apporter un nouvel éclairage sur les contraintes que subit la Syrie et les opportunités qui s’offrent à elles, en s’efforçant d’apprécier l’impact de ces changements sur sa position de négociation.

La guerre au Sud-Soudan qui a débuté en 1983 semble toucher à sa fin grâce à la signature d’accords de paix en mai 2004. Pour tenter d’évaluer les chances de la paix, il convient de cerner l’évolution du régime islamiste depuis sa prise de pouvoir en 1989, et les effets produits par ses divisions internes et l’accès à des revenus pétroliers significatifs, comme par l’impact régional du 11 septembre. Il faut également s’interroger sur le contenu des accords et les difficultés auxquelles les Sud-Soudanais devront faire face dans leur délicate mise en oeuvre. La crise au Darfour souligne la modestie des résultats obtenus malgré une forte intervention internationale. D’une part, les problèmes structurels du Soudan (citoyenneté, forme de l’Etat) n’ont pas été résolus ; de l’autre, le régime ne paraît pas disposé à se réformer radicalement.

Retour en haut de page