Rémi Bourguignon, Solène Hazouard, Martine Le Boulaire

Ce rapport constitue le troisième volet1 d’une série d’études consacrées à l’implantation des entreprises occidentales en Chine, un pays qui représente un environnement des affaires atypique, entre exploit et danger. Son rythme de croissance effréné et ses équilibres sociaux, son contexte politique et social apparaissent comme autant de défis. Pour les entreprises occidentales, notamment, il n’est pas possible de s’en remettre à un transfert pur et simple des pratiques managériales. Le présent rapport s’efforce d’enrichir et de compléter les observations antérieures par la prise en compte d’une dimension comparative. Cinq nouvelles entreprises seront spécifiquement étudiées, deux d’origine française et trois d’origine allemande, portant ainsi notre panel global à près de trente cas d’entreprises.

Bayram Balci

L’Azerbaïdjan post-soviétique est le théâtre d’un renouveau de l’islam dans l’espace public, conséquence directe de la sortie de l’empire et de l’accession à l’indépendance qui s’est traduite par une réhabilitation du religieux, voire par l’intégration de l’islam à la nouvelle politique identitaire nationale. L’Azerbaïdjan se singularise dans toute l’ex-URSS par le fait qu’il est le pays musulman le plus laïcisé à cause d’une entrée précoce dans le giron de la Russie et parce qu’il fut longtemps le terrain d’affrontements idéologiques entre les Empires perses chiites et l’Empire ottoman sunnite. La convergence de facteurs internes – un islam préservé en dépit d’une politique soviétique antireligieuse – et externes – l’influence des pays voisins, Turquie, Iran et monde arabe – a présidé à la recomposition de l’islam azerbaïdjanais après la chute du communisme. Soucieux de préserver une laïcité qui fait la fierté de ses élites et de veiller à ce que le renouveau religieux ne crée pas de tensions entre les deux composantes (chiite et sunnite) de sa population, l’Etat a mis en place, avec difficulté et parfois une certaine maladresse, une politique religieuse loin d’être acceptée par tous. Toutefois, même contestées dans leur gestion de l’islam, les autorités azerbaïdjanaises contrôlent le phénomène religieux par une politique qui oscille entre tolérance et répression.

Myriam Désert

Quels sont les racines et les effets du secteur informel ? Constitue-t-il un bienfait ou une malédiction ? A ce débat, nourri depuis trois décennies par les considérations sur la situation des pays en développement, les mutations post-soviétiques apportent de nouveaux éléments. On observe en effet en Russie des processus de formalisation - et de “déformalisation” - des règles non seulement dans les pratiques des acteurs économiques, mais également dans la distribution de services publics devenus rares. L’analyse des pratiques informelles concrètes alimente la réflexion sur les relations qui lient mutations économiques et politiques : quel est leur impact sur l’instauration d’un marché et d’un Etat de droit, sur la recomposition de l’espace tant économique que social ? L’examen des visions de l’informel par les milieux académiques russes et les acteurs sociaux est l’occasion de mettre en évidence les différents déterminants des comportements : réaction à la conjoncture, racines culturelles, représentations sociales… L’exemple russe illustre la façon dont l’informel est non seulement une modalité d’action qui contourne les règles légales, mais également un mode de sociabilité qui refuse les relations sociales anonymes ; il aide à réfléchir à la façon de réencastrer l’économique dans le social.

Nicolas Revise

Thaksin Shinawatra, le Premier ministre thaïlandais, est l’homme de tous les superlatifs : magnat des télécommunications, milliardaire, il est le seul chef de gouvernement thaïlandais élu ayant réussi à boucler une législature avant d’être reconduit triomphalement pour un deuxième mandat. Son parti, le Thai Rak Thai (« Les Thaïlandais aiment les Thaïlandais »), gouverne avec une majorité parlementaire écrasante. Parvenu au pouvoir dans le sillage de la crise asiatique de 1997 et de la Constitution démocratique thaïlandaise promulguée la même année, Thaksin constitue une synthèse de l’histoire récente du pays : il est l’héritier des régimes militaires autoritaires des années 1960-1970 et le produit d’une libéralisation politique et économique ayant porté au pouvoir des hommes d’affaires mus en politiciens professionnels. Mais que le « système Thaksin » – mélange d’autoritarisme et de libéralisme – marque un coup d’arrêt à vingt-cinq ans de démocratisation politique ou qu’il incarne une « voie thaïlandaise » vers la démocratie, le Premier ministre ne peut gouverner à sa guise : il a face à lui une société civile dynamique, complexe et structurée qui a déjà fait par trois fois au moins la démonstration éclatante de sa capacité de mobilisation politique.

Françoise Daucé

Les mobilisations collectives en Russie post-soviétique ont généralement suscité l’étonnement occidental en raison de leur faiblesse numérique et de leur incapacité à favoriser durablement la formation d’un système démocratique dans ce pays. Cette surprise peut s’expliquer par l’inadaptation des instruments mobilisés pour leur étude. Les travaux sur les mobilisations associatives, et sur la société civile en général, ont longtemps repris les postulats les plus communément admis relatifs à la modernisation des mouvements sociaux dans un contexte politique et économique libéral. Les décideurs russes et occidentaux, soucieux de transition, ont manifesté le désir de favoriser en Russie la constitution d’associations indépendantes de l’Etat susceptibles de fonder une société civile et de constituer un contre-pouvoir. Si le début des années 1990 en Russie a laissé entrevoir un rapprochement entre les pratiques associatives russes et occidentales, autour de notions comme celles d’ « entrepreneur de mobilisation », de « professionnalisation » ou de « frustration », les évolutions ultérieures ont montré l’inadéquation de ces concepts pour comprendre la complexité des associations post-soviétiques. Ce numéro de « Questions de recherche » souhaite donc faire de nouvelles propositions théoriques pour étudier les associations en Russie. Ces dernières sont placées au carrefour de plusieurs grammaires, où les principes civiques et libéraux se combinent avec des préoccupations domestiques et patriotiques. Cette complexité, qui s’oppose à une vision purement libérale des associations, a suscité la convergence des critiques contre leur action. Pour mettre au jour cette complexité tant des pratiques que des critiques, les instruments fournis par la sociologie du proche, pragmatique et multiculturaliste, nous semblent pertinents pour montrer la diversité des liens politiques et sociaux qui animent les militants en Russie aujourd’hui.

Philippe Létrillart

Tandis que Cuba continue l’édification de sa société socialiste, une « société civile de fait », essentiellement composée des mouvements de la dissidence, se met en place. L’Eglise catholique cubaine, seule institution non castriste, joue un rôle important dans cet équilibre, et sa nature à la fois universelle et particulière lui permet de concevoir de manière singulière sa relation à la société cubaine, d’autant que son but est avant tout de retrouver son influence et à d’affirmer sa centralité. Cette ambition s’appuie sur deux instruments, l’un et l’autre essentiellement gérés par le monde laïc et en particulier par les équipes qui entourent Dagoberto Valdés. Il s’agit d’une approche pratique fondée sur le travail social et sur l’activité des centres de formation d’une part, d’un effort réflexif visant à penser le rôle de l’Eglise dans la société et à affirmer la possibilité d’une nouvelle citoyenneté proche des valeurs catholiques d’autre part. Si l’action caritative des catholiques est acceptée par le régime, il n’en va pas de même de leur volonté participative assimilée à la défense d’options conservatrices et passéistes. La relation de l’Eglise et de la dissidence demeure par ailleurs difficile. Cette position ambiguë pourrait fragiliser l’approche de la transition post-castriste par le monde catholique, alors même que son expertise sera nécessaire à la réconciliation nationale.

Renaud Egreteau

Arrivée au pouvoir en 1962 puis renouvelée par un second coup d’Etat militaire en septembre 1988, la junte birmane n’a eu de cesse de conforter son contrôle sur l’ensemble des institutions et de la conduite des affaires du pays (renommé Myanmar en 1989). Pourtant, en août 2003, l’initiative du Premier ministre et chef des Services de renseignements militaires, le général Khin Nyunt, proposant une « feuille de route vers la démocratie », a laissé entrevoir la possibilité d’une « transition démocratique », graduelle et contrôlée par le régime militaire. Mais l’éviction de Khin Nyunt en octobre 2004 marque le retour de la ligne dure du régime et des derniers caciques nationalistes de l’armée, opposés à toute négociation avec l’opposition démocratique civile menée par Aung San Suu Kyi, en résidence surveillée depuis mai 2003. Grâce à un environnement stratégique favorable, le régime a toutes les chances de pérenniser son pouvoir en dictant ses propres règles du jeu « démocratique », recherchant la stabilité plutôt que la libéralisation du pays, au détriment de l’opposition et des minorités ethniques.

François d'Arcy

S'interrogeant sur les chances de réussite du gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva, cette étude part de l'idée que le principal obstacle réside dans la structure du système politique brésilien. Faute de pouvoir le réformer, le président Lula a su, non sans habileté, s'y adapter, au prix cependant d'alliances hétérogènes. Respectant par ailleurs ses engagements de campagne, qui lui avaient permis d'être élu après trois échecs consécutifs, il a maintenu une politique de lutte contre l'inflation et de stricte discipline budgétaire, ainsi que de respect des contrats concernant tant la dette publique que les entreprises issues des privatisations. Cette politique macroéconomique, dans la continuation de celle de Fernando Henrique Cardoso, a dominé la première année de son gouvernement, retardant la mise en place de nouvelles politiques sociales ou de développement durable. Telles que celles-ci se dessinent, elles sont davantage marquées par la continuité que par la rupture, ce qui est sans doute le gage de leur réussite.

Matthieu Salomon

Depuis les années 1980, et plus symboliquement depuis le VIe Congrès du Parti Communiste, le Viêt-Nam s’est engagé sur la voie des réformes (Dôi moi, « Renouveau»). Si ces réformes s’inscrivent en premier lieu dans une perspective de changement des règles régissant l’activité économique, elles renvoient également, depuis les années 1990, à des évolutions politiques, institutionnelles et légales. Sous l’influence tant de contraintes endogènes dues à la nécessaire adaptation de l’environnement politico-légal et à l’évolution des processus de légitimation du pouvoir, que de contraintes exogènes nées de la volonté d’intégration à la communauté et à l’économie internationales, le discours des autorités vietnamiennes et les textes politiques fondamentaux ont été renouvelés. Dans les faits, il semble impossible de nier que le système politico-légal vietnamien, malgré ses pesanteurs et ses permanences, évolue lentement et se « normalise ». Il ne s’agit pas d’avancer l’idée que le Viêt-Nam serait sur la voie d’une « transition démocratique » tendant vers un modèle occidental de référence. L’objectif du pouvoir peut être défini ainsi : « conforter le monopartisme tout en satisfaisant aux exigences de la modernisation ». A travers une analyse du système des assemblées populaires élues par la population et du système juridique/judiciaire, cette étude tente d’apporter un éclairage sur cette capacité d’innovation politico-légale du régime, et notamment sur sa capacité à structurer de nouveaux espaces de débats. Elle s’interroge sur les évolutions complexes des règles et acteurs de cet aspect des évolutions vietnamiennes trop souvent délaissé par l’analyse.

Anastassios Anastassiadis

Cet article aborde la question sensible des relations entre Etat et Eglise en Grèce. Nombre d'études récentes ont suggéré que le discours de l'Eglise orthodoxe grecque était incompatible avec les conceptions modernes de la démocratie libérale. Le nationalisme et le populisme ont été les deux concepts utilisés pour rendre compte de cette hypothèse et l'analyse du discours officiel de l'Eglise, le principal outil méthodologique employé. La crise de la mention de l'appartenance confessionnelle sur les cartes d'identité grecques durant les années 1990 a fondé des études de cas censées témoigner de l'attitude de l'Eglise. En entreprenant une analyse globale de cette "crise", cet article vise à démontrer que les approches mentionnées offrent des perspectives très limitées de compréhension du phénomène et des enjeux, pour deux raisons. Elles témoignent de peu d'intérêt pour l'analyse sociologique et tout particulièrement pour le fonctionnement interne de l'Eglise. De surcroît, les discours sont certes une manifestation des stratégies des acteurs, mais doivent néanmoins être pris pour une donnée brute nécessitant un décryptage. Or, ces analystes semblent ignorer l’un des apports fondamentaux de la sémantique: les discours sont produits dans un certain contexte socio-historique en fonction de schémas préfabriqués. Ce mode de production dual autorise aussi bien l'innovation que la continuité. Ainsi, le discours conservateur de l'Eglise peut-il être rapproché des efforts manifestés par certains acteurs internes pour la rénover. Tout en réfutant la thèse du "choc des civilisations", cet article suggère enfin que l'intérêt renouvelé qu'elle suscite pour la religion en général et l'orthodoxie en particulier devrait être mis à profit pour que soient menées plus d'études socio-historiques de l'Eglise grecque

Renéo Lukic et Jean-François Morel

Contrairement à la majorité des pays de l'Europe centrale et orientale qui ont connu une transition post-communiste pacifique, la Croatie a vécu la sienne en guerre. En effet, la guerre serbo-croate au printemps 1991 la força à se doter rapidement d'une armée pour défendre son territoire. La Croatie n'était à ce moment qu'une démocratie émergente et, après que son indépendance eut été reconnue par la Communauté Européenne le 15 janvier 1992, le contrôle de l'Armée croate (Hrvatska vojska, HV) échappa aux institutions parlementaires. La HV était dominée par le parti du président Franjo Tudjman (le HDZ) qui, pour avoir mené la Croatie à l'indépendance, bénéficiait d'une triple légitimité (politique, constitutionnelle et charismatique), semblable à celle de Tito sur l'Armée populaire yougoslave. Le régime civilo-militaire établi en Croatie après 1990 souffrait donc d'un déficit démocratique indéniable. A la mort de Franjo Tudjman en décembre 1999, la nouvelle majorité, issue des élections de janvier et février 2000 et menée par le président Stjepan Mesic, tenta d'établir un véritable contrôle démocratique des forces armées. Elle se heurta à l'opposition du ministère de la Défense et d'un certain nombre d'officiers toujours fidèles au HDZ. Aujourd'hui, l'établissement d'un régime civilo-militaire démocratique en Croatie reste encore le but à atteindre. Cependant, la Croatie semble faire quelques progrès en ce sens. En cherchant à adhérer à certaines organisations internationales (OTAN), ou en étant contrainte de coopérer avec d'autres (Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, TPIY), le pays doit maintenant intérioriser les normes régissant le contrôle civil et démocratique des forces armées. Sa participation au Partenariat pour la paix (PPP) et sa volonté d'adhérer au plus tôt au Membership Action Plan (MAP) de l'OTAN forcent la Croatie à progresser dans cette direction.

La contestation populaire de janvier 1997 en Bulgarie a mis en évidence les difficultés que pouvait rencontrer la légitimation, en régime postcommuniste, d'une pratique représentative de la démocratie. Thème peu exploré dans les travaux de transitologie est-européenne, la représentation politique constitue pourtant un site d'observation privilégié des processus de consolidation démocratique. Interrogée à partir de la notion de lien représentatif, elle invite en effet à élucider les modalités de développement des interactions entre dirigeants et dirigés et corrélativement les conditions de routinisation d'une relation politique démocratique. L'approche adoptée ici suppose une attention particulière aux imaginaires sociaux de la représentation en vue d'identifier les attentes des citoyens ainsi que les supports, symboliques et matériels, des rapports qu'ils entretiennent avec leurs élus. Dans un pays où la lenteur des réformes de structure a retardé la différenciation d'intérêts économiques susceptibles d'une prise en charge partisane, le lien représentatif ne saurait pour l'heure être fondé sur un calcul de préférences rationnel. Il s'enracinerait plutôt dans des représentations sociales du politique qui, tout en le reléguant dans une sphère d'étrangeté corrompue et particulariste, l'érigent en point focal d'attentes clientélaires. Dans un contexte où la légitimité institutionnelle des députés demeure faible, tout échec à garantir la permanence de flux de redistribution économique et sociale fait alors peser la menace d'une rupture du lien représentatif.

Sudipta Kaviraj

La théorie occidentale ne permet pas toujours de rendre intelligible ce que celle-ci représente dans le Tiers monde. Une manière féconde de poser le problème est de considérer la démocratie non comme un régime, mais comme une "langue". En Inde, la Constitution s'est inspirée des modèles élaborés à l'Ouest ; mais en pratique, la démocratie ne s'est pas appuyée sur les valeurs individualistes de l'idéologie libérale : la nation, puis les groupes sociaux (et non les individus) étant perçus comme les unités de base du processus politique - notamment sous l'impulsion de Gandhi qui concevait la nation comme composée des communautés traditionnelles. Nehru se détourna quant à lui des valeurs libérales au nom d'une critique de gauche qui valorisa l'intervention de l'Etat. Cet Etat fort ne fut cependant pas en mesure de remplir les fonctions redistributives qu'on attendait de lui en raison du conservatisme des "boss" du Congrès, surtout représentatifs d'une coalition dominante comprenant des propriétaires terriens, une bourgeoisie capitaliste et l'élite administrative. Le seul acquis enregistré avant la mort de Nehru concerne le remplacement des premiers, en perte de vitesse, par des paysans de rang inférieur mais en cours d'ascension sociale.
Indira Gandhi fit dériver la démocratie indienne vers une centralisation et une personnalisation accrues du pouvoir, au moyen d'un discours populiste. D'où le discrédit dont souffrit le processus démocratique, et l'instauration de l'état d'urgence en 1975. Le retour à la démocratie en 1977 n'inversa pas ces tendances, jusqu'à la libéralisation de 1991. La démocratie reste aujourd'hui menacée par des groupes imposants, les hindous et les basses castes, qui, au nom des "droits de la majorité", cherchent à prendre le pouvoir de façon définitive, ce qui reviendrait à évincer les minorités du processus de décision.

Raymond Benhaïm, Youssef Courbage et Rémy Leveau

Ce dossier veut rompre avec le catastrophisme qui marque le plus souvent l'analyse des événements du Maghreb, en s'attachant aux grands équilibres et à la moyenne/longue durée.
Sur le plan démographique d'abord, Youssef Courbage montre comment l'émigration vers la rive nord de la Méditerranée a influencé en profondeur les rythmes de la transition démographique au Maghreb, qui se comporte en l'occurence comme un ensemble régional cohérent.
Dans son analyse de prospective économique, Raymond Benhaïm voit aussi se dessiner une logique d'intégration, en dépit de la mise en sommeil de l'Union du Maghreb arabe. Si chacun des pays du Maghreb privilégie aujourd'hui les relations bilatérales avec l'Europe, celle-ci aurait plutôt intérêt à voir se constituer un marché maghrébin unifié.
Sur le plan politique enfin, Rémy Leveau examine les nouveaux comportements des gouvernants et des gouvernés à l'heure des déceptions sociales et de l'aspiration des nouvelles populations urbaines et éduquées à dire leur mot dans l'organisation de la société. Crise des Etats, montée des mouvements islamistes : si aucun des adversaires ne peut remporter de victoire totale, c'est la logique du compromis qui devrait finalement prévaloir. Encore faut-il que chacun renonce à une vision réductrice, et que les partenaires extérieurs envisagent d'autres solutions que l'aide inconditionnelle, face au "péril vert", à des gouvernants habitués à refuser tout contrôle des gouvernés.

Anne Gazier

Plus d'un an après l'échec du putsch d'août 1991, quel type de pouvoir s'est instauré en Russie?
L'étude de l'évolution des pouvoirs locaux dans cinq régions voisines appartenant à une même zone économique, le Centre-Terres noires, met en lumière une étonnante continuité. En effet, malgré la mise en place de nouvelles institutions locales censées être "démocratiques" et l'application de réformes économiques d'inspiration libérale, il apparaît que le pouvoir, dans ces régions, est resté, avec la complicité du Centre, pour l'essentiel entre les mains des membres de l'ancienne nomenklatura. En outre, son exercice se révèle très fortement marqué par le recours aux méthodes et moyens d'action autoritaires qui caractérisaient le système soviétique.

Marie-Paule Canapa

La fin du communisme en Yougoslavie a abouti à l'éclatement du pays et à la guerre. Mais les nouveaux Etats qui se sont séparés de la fédération sont eux-mêmes (sauf la Slovénie) pluriethniques. Comment géreront-ils ce problème ? Cette question, même si elle se pose d'abord en termes de droit des minorités, soulève un problème de démocratie en général. Les principes de base de l'organisation de la démocratie dans l'Etat "national" empêchent une pleine affirmation des membres des minorités en tant que citoyens définis d'abord, parfois presque exclusivement, comme membres de leur nation.
Peut-on envisager un autre mode d'appartenance à l'Etat, une participation plus effective à la prise de décisions ? Ce sont en fait des questions cruciales de la démocratie qui sont ici en cause (laïcité au sens large, décentralisation) ; c'est aussi le rôle du critère ethnique dans l'organisation politique et des perversions possibles qu'il induit (Bosnie-Herzégovine)

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