Dictature de la loi et verticale du pouvoir sous Poutine. Entretien avec Gilles Favarel-Garrigues

Entretien avec Gilles Favarel-Garrigues, directeur de recherche CNRS au CERI, qui publie La verticale de la peur. Ordre et allégeance en Russie poutinienne aux éditions La Découverte.

" Il y a actuellement beaucoup de discussions sur la nature du régime russe. Tout le monde s’accorde à penser qu’il s’agit d’un régime autoritaire, non démocratique, mais le débat s’est récemment déplacé afin de savoir s’il est pertinent de le qualifier de fasciste. J’essaie pour ma part de me distancier de ce jeu d’étiquetage, d’une part parce que dans le contexte actuel de guerre, le terme de « fasciste » est employé par les protagonistes eux-mêmes pour disqualifier leur adversaire, d’autre part parce que ce terme ne permet pas de saisir l’ordre politique sous Poutine dans la durée. Je préfère privilégier une approche montrant comment le pouvoir s’exerce concrètement en Russie, avec quels leviers, quels acteurs et quelles pratiques coercitives. Je décris en particulier l’ingénierie de l’intimidation qui s’est développée depuis vingt ans, avec son lot de maîtres-chanteurs et de hérauts médiatiques. 

La « dictature de la loi » est une expression que Vladimir Poutine emploie lui-même lorsqu’il accède au pouvoir en 2000. Elle désigne au départ un moyen d’exercer l’autorité sur les dirigeants régionaux, tentés d’accaparer le pouvoir au niveau local : il est vrai que dans les années 1990 nombre d’entre eux avaient tendance à considérer le territoire qu’ils administraient comme leur fief. Le nouveau président entendait ainsi réaffirmer au début de son règne une domination politique centralisée sur l’ensemble du territoire russe. Il s’avère cependant qu’avec le temps la « dictature de la loi » est devenue un mode de gouvernement central dans l’exercice du pouvoir : elle consiste à utiliser le droit comme une arme pour neutraliser les adversaires et discipliner l’ensemble des élites russes. Elle s’appuie sur trois ressources principales : les services de renseignement, les médias et la justice."

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