Thomas Amossé et Christine Erhel - Des métiers essentiels, mais une faible qualité du travail et de l’emploi

Thomas Amossé et Christine Erhel - Des métiers essentiels, mais une faible qualité du travail et de l’emploi

Christine Erhel est professeure au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM,Paris), titulaire de la chaire Economie du travail et de l’emploi, et directrice du Centre d’Études de l’Emploi et du Travail (CEET). Elle mène des recherches en économie du travail, particulièrement sur les questions de réformes du marché du travail et de qualité de l’emploi, notamment dans le cadre de projets européens. En 2020-2021, elle a rédigé le rapport de la mission pour la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne, avec Sophie Moreau-Follenfant.

Thomas Amossé est sociologue et statisticien, administrateur de l’Insee au Cnam, membre du Lise et affilié au CEET. Ses thèmes et objets de recherche s’articulent autour de trois domaines : la socio-économie du travail et de l’emploi, la sociologie des classes sociales et la socio-histoire de la statistique. Il a récemment présidé le groupe de travail du Cnis en charge de la rénovation de la nomenclature socioprofessionnelle.

DES METIERS ESSENTIELS, MAIS UNE FAIBLE QUALITE DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI 

Christine Erhel (CNAM, LIRSA, CEET), Thomas Amossé (Cnam, LISE, CEET)

La crise sanitaire suscitée par l’épidémie de Covid-19 en 2020-2021 a mis en exergue la contribution particulière de certains métiers au fonctionnement de la société et de l’économie. Souvent qualifiés de métiers-clés ou de métiers essentiels, ils impliquent des déplacements et ne permettent pas le télétravail car ils s’exercent nécessairement sur site quel que soit le contexte, y compris lorsque cela accroît le risque de contamination. La plupart des travailleurs exerçant ces métiers se sont ainsi portés sur le front de la pandémie, en première ou en deuxième ligne pour reprendre la distinction opérée par le président de la République dans son discours du 13 avril 2020. En dépit de leur forte utilité sociale, la plupart de ces professions sont peu valorisées et pâtissent de conditions de travail et d’emploi difficiles.

Au-delà des effets d’affichage politique tels que l’intégration de la revalorisation des rémunérations des métiers médicaux et non médicaux des établissements de santé et des Ehpad dans le Ségur de la santé (juillet 2020), le plan de revalorisation des rémunérations et des carrières policières (Beauvau de la sécurité, février-mai 2021) ou encore la création par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion d’une mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la reconnaissance des métiers de la deuxième ligne (2020-2021, rapport remis en décembre 2021), la crise sanitaire a encouragé des recherches, tant à l’échelon international (BIT, 2023) que national (Amossé et al., 2021), sur les métiers qui y ont poursuivi leur activité au risque de leur santé. Les analyses retiennent des périmètres différents, incluant l’ensemble des métiers « essentiels », ou se concentrant sur les seules « secondes lignes », qui apparaissent également comme des « invisibles » (Maillard, 2021). Elles portent sur le contexte de la crise sanitaire, mais également sur les conditions de travail et d’emploi dans ces métiers essentiels (hors pandémie). Elles montrent que ces professions, importantes qualitativement et quantitativement et, pour la plupart, peu valorisées, connaissent des conditions de travail et d’emploi difficiles, qui jouent notamment sur les fins de carrière.

Un tiers de l’emploi en France 

Selon le BIT, les métiers « essentiels » ou métiers-clés se situent au croisement de deux critères : ils s’exercent dans des secteurs dont l’activité ne peut être interrompue même en cas de crise grave, et ils ne sont pas télétravaillables (BIT, 2023). Les secteurs retenus comme essentiels (60 % des emplois) sont les suivants : l’agriculture, les matières premières, l’industrie, l’énergie, l’eau, le traitement des déchets, les transports, la réparation de véhicules, l’information et la communication, la finance, les activités scientifiques et techniques, l’administration, la santé et le social. Les métiers non télétravaillables (50 % de l’emploi) incluent les travailleurs du système alimentaire, de la santé, du commerce, de la sécurité, du nettoyage, des transports, des travailleurs manuels et employés des services.

En France, pendant la crise sanitaire, deux autres catégories ont été proposées, qui sont proches sans tout à fait recouper la définition retenue au niveau international : les métiers « de première ligne » et de « deuxième ligne ». Dans les deux cas, il s’agit également de métiers non télétravaillables, dont l’activité s’est poursuivie sur site pendant les périodes de confinement. Le second critère implicite est un critère d’exposition à un risque de contamination, direct du fait de contacts avec les malades, ou indirect du fait du maintien de contacts sociaux au travail dans une phase de « distanciation sociale ». La distinction entre les deux « lignes » ne repose pas sur un critère objectif, mais sur le discours du Président de la République (voir introduction). 

En suivant la définition du BIT (qui croise les deux critères d’une profession non télétravaillable, qui est exercée dans un secteur essentiel), les travailleurs et travailleuses essentielles représentent 7,7 millions de salariés en 2021 en France, soit 32 % de l’emploi. Si l’on reprend les catégories utilisées pendant la crise sanitaire, ces travailleurs essentiels sont composés pour un tiers de « premières lignes » (métiers de la santé et de la sécurité, 10 % de l’ensemble des emplois) et pour deux tiers de « deuxièmes lignes » (22 % de l’ensemble). Parmi les travailleurs essentiels, les soignants représentent la catégorie de loin la plus importante (2 millions de salariés), suivis par les travailleurs manuels (1,7 million), les employés du nettoyage (870 000), du commerce (840 000), les techniciens, employés de bureau, services personnels (780 000), les personnels des transports (760 000). Les emplois de la sécurité et de l’agriculture/alimentation représentent des effectifs plus faibles, inférieurs à 2 % de l’emploi total. Au total, 22 % des emplois essentiels se trouvent dans la fonction publique : cette proportion est proche de celle observée dans l’ensemble de la population en emploi, mais elle est nettement plus élevée pour les premières lignes (44 %) que pour les deuxièmes lignes (11 %), ce qui renvoie à l’importance du secteur public dans la santé et la sécurité.

Tableau 1 : Les emplois des salariés essentiels


Champ : personnes en emploi salariés (au sens du BIT). Source : enquête Emploi 2021, Insee. 

En termes de genre, les travailleurs essentiels se situent globalement dans la moyenne, avec 51 % de femmes, mais les situations sont extrêmement diverses entre première et deuxième lignes, et d’une profession à l’autre : en première ligne, où elles occupent les trois quarts des emplois, les femmes sont très nettement surreprésentées dans les métiers de la santé (85 %) alors qu’elles sont symétriquement très minoritaires dans ceux de la sécurité (17 %) ; en seconde ligne, où elles ne représentent que quatre emplois sur dix, elles ne sont majoritaires que dans le nettoyage (74 %). Les travailleurs essentiels sont un peu plus jeunes que la moyenne des salariés (23 % de moins de 30 ans, contre 20 %), avec toutefois là encore une diversité de situations selon les professions : ils sont notamment plus jeunes dans l’alimentation, le commerce et le travail manuel et plus âgés dans le nettoyage et la sécurité.

En moyenne, qu’ils soient de la première ou de la deuxième ligne, leurs origines géographiques et trajectoires migratoires ne diffèrent pas significativement de celles de l’ensemble des salariés : 11 % sont immigrés et 9 % ont un parent immigré. Si la proportion d’enfants d’immigrés est particulièrement homogène selon la profession, la présence d’immigrés varie davantage : le nettoyage (24 %) et la sécurité (16 %) se distinguent une nouvelle fois, à l’opposé de la santé (7 %).
Dans les métiers du nettoyage, la proportion d’immigrés tend à s’accroitre depuis le début des années 2000, avec une modification de la structure par origine marquée par un recul de l’Union Européenne à 15 et du Maghreb et un accroissement de l’Afrique subsaharienne (Desjoncqères, 2019). .Point commun largement partagé, les travailleurs essentiels sont nettement moins diplômés (25 % ont un diplôme du supérieur, contre 45 % pour la moyenne des salariés). Ce faible niveau d’éducation est principalement lié aux métiers de seconde ligne, pour lesquels la part de diplômés du supérieur n’est que de 17 % (5 % pour le nettoyage et 7 % pour les employés des transports), contre 42 % pour les premières lignes.

Graphique : Des salariés essentiels moins diplômés

Champ : personnes en emploi salariés (au sens du BIT). Source : enquête Emploi 2021, Insee.

En termes de qualité de l’emploi, l’enquête Emploi de l’Insee permet d’appréhender certaines caractéristiques des emplois essentiels en matière de salaires, de conditions d’emploi (type de contrat, ancienneté), de temps de travail (temps partiel, sous-emploi) et d’organisation des horaires. L’analyse met en évidence un déficit global de qualité des emplois essentiels, et en particulier des emplois de deuxième ligne. Les principales caractéristiques de ces conditions d’emploi des salariés des professions essentielles en 2021 sont résumées dans le tableau 2.

Tableau 2 : Contrats, horaires et salaires des salariés essentiels


* avoir télétravaillé au cours des 4 dernières semaines ; ** avoir des horaires alternants (brigades, équipes) / variables d’une semaine à l’autre ; *** avoir travaillé le soir, la nuit, le samedi ou le dimanche au moins la moitié des jours au cours des 4 dernières semaines ; **** salaire moyen pour les salariés à temps complet. Champ : personnes en emploi salariés (au sens du BIT).

Source : enquête Emploi 2021, Insee.

Les emplois essentiels apparaissent plus précaires, avec une part de contrats courts légèrement supérieure à la moyenne des salariés (17,6 % contre 16,2 %), l’écart étant plus net pour les deuxièmes lignes (19,6 %). Cette proportion dépasse un tiers pour les salariés de l’agriculture et de l’alimentation. De plus, l’ancienneté dans l’entreprise, ou la fonction publique, est en moyenne plus faible pour ces emplois : 19,6 % de salariés essentiels travaillent pour le même employeur depuis moins d’un an, contre 17,3 % pour l’ensemble des salariés. Une faible ancienneté est particulièrement fréquente pour les emplois du commerce (27,1 %) ou du nettoyage (20,8 %).

Le temps partiel est plus répandu dans les emplois essentiels (22 % contre 17,9 %), en particulier dans les métiers de la santé (28,8 %), du commerce (30,8 %) et surtout du nettoyage (52,8 %). Il s’accompagne souvent de sous-emploi (c’est-à-dire du souhait de travailler davantage), comme dans le commerce (12,2 % des salariés) ou dans le nettoyage (23,8 %). On note que le sous-emploi est peu fréquent dans les métiers de la santé, alors que la proportion de temps partiel y est élevée, indiquant un temps partiel plus souvent « choisi » (même si ce terme doit être relativisé, le temps partiel pouvant également être lié à des contraintes personnelles et/ou à des difficultés de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, particulièrement importantes pour les soignants).

Les métiers « essentiels » apparaissent clairement défavorisés en matière de salaires, avec un salaire mensuel net à temps plein de 1 799 euros en moyenne en 2021 (contre 2 188 pour l’ensemble des salariés, soit un différentiel de 18 %). Cette faiblesse des salaires est particulièrement marquée pour les deuxièmes lignes (1 689 euros en moyenne), et en particulier pour les emplois de l’agriculture, du commerce et du nettoyage, où les salaires moyens sont inférieurs à 1 500 euros mensuels.

Enfin, ces métiers essentiels subissent des contraintes particulières en matière d’horaires de travail. Les horaires alternants, variables et surtout atypiques (soirée, nuit, week-end) sont plus fréquents que pour la moyenne des salariés (respectivement 12,7 %, 28,3 %, 41,7 % des salariés contre 6,6 %, 21 % et 27,4 %), même si l’hétérogénéité entre les métiers apparaît forte. Ainsi, les horaires atypiques concernent 59 % des salariés de la sécurité et 79,2 % de ceux du commerce, contre 19,9 % des salariés de l’agriculture et de l’alimentation. Comme attendu compte tenu de la définition de ces emplois, a priori non télétravaillables, le télétravail est très peu répandu, ne concernant que 3,4 % des salariés, contre 22,9 % pour l’ensemble.

À l’échelon international, les travaux du BIT confirment des conditions de travail et d’emploi difficiles, reflétant une sous-évaluation de ces métiers (BIT, 2023). Ils soulignent des salaires faibles (26 % plus faibles que les autres salariés, avec 29 % de bas salaires), des horaires de travail irréguliers et souvent longs (notamment dans les transports), des contrats temporaires très répandus (notamment dans les métiers de l’alimentaire). Le BIT souligne également les difficultés d’accès aux droits sociaux, qu’il s’agisse du droit à la formation, à la représentation et au dialogue social, ou bien de la protection sociale et de l’assurance-maladie dans les pays à faibles et moyens revenus.

Les métiers essentiels pendant la crise sanitaire : entre risques de contamination et sens du travail accrus

Pendant la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19, les travailleurs de la deuxième ligne ont été plus exposés que d’autres aux contaminations et à la mortalité du fait de leur plus forte présence sur site et de la nature de leur activité, qui engendre des contacts fréquents avec du public, des clients ou entre collègues. En France, selon l’enquête TraCov menée par la DARES en 2021 sur le vécu du travail depuis le début de la crise sanitaire, les familles professionnelles les plus touchées par la pandémie et déclarant que leur contamination est liée au travail incluent les métiers de la santé, mais aussi les agents d’exploitation des transports, les agents de gardiennage et de sécurité, les caissiers et employés de libre-service, les agents de nettoyage (Coutrot et al., 2021). On peut noter que d’autres métiers à fort contacts, souvent passés en télétravail pendant le premier confinement, apparaissent également très touchés, comme les enseignants ou les professionnels de l’action sociale.

Quel que soit le métier, l’enquête TravCov montre que des facteurs tels que l’intensité du travail et les risques psychosociaux (tensions avec le public, manque de soutien du supérieur, etc.) sont également susceptibles d’entraver le respect des consignes de prévention et de distanciation et donc d’accroître les risques de contamination pour ces travailleurs (Coutrot et al., 2021).

Cependant, selon le BIT, le lien entre exposition au risque de contamination et mortalité n’est pas direct, et des facteurs liés au contexte des entreprises et aux politiques de prévention jouent. Ainsi, la mortalité a été plus importante au niveau mondial pour les travailleurs des transports que pour les métiers de la santé, ces derniers ayant davantage eu recours aux équipements de protection, dans des contextes organisationnels marqués par une plus forte présence du dialogue social (BIT, 2023).

Par ailleurs, selon l’enquête TraCov, pendant la période de la crise sanitaire, l’ensemble des métiers essentiels se sont distingués par un renforcement du sens donné à leur travail (alors même qu’il est déjà élevé dans la plupart de ces métiers) et, pour certains d’entre eux comme les métiers de la sécurité et de la santé, par une intensité accrue (Do et al., 2022).

Des fins de carrière difficiles : l’exemple des deuxièmes lignes

Comme le montrent les résultats présentés ci-dessus, le déficit de reconnaissance du travail semble particulièrement marqué pour les « deuxièmes lignes ». Ce constat confirme celui obtenu par les travaux menés dans le cadre de la mission pour la reconnaissance des travailleurs de la seconde ligne, qui mettaient en avant quatre types de difficultés principales (Amossé et al., 2021) : des conditions d’emploi précaires, marquées par une forte part de contrats à durée déterminée ou d’intérim, et des salaires faibles ; des conditions de travail plus difficiles que les autres salariés du privé, avec des accidents du travail et des maladies professionnelles plus fréquents, en lien avec des pénibilités physiques ; de fortes contraintes horaires ; des trajectoires professionnelles globalement moins favorables que celles des autres salariés, marquées par des phases de chômage et par des probabilités plus faibles de promotion s’articulant avec une faiblesse de l’accès à la formation.

Compte tenu des conditions de travail et d’emploi observées, des difficultés en fin de carrière sont prévisibles, et elles sont largement anticipées par les salariés de la deuxième ligne : selon l’enquête Conditions de travail de 2019, seulement 50 % d’entre eux se sentent capables de poursuivre le même travail jusqu’à la retraite (contre 56 % de l’ensemble des salariés), et cette proportion est inférieure à 40 % pour certains métiers (ouvriers, caissières, etc.) (Amossé et al., 2021).

Une analyse centrée sur les fins de carrière dans les métiers de la deuxième ligne complète cette perception et fait ressortir deux faits marquants (Amossé et Erhel, 2023). Tout d’abord, par rapport à l’ensemble des salariés du privé, les salariés de la deuxième ligne sont plus nombreux à n’être ni en emploi ni à la retraite (26 % des 50-64 ans contre 15 % dans les autres métiers), avec le risque élevé de pauvreté qu’une telle situation comporte : selon la DREES, un tiers des 53 à 69 ans ni en emploi ni en retraite vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2015 (D’Isanto et al., 2018). Les seniors des métiers de la deuxième ligne sont un peu plus fréquemment au chômage que les autres salariés (5,7 % contre 3,7 %). Surtout, ils comptent une plus grande proportion d’invalidité (8,6 % contre 4 %) et, plus largement, d’inactivité (20 % contre 11,2 %,) du fait de diverses difficultés. Certains métiers sont particulièrement touchés par ce phénomène, y compris après 60 ans (ouvriers non qualifiés du bâtiment, des IAA, caissières et vendeurs de produits alimentaires, agents de propreté). La difficulté du maintien en emploi pour de nombreux travailleurs de la deuxième ligne est confirmée par plusieurs analyses : parmi les vingt métiers ayant la part la plus élevée de sortie précoce du marché du travail, figurent les ouvriers du bâtiment et des travaux publics, les aides à domicile, les caissières, les agents d'entretien, les maraîchers, jardiniers, viticulteurs (Flamand, 2023).

Ensuite, il se confirme que l’écart de salaire médian entre les deuxièmes lignes et les autres salariés augmente avec l’âge et ce, même dans le cas d’un emploi à temps complet : il est de 578 euros pour les 50-54 ans et de 900 euros pour les 60-64 ans (Amossé, Erhel, 2023). Les séniors de la deuxième ligne qui restent en emploi ont des niveaux de salaires faibles, particulièrement les aides à domicile et aides ménagères, les agents d’entretien, les caissiers et vendeurs en produits alimentaires, ce qui pose de manière très nette la question de leur reconnaissance salariale au fil des carrières.

La crise sanitaire a révélé l’importance d’appréhender les conditions de travail et d’emploi par métier. Elle a mis en évidence le décalage entre ces conditions et l’utilité sociale de certains d’entre eux. Les recherches menées sur ce sujet le confirment en France comme dans d’autres pays, particulièrement pour les métiers de la deuxième ligne. Ces professions subissent de faibles niveaux de rémunération, des carrières peu favorables, de fortes contraintes, physiques ou horaires. Les mesures prises depuis pour améliorer la situation demeurent très limitées, l’appel au dialogue social dans les branches professionnelles n’ayant abouti qu’à des améliorations ponctuelles et faibles des grilles salariales et à des réflexions sur les horaires. Pourtant, les leviers ne manquent pas, qu’ils ressortent du dialogue social (grilles salariales, organisation des horaires, prévention en matière de santé au travail, etc.) ou des politiques publiques (salaire minimum, formation continue et soutien à la mobilité professionnelle, fixation de standards de qualité de l’emploi pour les marchés publics et pour l’accès à certaines subventions ou exonérations, etc.). Si la réorientation des politiques du travail et de l’emploi vers une plus forte régulation semble peu probable à court terme, l’accroissement des difficultés de recrutement et l’amélioration de la situation du marché du travail peuvent conduire à mettre en avant ces enjeux de qualité de l’emploi pour des métiers souvent en déficit d’attractivité.

Bibliographie : 

AMOSSE Thomas, BEATRIZ Mikael, ERHEL Christine, KOUBI Malik et MAUROUX Amélie (2021), « Les métiers “de deuxième ligne” de la crise du Covid-19 : quelles conditions de travail et d’emploi dans le secteur privé ? », rapport d’études DARES, 246.

AMOSSE Thomas et ERHEL Christine (2023), « Les fins de carrières des seniors de la deuxième ligne », Working Paper, février.

BIT (2023), The Value of Essential Work. World Employment and Social Outlook 2023, Genève, BIT.

COUTROT Thomas, BEATRIZ Mikael, BEQUE Maryline, DUVAL Marion, ERB Louis, INAN Ceren, MAUROUX Amélie et ROSANKIS Élodie (2021), « Quels sont l’ampleur et les facteurs de la contamination des travailleurs au Covid-19 ? », DARES analyses, 29.

DESJONQUERES A. (2019), « Les métiers du nettoyage : quels types d’emploi, quelles conditions de travail ? », Dares Analyses n° 43.

D’ISANTO Aurélien, HANANEL Jérôme, MUSIEDLAK Yoann (2018), « Un tiers des seniors sans emploi ni retraite vivent en dessous du seuil de pauvreté », Études et résultats DREES, n° 1079.

DO Tiphaine, BEATRIZ Mikael, BEQUE Marilyne, COUTROT Thomas, DUVAL Marion, ERB Louis, INAN Ceren et ROSANKIS Élodie (2022), « Les conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de travail selon les métiers », INSEE références. Emploi, chômage, revenus du travail, p. 52-60.

ERHEL Christine et MOREAU-FOLLENFANT Sophie (2021), « Rapport de la mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la démarche de la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne », Ministère du Travail et des Affaires sociales, décembre.

FLAMAND Jean (2023), « Fin de carrière des seniors : quelles spécificités selon les métiers ? », note d’analyse France Stratégie, 121.

MAILLARD Denis (2021), Indispensables mais invisibles ? Reconnaître les travailleurs en première ligne, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.


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