Les municipalités en Afrique du Sud : une autonomisation à polarisation variable

Ivan Crouzel

93
2003-04-01

En Afrique du Sud, la transition négociée qui vise à la construction d’un ordre politique postapartheid a conduit à une transformation radicale de l’Etat. Un enjeu central de cette refondation était relatif à la forme territoriale du nouvel Etat. Les négociations constitutionnelles se sont traduites par la production d’un système hybride de type fédéral qui consacre un renforcement marqué de la sphère du gouvernement local, notamment pour en faire un contrepoids aux neuf provinces. Dans le même temps, un mode plus fluide de relations intergouvernementales a été introduit avec le principe du « gouvernement coopératif ». En rupture avec le système centralisé de l’apartheid, le gouvernement local est consolidé par un nouveau statut constitutionnel, qui lui garantit notamment une « part équitable » du revenu national. Il permet également la représentation des municipalités au niveau central à travers une organisation nationale du gouvernement local qui participe à différentes structures de relations intergouvernementales. Le nouvel espace d’autonomisation ainsi accordé au gouvernement local se heurte cependant à la pratique centralisatrice des relations intergouvernementales. Dans le contexte sud-africain, le gouvernement coopératif se révèle être un vecteur de consolidation du pouvoir national. Cette logique est également accentuée par la configuration du système de parti sud-africain. La position dominante de l’ANC à tous les échelons de gouvernement a ainsi un impact centralisateur sur la gestion des relations centre-périphérie. Pourtant, cette dynamique résulte en partie d’une centralisation « par défaut » liée à la faiblesse institutionnelle des gouvernements sub-nationaux. L’utilisation par les municipalités de leur nouvel espace constitutionnel dépend donc étroitement des capacités dont elles disposent, traduisant ainsi une dynamique d’autonomisation asymétrique. Faute de ressources propres, les municipalités rurales demeurent fortement dépendantes du gouvernement central. Au contraire, les métropoles parviennent à renforcer leur pouvoir et à se positionner en concurrentes de certaines provinces, devenant des acteurs centraux des relations intergouvernementales.

Fichier(s) attaché(s)Poids
Etude_93.pdf184.27 Ko
Retour en haut de page