Les étudiants asiatiques-américains contre Harvard. Analyse des enjeux de l’action en justice contre les politiques d’inclusion raciale des universités aux États-Unis.

Alice Le Clézio et Tarik El Aktaa

12/03/2015

Dynamiques régionales et élections en Turquie : quels impacts dans les régions kurdes du Sud-Est du pays ? Yohanan BENHAIM Les élections législatives de juin et novembre 2015 ont été marquées par une impressionnante percée de la formation pro-kurde du Parti démocratique des peuples (HDP) en juin, puis par une reconquête électorale du Parti de la justice et du développement (AKP) en novembre. Au cours de l’été séparant ces deux scrutins, la guerre opposant l’armée turque au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a repris après la rupture du cessez-le-feu par ce dernier. Le PKK a justifié son attaque en accusant le gouvernement d’avoir été complice de l’attentat commis par l’Etat islamique contre de jeunes militants socialistes en route pour apporter de l’aide à la ville kurde syrienne de Kobané à Suruç le 22 juillet. Le gouvernement a alors saisi cette occasion pour reprendre sa lutte contre la guérilla et l’instrumentaliser à son avantage à travers une campagne électorale marquée par de forts relents nationalistes.

Cet attentat et ses conséquences ont ainsi mis en évidence les articulations existantes entre la scène politique turque et l’évolution de la situation en Syrie et en Irak. Les interdépendances entre la Turquie, l’Irak et la Syrie se sont développées avec le déclenchement du conflit syrien en 2011. Ce constat se vérifie particulièrement entre les espaces kurdes de ces trois pays. Du fait de la circulation des marchandises, des combattants et des idées dans la région, l’évolution de la situation dans l’un des pays tend à avoir des implications politiques chez ses deux voisins. Ces dynamiques transfrontalières entre les espaces kurdes des trois pays préexistaient au conflit syrien. Au cours des années 2000, elles ont connu un essor lié au développement des relations commerciales entre la Turquie et le Kurdistan d’Irak et au rapprochement entre Ankara et Damas. Cependant, on constate depuis le début du conflit syrien une intensification de ces circulations qui favorise un décloisonnement politique de ces régions entre elles. Ce phénomène est notamment observable entre les régions kurdes de Turquie et celles de Syrie, où le PKK, via sa branche syrienne du Parti de l’union démocratique (PYD), s’est imposé comme la principale autorité politique depuis le retrait des troupes du régime de Damas à l’été 2012.

Cette interdépendance croissante entre les scènes politiques à l’échelle régionale n’a pas eu les mêmes effets sur les élections en juin et en novembre 2015. En temps de paix, elle a participé, en juin, à la victoire du HDP tant dans les régions kurdes que dans les métropoles de l’Ouest, favorisant ainsi l’inscription du parti dans le cadre politique national turc. Cependant, la reprise des hostilités entre le PKK et le gouvernement d’Ankara tend à renforcer la polarisation politique en Turquie, alimentée par les dynamiques transfrontalières existant entre le Rojava1 et l’Est du pays. Les dynamiques d’interdépendances entre scènes politiques kurdes de Turquie2 et de Syrie, jouent alors tout comme la violence étatique un rôle d’accélérateur des logiques de différenciation politique des régions du Sud-Est turc vis-à-vis du reste du pays.

Bipolarisation du champ politique et influence croissante du contexte régional : les spécificités électorales du Sud-Est de la Turquie

Deux caractéristiques font la spécificité de la scène politique dans le Sud-est de la Turquie : sa bipolarisation entre l’AKP et les partis pro-kurde d’une part et sa sensibilité aux évolutions du contexte régional d’autre part. Aux élections de 1995, les résultats étaient dans cette partie de la Turquie similaires à ceux du reste du pays. Des formations du centre-droit tels que Parti de la mère patrie (ANAP) ou le Parti de la voie juste (DYP) ont recueilli alors la majorité de voix dans les régions de Mardin ou Şırnak. A partir de 1999, on assiste à un partage quasi-systématique du vote dans le Sud-Est entre l’AKP et les partis pro-kurdes successifs (HADEP, DTP, BDP), une tendance que les scrutins successifs (2002, 2007 et 2011) vont confirmer. En 2011, ces deux partis arrivent ainsi largement en tête ans dans les quatorze régions de l’Est et du Sud-Est de la Turquie et se disputent p

INTRODUCTION

À mesure que se dissipent les effets traumatisants du 11 septembre 2001, les États-Unis peuvent à nouveau se pencher sur l'évolution de leur modèle sociopolitique original, sur fond de crise économique et industrielle et de relatif déclin démographique. Une fois de plus, la question identitaire s’impose comme un enjeu central.

En 2014, les États-Unis ont ainsi été le théâtre de vives tensions raciales, ravivées par les violences policières qui ont coûté la vie à deux jeunes Afro-Américains, Eric Garner et Michael Brown, dans les États de New York et du Missouri. Ces incidents, survenus au cœur de l’été et à moins d’un mois d’intervalle, ont soulevé l’indignation et donné lieu à d’importantes manifestations populaires. Ce sont néanmoins les émeutes raciales du Missouri, mettant à feu la ville de Ferguson après l’acquittement du policier ayant tiré sur Michael Brown, qui ont révélé l’ampleur des tensions qui entachent les relations interraciales aux États-Unis.

L’année 2014 marquait également le cinquantième anniversaire du Civil Rights Act, un ensemble de lois adopté en 1964, sous la présidence de Lyndon B. Johnson, qui déclaraient illégale la discrimination raciale et protégeaient les droits des minorités, notamment ceux des Afro-Américains. Les tragiques événements de l’été se sont substitués à ce qui aurait dû être une célébration d’un des symboles de l’Amérique, son multiculturalisme, et ont éclipsé la proclamation du président Barack Obama du 30 juin dernier. Force est de constater, aujourd’hui, que le malaise identitaire américain est toujours aussi patent, ce qui est surprenant pour une nation dont la devise, E pluribus unum, célèbre l’unité dans la diversité.

Ces questions sont aujourd’hui d’autant plus pressantes que les projections démographiques du Bureau du recensement (U.S. Census Bureau) prévoient le renversement du rapport majorité blanche-minorités de couleur d’ici à 2060  : les minorités, qui représentaient 37 % de la population en 2012, en composeront près de 57 % à l’horizon 20603. Selon les chiffres de l’étude prospective du ministère de l’Éducation, Projections of Education Statistics to 2022, ce rapport se serait déjà inversé pour les inscriptions en école primaire de la rentrée 2014-2015, faisant passer, pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, la proportion d’élèves blancs au-dessous de la barre des 50 %4.

C’est dans ce contexte qu’un groupe d’étudiants asiatiques-américains réunis dans l’association Students for Fair Admissions (SFFA) a déposé une plainte contre l’Université de Harvard pour discrimination. Le collectif attaque l’université pour l’application de politiques discriminatoires dans la sélection des étudiants d’origine asiatique, une violation du titre VI du Civil Rights Act, et réclame l’abandon des politiques d’intégration des minorités (affirmative action) dans l’accès à l’enseignement supérieur. Selon Edward Blum, avocat et président de l’association, la plainte repose entre autres sur le constat qu’une proportion très réduite de candidats d’origine asiatique, en comparaison avec le nombre d’admissibles, a été autorisée à intégrer une des trois plus prestigieuses universités de la fameuse Ivy League, dont Harvard, entre 2008 et 2012. Pour appuyer l’argument de la plainte, les chiffres cités par la SFFA sur le taux d’inscription d’étudiants asiatiques font état d’un décalage important entre le nombre de postulants possédant les qualifications requises et le nombre  candidats sélectionnés5 : les étudiants asiatiques représenteraient la moitié des candidats possédant les meilleurs résultats au test d’aptitude SAT (score de 2 300 points ou plus sur 2 400), mais moins du cinquième du corps étudiant de Harvard. De plus, SFFA, sous l’égide de l’association Project on Fair Representation également présidée par Blum, attaque simultanément, mais cette fois pour violation du XIVe amendement de la Constitution, l’Université de North Carolina-Chapel Hill. Avocat militant, Edward Blum n’en est pas à son coup d’essai contre les politiques de promotion sociale fondées sur l’appartenance ethnique, et il ne fait aucun doute que ces plaintes sont envisagées par Blum et Project on Fair Representation comme une étape vers l’élimination définitive des politiques d’affirmative action aux États-Unis.

Ces actions en justice n’en demeurent pas moins une véritable remise en cause de la viabilité et de l’efficacité des politiques d’intégration des minorités, notamment dans l’enseignement supérieur. La plainte de la SFFA appelle ainsi à une nouvelle lecture du Civil Rights Act, mieux adaptée à la réalité sociale des États-Unis d’aujourd’hui. Il nous a paru nécessaire de revenir aux sources des grands bouleversements intervenus dans les années 1960, en particulier l’adoption du Civil Rights Act, la mise en place de l’affirmative action et leurs conséquences. Ceci nous permettra de souligner la nature politique des changements dans la composition de la population américaine, notamment dans les forces armées et l’enseignement supérieur, et de mettre en lumière une crise profonde de l’identité américaine. Enfin, l’étude du cas brésilien viendra confirmer que s’il témoigne d’un essoufflement du modèle américain, le problème de l’intégration des minorités existe dans de nombreux pays.

I. L'affirmative action aux États-Unis : de la réparation historique à la diversité « utile »

Dans les années 1960, la mise en place de l’affirmative action aux États-Unis, la politique de discrimination positive fédérale, marque un tournant dans l’histoire politique du pays. Dans le but de reconnaître et rectifier les abus et les exactions commis à l’encontre des Afro-Américains, des Amérindiens et des minorités en général, le président John F. Kennedy signe, en mars 1961, un décret qui ordonne la prise de mesures pratiques, autrement dit une « action affirmative » volontaire, pour éliminer les discriminations dans l’emploi et l’éducation. Ce décret présidentiel impose à tous les récipiendaires de financements fédéraux un « traitement juste » des candidats à l’embauche, sans considération de leur couleur ou de leur origine nationale. Un nouveau comité pour l’égalité des chances dans l’emploi, le Presidential Committee on Equal Employment Opportunity, est, par ce décret, chargé d’élaborer et de mettre en œuvre la lutte contre la discrimination et la ségrégation dans la fonction publique et l’éducation. Ce texte présidentiel, qui contient peu de directives immédiatement applicables, entraînera la mise en place d'une série de mesures juridiques et politiques progressistes, symboles forts qui mettront un terme définitif et à l’ère Jim Crow de la ségrégation et du racisme institutionnalisé. Amorcé au sortir de la Seconde Guerre mondiale, précipité par la guerre du Vietnam et le mouvement pour les droits civiques, le changement social qui s’ancre dans le droit par l’adoption du Civil Rights Act en 1964 et du Voting Rights Act en 1965 fait entrer la société américaine dans la modernité.
Cet élan est inspiré tout d’abord par la conquête de la New Frontier (Nouvelle frontière) de John F. Kennedy, puis consacré dans le projet de Great Society (Grande société) de Lyndon B. Johnson. Cependant, ce progrès se fait au prix de grandes tensions au sein de la population américaine ; au cœur des turbulences créées par la guerre du Vietnam, se joue la reconnaissance d’une importante partie de l’histoire du pays comme de sa population.

Ces problèmes s’expliquent en partie par le système politique américain lui-même, qui repose sur une architecture mixte permettant de prendre en compte les dynamiques à l'oeuvre au sein de l'Union, objectif des Pères fondateurs qui souhaitaient garantir les principes de liberté et d’égalité. À la fois précis et vague, le texte fondateur la Constitution des États-Unis est, à certains égards, d’une grande ambiguïté politique Jusqu’en 1965, il laissait l’appréciation des questions de droits civiques à chaque État. En ce sens, les actes de 1964 et 1965 peuvent être interprétés comme une lecture corrective du texte fondateur, dans le sens d’une plus grande justice et d’une stabilité de l’ordre social américain plus sûre. Résolvant certaines questions fondamentales contradictoires, désuètes, voire honteuses aux yeux des élites libérales du pays, le Civil Rights Act et le Voting Rights Act faisaient, en matière de droits civiques, glisser le pouvoir des États fédérés vers Washington D.C.. Ainsi, ils consolidaient le pouvoir de l’État fédéral face aux pouvoirs centripètes, mais ils reflétaient surtout la transformation à grande échelle de la structure démographique du pays entre le début de la crise de 1929 et les esquisses de centralisation administrative liées à la Seconde Guerre mondiale. L’effort de guerre ayant profondément transformé les infrastructures économiques américaines et ayant permis au pays d’accéder à la prospérité qu’il a connue entre 1945 et 1965, il était grand temps de mettre ce système à jour, dans une perspective résolument libérale. C’est d’ailleurs au sein des forces armées que les premiers changements se sont opérés. Lorsque le président Harry S. Truman met un terme à la ségrégation dans les rangs des militaires en 19486, il ouvre la voie à la déségrégation de l’ensemble de la société américaine. Six ans plus tard, en 1954, le fameux jugement de Brown vs Board of Education entérine cette tendance de long terme dans l’éducation. Au fondement de ces politiques « d’inclusion raciale » se trouve une forme de justice réparatrice, qui viendrait corriger les discriminations commises à l’encontre des minorités en éliminant les handicaps sociaux pour favoriser l’égalité des chances.

L’adoption du Civil Rights Act et du Voting Rights Act défère de facto à la justice le pouvoir d’appréciation et de réglementation en matière de discrimination, et transforme la Cour suprême, garante de la constitutionnalité des politiques, en gardienne de l’égalité des chances. Adossées à la plus haute instance judiciaire, les politiques d’affirmative action ont ainsi été rapidement mises en œuvre. Initialement conçues comme des mesures temporaires destinées à rétablir l’équilibre au sein de la société civile, elles sont progressivement devenues indispensables, en vertu du nouvel « idéal » de diversité américain. Appliquées avec des mesures et des résultats variables dans les domaines de la fonction publique, l’éducation ou dans le secteur privé, les politiques d’affirmative action ont néanmoins consolidé l’idée d’une nation diverse. Pour Daniel N. Lipson, ce processus témoigne d’un glissement de l’affirmative action en tant que politique ancrée dans les droits civiques vers l’institutionnalisation de la diversité, qu’il qualifie de « diversité utilitariste » lorsqu’elle n’est pratiquée qu’à des fins d’optimisation des performances (meilleure image de l’entreprise, conquête de nouveaux marchés, obtention de financements, etc.)7. Cette évolution de la discrimination positive vers la diversité nécessaire, amorcée dans les années 1980-1990, au moment où les tensions existant au sein de la population et les émeutes raciales s’intensifient de nouveau, vient placer les questions de gestion de la diversité au cœur des débats sur l’égalité. 

Dans l’enseignement supérieur, les enjeux des politiques d’inclusion raciale sont d’autant plus importants que la mobilité sociale des populations minoritaires est faible, notamment parmi les Afro-Américains. Pour les défenseurs d’une affirmative action fondée sur le Civil Rights Act, il est impératif d’offrir des possibilités jusqu’ici refusées à certains segments de la population, quitte à pratiquer une discrimination inversée. Tout en interdisant l’usage de quotas pour les inscriptions universitaires, la décision de justice Bakke vs Regents of the University of California de 1978 confirme que l’appartenance à un groupe minoritaire peut constituer un critère de sélection. Ce verdict met en évidence l’aspect le plus discutable de l’affirmative action, la colorblindness, qui bute sur la « visibilité » de la couleur de peau. Au-delà des intérêts légitimement défendus par chacune des parties, leur opposition est avant tout fondée sur l’interprétation divergente des dispositions légales constitutives du Civil Rights Act de 1964. Pour ses partisans, l’affirmative action est une condition nécessaire pour « corriger » l’inégalité des chances dans l’accès aux études, à l’emploi et à la sécurité, un préalable à la réalisation de l’égalité entre tous les Américains. Pour ceux qui s'y opposent, la discrimination positive est intrinsèquement contraire aux principes énoncés dans le Civil Rights Act et annihile, par sa simple existence, la raison d’être de ce nouveau corpus législatif.

La mise en œuvre des politiques d’affirmative action pour la sélection de candidats à l’inscription dans les établissements d’éducation supérieure se révèle être considérablement plus compliquée dès lors qu’est évoquée la notion de mérite. Difficilement quantifiable, cette notion est pourtant avancée par les administrations des universités pour justifier leur choix des étudiants qu’ils recrutent. Au-delà de l’utilisation, également controversée8, de tests d’aptitudes standardisés comme le SAT Reasoning Test, les processus de sélection des candidats à l’inscription des plus illustres universités – à quelques exceptions près, comme l’Université de Californie Los Angeles (UCLA) – demeurent très opaques. Il n’est donc pas surprenant que les plus vives critiques contre l’affirmative action soient émises à l’encontre de son application dans l’accès aux études supérieures.

L’action de SFFA contre Harvard n’est de fait pas la première affaire de ce genre. Des plaintes avaient déjà été déposées contre l’Université du Michigan, en 2000 et en 2001 (Gratz vs Bollinger et Grutter vs Bollinger), et depuis l’adoption en 1996 par référendum de la Proposition 209 en Californie, sept autres États (Washington, Floride, Michigan, Nebraska, Arizona, New Hampshire et Oklahoma) ont interdit l’application des politiques d’affirmative action9. En 2013, dans le Michigan de nouveau, à la suite des affaires Gratz vs Bollinger et Grutter vs Bollinger, une plainte remettant en cause l’application des politiques de discrimination positive dans l’inscription à l’université est déposée devant la Cour suprême dans l’affaire Schuette vs Coalition to Defend Affirmative Action. Le jugement d’avril 2014, rendu à six contre deux par la Cour d’appel du 6e Circuit (U.S. Court of Appeals for the 6th Circuit), entérine le vote de la Proposition 2 datant de 2006 et soutient la légalité de l’interdiction des politiques d’affirmative action dans l’État du Michigan, établissant ainsi une jurisprudence. Les déclarations divergentes des juges lors de cette affaire soulignent la complexité de l’application des politiques d’inclusion des minorités. D’un côté, le juge Anthony Kennedy, décrivant l'opinion majoritaire au sein de la Cour suprême (six des neuf juges de l'instance se sont prononcés in favor), insiste sur le fait que la question centrale dans cette affaire n’est pas la légitimité des politiques d’inclusion raciale mais l’autorité dont elles relèvent, tandis que la juge Sonia Sotomayor souligne que la protection des minorités contre les discriminations ne peut se limiter aux articles de la Constitution et que le maintien d’un système permettant d’assurer l’égalité des chances à tous les citoyens est aujourd’hui toujours nécessaire.

II. Minorités : les enjeux de la représentativité

Employé pour qualifier des catégories les moins nombreuses au sein de la population américaine, le terme de « minorité » ne permet pas, même dans sa forme plurielle, de rendre compte de l’extrême hétérogénéité ou du caractère évolutif de la diversité des populations qu’elle est censée décrire. À ce titre, le Bureau du recensement national doit régulièrement reconsidérer les catégories et les définitions utilisées pour évaluer et comprendre la démographie américaine. La distinction entre « race » et « groupe ethnique » rend la tâche d’autant plus difficile que celle-ci est l’objet de vives critiques, notamment de la part de la Commission américaine pour les droits civiques (U.S. Commission on Civil Rights) et de l’Association américaine d’anthropologie (American Anthropological Association Response to OMB Directive 15). Sont en premier lieu contestés les fondements idéologiques de la définition des groupes composant la population américaine, véritables aberrations du point de vue anthropologique : aujourd’hui, sociologues et historiens s’accordent sur le fait que les catégories raciales retenues par le  recensement sont une construction sociale entérinée par l’histoire, et que, de ce fait, elles occultent souvent la réalité sociologique du pays. En effet, les catégories raciales en usage aujourd’hui sont historiquement liées aux « races » identifiées au XIXe siècle par les promoteurs du darwinisme social. Même vidées de leur sens originel sciemment raciste et discriminant et utilisées pour réparer les exactions du passé, elles continuent de diviser plutôt que d’unir le peuple américain.

La dimension politique de cette catégorisation de la population apparaît de façon plus claire lorsqu’on observe l’utilisation des statistiques raciales et ethniques dans l’élaboration et le financement de programmes et de politiques publiques, ainsi que pour l’allocation de budgets fédéraux. Sur une réalité concrète, la répartition géographique des différents groupes minoritaires, se fixe une vision politique, celle du poids et du pouvoir que ces différents groupes ou communautés possèderaient. En témoignent les nombreuses affaires de découpages de circonscriptions électorales (gerrymandering) jugés inconstitutionnels, comme ce récemment en Virginie et en Floride.

En conséquence, la représentativité démographique et tout particulièrement la question de la diversité et de la représentativité ethnique et raciale sont régulièrement invoquées au cours des débats concernant la mise en œuvre de politiques publiques. Du reste, ces questions se sont posées de façon très concrète au sujet de la défense du pays au moment du passage d’une armée de conscription vers une armée de métier. Les problèmes de représentativité dans les rangs de l’armée, et surtout dans la hiérarchie, ont fait craindre que l'armée devienne une hollow army (force militaire vide ou appauvrie), soit une armée dans laquelle les officiers appartiendraient majoritairement à la catégorie dominante des Blancs et les minorités ethniques seraient concentrées aux postes et rangs subalternes. Ainsi, à partir de 1974, un an après la professionnalisation des forces armées, le Comité des forces armées du Sénat (Senate Committee on Armed Services) a réclamé au ministère de la Défense des données sur la composition démographique des forces armées afin d’en évaluer, entre autres, la proportion de membres de groupes minoritaires. Les chercheurs travaillant sur les relations civilo-militaires, notamment Morris Janowitz, affirment que la représentativité des forces armées est le garant du maintien des valeurs démocratiques du pays10 . Ce postulat repose tout d’abord sur le concept du citoyen-soldat comme modèle idéal de citoyenneté, mais aussi sur l’idée qu’une juste représentativité assure la cohésion sociale. Des nuances doivent toutefois être apportées à ces théories de la représentativité. Charles Moskos, David Segal et James Burk s’accordent sur le fait que la représentativité absolue n’est ni possible ni souhaitable, notamment parce qu’elle obligerait à sélectionner les candidats non plus en raison de leurs qualités ou compétences mais en fonction de leurs caractéristiques ethniques ou sociales. La recommandation est claire : l’institution militaire doit tendre à la représentativité sans pour autant ignorer la nécessité d’une sélection qualitative. Mais l’application d’une telle recommandation reste difficile à  mettre en place.

Concernant l’enseignement supérieur, l’étude de l’American Council on Education sur les minorités montre que, suivant la croissance démographique qui s’est naturellement accompagnée d’une augmentation du nombre d’inscriptions dans les universités, les institutions universitaires ont vu le nombre d’étudiants issus de groupes minoritaires croître bien plus rapidement que le nombre d’étudiants blancs (respectivement + 52 % et + 12 % entre 1997 et 2007). La diversité culturelle dans les établissements d’enseignement supérieur est donc en hausse, bien que la proportion de minorités dans ces institutions reste faible, avec 30 % d’étudiants non blancs. Cette diversité décline de façon spectaculaire à partir du troisième cycle ?, avec 20 % d’étudiants non blancs et seulement 17 % d’enseignants « de couleur »11.

Les efforts des universités pour diversifier leurs campus trouvent donc leur légitimité dans le projet d’affirmative action. Pourtant, l’argument invoqué pour justifier la sélection d’étudiants aux origines variées réside principalement dans les avantages de la multiculturalité : la diversité (culturelle, ethnique, socioéconomique, religieuse) constituerait une expérience qui participerait de la réussite scolaire et professionnelle ultérieure des étudiants. Il existe néanmoins peu d’études sur les effets de la diversité sur l’expérience éducative, et les résultats des recherches existantes ne permettent pas de confirmer cette hypothèse de manière irréfutable.
On peut toutefois noter celles réalisées par David W. Pitts12 et Paul D. Umbach13, qui analysent l’impact de la diversité, tant des étudiants que du corps enseignant, sur la réussite scolaire. Ces deux chercheurs obtiennent des résultats comparables : bien qu’aucun lien direct entre représentation et performance n’ait été mis en évidence, les analyses confirment que la diversité et la représentativité ont une importance non négligeable pour la réussite scolaire et professionnelle des étudiants, dans la mesure où elles les préparent à la multiculturalité de la société américaine. Doit-on en conclure que l’affirmative action dans l’enseignement supérieur est légitime ? qu’elle est efficace ? La réponse à cette question doit être nuancée, notamment à l’aune de récentes études sur les effets de l’interdiction de son interdiction dans certains États fédérés. L’étude de Peter Hinrichs14 montre que, dans ces derniers, les effets sur la composition démographique des universités ne sont pas significatifs, hormis dans les établissements les plus sélectifs. Les conclusions de Hinrichs soulèvent néanmoins la question de l’adéquation entre l’offre éducative à l’intention des minorités et les critères de sélection des universités. Plus encore que de campus multiculturels, les États-Unis ont besoin d’un enseignement secondaire efficace. Bien trop souvent dans les débats politiques sur les minorités, la question de la diversité culturelle évince celle de l’acquisition du capital social et économique. La qualité de l’éducation, l’accès à l’enseignement et les conséquences des disparités sur la réussite professionnelle constituent d’ailleurs le point central du rapport de l’Equity and Excellence Commission, organisme chargé en 2012 d’évaluer le système scolaire américain dans son ensemble. Ses conclusions confirment que le système éducatif n’est plus un facteur de promotion sociale et que les disparités dans la qualité de l’enseignement perpétuent les inégalités économiques et sociales.

III. Black is useful: l'affirmative action au Brésil

Afrique du Sud, Royaume-Uni, Inde, Chine, Malaisie... Les États-Unis sont loin d’être le seul pays à devoir composer avec une population hétérogène et des élites faiblement représentatives. Toutefois, les approches adoptées et les mesures mises en œuvre pour corriger les déséquilibres historiques et assurer une certaine cohésion sociale restent spécifiques à chaque pays. Si les États-Unis se refusent à toute politique de quotas ethniques ou raciaux, d’autres n’ont pas hésité à en faire la cheville ouvrière de leur action.

Nation multiculturelle et multicolore, le Brésil a été confronté dès sa fondation à la « question raciale » puis à celle de la stratification de sa société en fonction de la couleur de peau des deux cents millions d’individus qui la composent aujourd’hui. Dès juillet 1951, le président Getúlio Dorneles Vargas promulguait la loi dite Afonso Arinos qui prévoyait une peine de prison ferme allant de trois mois à un an et une forte amende pour toute personne refusant l’accès à son établissement de loisir, son lieu de tourisme ou son installation sportive à un client « en raison de sa race ou de sa couleur » (por preconceito de raça ou de cor). La même sanction s’appliquait en cas de discrimination dans l’accès à la fonction publique et dans la promotion au sein des forces armées.

Le Brésil ne s’est attelé à la question de la représentativité de ses élites qu’au milieu de la décennie 199015. Proposé en 1995 par le Groupe de travail interdisciplinaire mis en place l’année précédente par le président Fernando Henrique Cardoso, le principe de discrimination positive (discriminação positiva ou ação afirmativa) instituait un premier système de quotas qui visait à faciliter l’accès des plus défavorisés à l’enseignement supérieur, condition préalable, selon les conclusions du rapport rédigé par le Groupe, à leur meilleure intégration sociale. Selon le recensement de 2010, si les Noirs (negros ou pretos) et les Métis (pardos, morenos ou mulatos) constituent la moitié de la population brésilienne, ils ne représentent qu’un étudiant sur six. Mais 90% des analphabètes.

La politique de discrimination positive a pris toute son ampleur sous l’impulsion du président Luiz Inácio Lula da Silva (Lula). Ainsi, pour améliorer les chances des étudiants les moins favorisés de réussir le vestibular (examen qui conditionne l’entrée dans l’un des deux cents établissements supérieurs publics), les nouvelles dispositions légales prévoyaient la bonification des notes obtenues en fonction des revenus des familles des candidats et de la couleur de peau de ces derniers : plus celle-ci était foncée, plus on obtenait de points de bonus. La première difficulté réside dans la définition de l’appartenance ethnique, souvent limitée à la couleur de peau. Or deux individus qui partagent aujourd’hui une même carnation peuvent renvoyer à des histoires familiales radicalement différentes. Par ailleurs, bien que l’Institut brésilien des statistiques (IBGE) ne distingue pour sa part que cinq catégories pour désigner l’appartenance ethnique, on compte dans la langue brésilienne plus d’une centaine de mots pour la définir, au gré d’un camaïeu allant du lait à l’ébène, en passant par le moka et le caramel, la vanille et la cannelle. De plus, pour décrire une même teinte, les termes peuvent largement varier d’une région à l’autre. De la même façon, un terme peut évoquer des carnations très différentes selon qu’on se trouve à Manaus, Fortaleza ou Porto Alegre ou encore renvoyer à des origines ethniques bien distinctes. Ainsi, si les Brésiliens qui se définissent comme pardos (Métis) sont essentiellement d’ascendance africaine dans les régions du Sud et du Sud-Est, ils sont avant tout de souche amérindienne dans la région du Nord. La seconde difficulté réside dans la subjectivité de l’appartenance ethnique liée à son caractère déclaratif.

Dès lors que le système repose sur la perception que les individus ont de leur propre couleur de peau, toutes les distorsions sont possibles jusqu’à passer, aux yeux de tiers, pour d’authentiques abus. C’est ainsi qu’en février 2003, Diego Marlos Designe avait fait scandale : visiblement blanc (branco), ce jeune homme âgé de 21 ans s’était inscrit à son examen d’entrée en faculté de comptabilité à la prestigieuse Université de l’État de Rio de Janeiro (UERJ) comme Métis et n’avait dû son succès qu’à la politique des quotas raciaux nouvellement adoptée. Plutôt cocasse quand on constate qu’interrogés sur leur couleur de peau, la plupart des Brésiliens tendent à « s’éclaircir » de quelques carnations, en jonglant avec les adjectifs, souvent de bonne foi, toujours dans l’espoir de s’extraire de la condition à laquelle les renvoie le qualificatif « noir ». Pris de remords devant l’indignation générale que son cas avait suscitée, l’étudiant « daltonien » a fini par céder sa place. Il n’en demeure pas moins que l’affaire Designe a mis en évidence les limites d’une politique de discrimination positive fondée sur des critères ethniques et n’a pas manqué de remettre en question son opportunité. De la même façon, alors que l’IBGE utilise les termes « noir », « métis », « blanc », « jaune » et « indigène » depuis des décennies, la polémique autour de ces qualificatifs n’a éclaté qu’en 2002, lorsque l’Université de São Paulo (USP) a adopté cette nomenclature pour mettre en œuvre, à son échelle, la politique des quotas. Certains jugeaient ces catégories obsolètes dans un Brésil « terre de tous les métissages », d’autres s’offusquaient qu’on désigne les Noirs par le terme pretos plutôt que negros et qu’on se focalise, par là-même, sur leur couleur de peau plutôt que sur leur histoire. Ces débats sociologiques et sémantiques n’ont pas empêché les députés d’adopter, en novembre 2008, à une large majorité, de nouvelles dispositions légales réservant la moitié des places qu’offrent les quatre-vingt dix-huit universités fédérales et la centaine d’autres établissements supérieurs publics, aux lycéens ayant fait leur cursus dans des établissements publics, autrement dit à ceux issus des milieux les plus modestes, les familles plus aisées scolarisant leurs enfants dans des structures privées.

Successeur en octobre 2010 du président Lula, Dilma Rousseff s’est attelée à poursuivre la politique sociale menée au cours de la décennie passée. Si, pendant sa campagne électorale de 2010, la question raciale n’apparaît qu’en filigrane, sur fond – plus large – de lutte contre les inégalités, elle s’est très vite imposée dans la ligne d'action de la première femme élue à la tête du Brésil. Dès août 2012, une loi sur les quotas (lei de cotas) est entrée en vigueur et a imposé à l’ensemble des universités, instituts et centres de formation fédéraux d’affecter, progressivement et dans un délai de quatre ans, la moitié de leurs places aux étudiants issus de foyers dont les revenus mensuels étaient inférieurs à une fois et demie le salaire minimum. Outre les considérations pécuniaires, des quotas raciaux ont été retenus : la répartition des places entre Noirs, Métis et Amérindiens (índios ou indígenas) se ferait sur la base de la composition ethnique de l’État dans lequel se situe chaque établissement, telle que calculée par l’IBGE. Moins de deux ans plus tard, le 9 juin 2014, à quelques jours du début de la Coupe du monde de football et sur fond de grèves, de manifestations et d’émeutes dans les grandes villes du pays, Dilma Rousseff promulguait une nouvelle loi qui étendait la politique des quotas à l’administration, réservant aux Noirs et aux Métis un cinquième des places aux différents concours d’entrée dans la fonction publique.

Qu’elles soient fondées sur l’origine sociale, l’appartenance ethnique ou une pondération des deux, les mesures de discrimination positive prises au Brésil au cours des vingt dernières années ont toutes dû susciter ici une réserve prudente, là une opposition frontale. En effet, la promotion des uns (Noirs, Métis, Amérindiens, classes populaires) dans le but affiché d’en finir avec la faible mobilité sociale liée à la persistance de préjugés raciaux et à la cristallisation des représentations sociales, ne manque pas d’entraîner le déclassement des autres (Blancs, Jaunes, classes moyennes). Régulièrement saisis par des élèves blancs ayant échoué au vestibular, les tribunaux administratifs sont appelés à statuer sur des milliers de dossiers, dont quatre cents pour la seule UERJ, qui compte aujourd’hui un quart d’étudiants noirs ou métis, contre 2 % avant l’application des politiques de quotas. À ceux qui ont saisi la justice pour faire annuler l’application de ces politiques de quotas, les juges de la Cour suprême du Brésil (Supremo Tribunal Federal) ont opposé dans leur décision du 26 avril 2012, prise en session plénière et à l’unanimité, la constitutionnalité des différentes lois sur les quotas, considérant qu’elles visaient, sur le long terme, à honorer la « dette sociale » (dívida social) accumulée au terme de quatre siècles d’esclavage.
Le Brésil, plus grande nation esclavagiste du monde et pays qui s’est construit sur l’exploitation de la moitié des Africains déportés vers l’Amérique16, a également été le dernier État à avoir aboli cette forme d’asservissement (1888).

Conclusion

La plainte des étudiants contre Harvard révèle que les mécanismes organisant le traitement préférentiel des minorités ethniques (ou selon l’acception américaine « raciales ») possèdent une faible élasticité et par conséquent une efficacité limitée. À l’heure où les débats sur la naturalisation des immigrés clandestins font rage à la Chambre et au Sénat, force est de reconnaître que la temporalité réelle de cette transformation est le temps long.
Comme le remarquait dès 1997 le politiste Denis Lacorne, les politiques d’affirmative action, en dépit d’un bilan global positif, n’ont pas structurellement affecté le déséquilibre ancien et profond existant entre une « nation civique » fondée sur l’égalité des chances et une « nation ethnique » qui, de façon plus ou moins consciente, perpétue les inégalités. Dans La Crise de l’identité américaine, l’ouvrage fondateur des études françaises du multiculturalisme américain, il propose ainsi de considérer cette crise comme constitutive de l’identité « ethno-civique » américaine.
Le caractère « indécidable » de l’identité américaine repose sur une oscillation permanente entre l’un et le multiple, le civisme assimilationniste et égalitaire et la fragmentation ethnique, la défense des intérêts paroissiaux et l’inégalité sociale.

Bien plus que l’impuissance de l’affirmative action, les limites de « l’arithmétique raciale », mises au jour par la plainte déposée par la Students For Fair Admissions, soulignent la complexité historique et sociologique de la question et attirent notre attention sur l’évolution asymétrique des institutions et de la société américaines. En effet, comme le souligne Denis Lacorne, « l’affirmative action n’existerait pas si les lycées des grandes villes remplissaient correctement leur rôle d’éducateur et de formateur de citoyens » et que le système éducatif n’opposait plus « exigence méritocratique » et « ségrégation scolaire ».
À l’heure où l’on célèbre le demi siècle du Civil Rights Act, le défi que représente la contestation de l’affirmative action par SFFA pour l’Amérique peut être lu à la fois comme le signe de son essoufflement et comme un témoignage de la vitalité du modèle. Au-delà des paradoxes, il met en évidence la surprenante flexibilité du système américain et souligne que la justice sociale américaine est contestable, et peut donc être contestée, ce qui explique que la crise de l’identité américaine n’est, comme le conclut Denis Lacorne, jamais « fatale ».

BIBLIOGRAPHIE

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arfois la victoire au coude à coude comme à Muş ou Ağrı.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les dynamiques de mise en cohérence des scènes politiques régionales à la suite de l’éclatement de la guerre en Syrie. La mise en place de cantons autonomes par le PYD dans le nord de la Syrie à l’été 2012 et l’importance croissante du Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak à l’échelle régionale vont favoriser l’instrumentalisation politique par l’AKP et le HDP des enjeux régionaux sur la scène intérieure turque. Celle-ci se fait d’autant plus facilement que le PKK et le PDK s’opposent sur certains dossiers, et notamment en Syrie où ce dernier accuse le PYD d’avoir imposé un système hégémonique au détriment des autres partis politiques kurdes syriens. A quelques mois des élections municipales de mars 2014, le président du PDK Massoud Barzani était venu à Diyarbakır soutenir le processus de négociation rassemblant le gouvernement et le PKK lors d’un meeting organisé par l’AKP. A l’inverse, depuis la prise de contrôle des régions d’Afrin, de Kobané et de la Djézireh par le PYD en Syrie, le HDP et ses partisans se mobilisent contre la politique de blocus mise en place par le gouvernement turc à l’encontre de ces enclaves frontalières avec la Turquie.

La crise de Kobané à l’automne 2014 a constitué une étape essentielle dans ce processus de polarisation. La mobilisation du HDP dénonçant la passivité du gouvernement turc face au siège de la ville mis en place par l’Etat islamique, et l’attitude intransigeante du Président Erdoğan ont participé à la polarisation du débat public qui s’est traduit en octobre par de nombreuses violences faisant une quarantaine de morts dans le pays lors de manifestations opposant militants pro-PKK à la police et surtout à divers autres groupes politiques (nationalistes, militants AKP ou partisans de l’Etat islamique).

Les élections de juin 2015 : hégémonie régionale et stature nationale pour le HDP favorisées par un « effet Kobané » ?

Le résultat des élections de juin 2015 peut être lu à travers le prisme de ce contexte d’interdépendances politiques croissantes à l’échelle régionale. Selon des cadres et des candidats du HDP, la désapprobation d’un grand nombre d’électeurs face à la position du gouvernement turc durant la crise de Kobané a favorisé la victoire du parti dans les régions de kurdes de l’Est17. Dans ces régions marquées par le départ en nombre de jeunes gens au Rojava pour aider les Unités de protection du peuple (YPG), branche militaire du PYD, le HDP a fait du soutien aux Kurdes de Syrie l’un des arguments phares de sa campagne électorale. Cette présence symbolique du Rojava dans la campagne électorale s’est traduite dans les répertoires d’action du parti pro-kurde. Dans le cadre de la mobilisation électorale, les chansons produites par les YPG ou faisant référence au combat du Rojava ont été largement diffusées. Les drapeaux des YPJ (branche féminine des YPG), plus nombreux que ceux du HDP devant les bureaux du parti lors du discours de Selahattin Demirtaş après qu’un double attentat eut endeuillé le rassemblement le 5 juin à Diyarbakır18, est une autre illustration de ce phénomène.
Cette stratégie de mobilisation politique du HDP et les tensions pré-électorales semblent avoir joué contre l’AKP a vu ses scores chuter au profit d’une quasi-hégémonie du parti pro-kurde à l’Est du pays. Parmi les villes où la formation gouvernementale a connu une baisse importante du nombre de suffrages par rapport au scrutin de 2011, on trouve Urfa, Diyarbakır, Muş, où le HDP a gagné au contraire des voix. Cette dynamique se retrouve dans certaines sous-préfectures d’Ağrı, Van ou Kars. Dans les régions de l’Est et du Sud-Est, le HDP a partout augmenté ses résultats par rapport à 2011, devenant ainsi le parti majoritaire dans cette partie du pays. Dans huit des dix régions de l’Est et du Sud-Est où l’AKP devançait le HDP il y a quatre ans, la tendance s’est inversée au profit de ce dernier en juin 2015. Le HDP s’est aussi imposé dans des régions où d’autres partis que l’AKP étaient majoritaires en 2011 comme à Tünceli ou à Iğdır, respectivement remportées par le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste) et le MHP (Parti de l’action nationaliste, extrême droite) en 2011. Le HDP est donc parvenu à se renforcer dans ses bastions du Sud-Est, tout en développant son influence dans des régions périphériques à la sphère d’influence traditionnelle du nationalisme kurde, que ce soit dans les régions kurdes conservatrices ou dans le Nord-Est, à Kars et Ardahan, où il est devenu majoritaire.

La victoire du HDP en juin 2015 semble ainsi être le fruit d’une double dynamique : le renforcement du parti à la fois dans les régions kurdes et sur l’ensemble du territoire de Turquie19. Le parti a ainsi bénéficié du vote de nombreux électeurs des grandes métropoles de l’Ouest du pays comme à Izmir, ville à forte tradition kémaliste où il a remporté plus de suffrages qu’à Şırnak, qui est pourtant l’un des bastions du HDP. Il semblerait que dans certaines métropoles de l’Ouest aussi, l’importance du rejet de la politique gouvernementale en Syrie est à prendre en compte pour interpréter ces résultats. Alors que l’AKP voit le nombre de ses électeurs baisser dans presque toute la municipalité métropolitaine d’Istanbul, le HDP gagne au contraire des voix. Les quartiers touchés par les manifestations et les heurts occasionnés par la crise de Kobané en octobre 201420 sont ceux où cette tendance se manifeste avec le plus d’acuité. L’AKP augmente son nombre de voix dans seulement trois des douze quartiers touchés par les événements de Kobané alors que ces mêmes quartiers figurent parmi ceux où le HDP a enregistré sa progression la plus nette en nombre de voix à Istanbul.

La reprise du conflit entre l’armée et le PKK à l’origine de la reconquête électorale de l’AKP en novembre 2015

Après les élections de juin et la perte par l’AKP de sa majorité absolue au parlement, l’incapacité et le manque de volonté des différents partis politiques à former une coalition ont conduit le gouvernement à organiser des élections anticipées le 1er novembre suivant. Quelques semaines après le scrutin, un attentat perpétré par l’Etat islamique a eu lieu à Suruç ; le PKK, accusant l’Etat turc de complicité, assassina deux policiers turcs. La réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre : dans les jours suivants, Ankara a bombardé l’Etat islamique, mais aussi et surtout le PKK. La fin du mois de juillet 2015 marqua ainsi la fin du processus de paix entamé depuis mars 2013, et les opérations contre le PKK en Turquie et en Irak s’intensifièrent au cours des mois suivant.

Comment expliquer l’action du gouvernement turc alors que des accrochages similaires avaient déjà émaillé le processus de discussion entre Ankara et le PKK ? Il semblerait qu’une fois de plus la réponse se trouve autant en Syrie qu’en Turquie. En effet, dans les jours suivant les élections de juin 2015, les YPG ont pris la ville de Tal Abyad (Syrie) avec des forces liées à l’Armée syrienne libre (ASL), faisant ainsi la jonction entre les cantons de Kobané et du Djézireh, et assurant le long de la frontière turque une continuité territoriale sur plus de 400 km. Il est possible que le gouvernement ait aussi profité du conflit pour fragiliser l’assise électorale du HDP. Les attaques du PKK et les bombardements turcs contre les bases de ce dernier des deux côtés de la frontière avec l’Irak se sont intensifiés à partir d’août. Depuis Tünceli (Dersim) jusqu’à Hakkari, en passant par Lice, Diyarbakır, Şırnak, Cizre et Silopi se dessine durant l’automne une diagonale de violence, où les attaques du PKK sont nombreuses et qui se caractérise par l’importance des confrontations dans les secteurs urbains. Dans certains quartiers de ces villes, les insurrections menées par le YDG-H (Mouvement de la jeunesse patriotique révolutionnaire, mouvement urbain de jeunesse proche du PKK) puis, depuis décembre 2015, par les YPS (Unités de Protection Civiles, issues des YDG-H) bénéficient souvent de l’expérience et de l’encadrement de combattants plus expérimentés circulant entre le Rojava et la Turquie. En réponse, on observe un retour de facto à une situation d’état d’urgence à l’Est. Ainsi, d’août 2015 à février 2016, près de dix-neuf villes de sept régions (Diyarbakır, Mardin, Batman, Şırnak, Elazığ, Muş et Hakkari) ont vécu sous couvre-feu. Le coût humain de cette reprise des affrontements est lourd. Entre l’été et les élections de novembre, 126 civils ont ainsi perdu la vie selon la Fondation des droits de l’Homme de Turquie (Türkiye İnsan Hakları Vakfı) alors que les populations fuient les quartiers touchés par les combats21. Ce retour de la guerre en Turquie n’a pas été sans conséquences sur les élections de novembre 2015. L’AKP a retrouvé sa majorité absolue tandis que le HDP a perdu des voix, parvenant malgré tout à passer le seuil des 10% nécessaire pour être représenté à la Grande Assemblée nationale de Turquie. Ce résultat semble être le résultat de la guerre sur le scrutin: à l’Est de la Turquie, le conflit a ravivé une dynamique de polarisation, alors qu’elle a conduit une partie de l’électorat des grandes métropoles de l’Ouest à se détourner du HDP en novembre.

Le contexte de polarisation né de la reprise des hostilités a permis à l’AKP de se renforcer dans de nombreuses régions de l’Est. La formation gouvernementale enregistre plus de 10 points de progression de nombreuses régions touchées par les attaques du PKK qui ne constituent pas des bastions des partis pro-kurdes. Ces provinces touchées par le conflit sont aussi celles dans lesquelles la part des voix pour le HDP baisse le plus (Bingöl, Bitlis, Ağrı et Muş). Il est aussi possible d’observer un changement en terme de mobilisation de l’électorat qui joue au détriment du parti de Selahattin Demirtaş dans les régions de l’Est. Le conflit n’a pas permis de réunir les conditions nécessaires à la tenue d’une campagne électorale apaisée. Le niveau de violence dans certaines villes, les nombreuses arrestations de cadres du parti par la police, les attaques menées par des groupes nationalistes et, de manière plus prosaïque, le coût financier de cette deuxième campagne électorale ont entravé l’action du HDP et grandement démobilisé sa base électorale. Cela s’est traduit par une baisse de la participation dans la plupart des régions où le HDP avait obtenu des résultats élevés en juin, ce qui eut un impact négatif pour le parti pro-kurde, en particulier dans les régions où il est le moins bien implanté. A l’inverse, la peur du désordre et de la guerre peut expliquer le regain de participation qui a joué en faveur de l’AKP dans de nombreuses régions telles que Urfa, Adıyaman et Maraş. Le parti de Recep Tayyip Erdoğan a aussi profité de la mobilisation des milieux conservateurs dans des lieux où l’implantation du vote islamiste est ancien comme Bingöl et Elazığ, bastions du Refah au cours des années 1990. Enfin, la plupart des transferts de voix se sont fait en faveur du parti au pouvoir, qu’ils soient le fait d’électeurs ayant délaissé le Saadet (Parti de la félicité) ou le BBP (Parti de la grande unité), ou qu’ils résultent de la non participation au scrutin du Hüda-Par (ex-Hizbullah) qui a favorisé la percée de l’AKP là où ce dernier avait récolté un nombre significatif de voix comme à Batman ou Bitlis. Ailleurs, la posture belliqueuse du parti de Recep Tayyip Erdoğan lui a permis de bénéficier d’importants transferts de voix venues de l’extrême droite, comme à Iğdır où il enregistre sa plus forte progression.

Dans les grandes villes de l’Ouest et dans les métropoles côtières, le conflit semble avoir désolidarisé du HDP une partie de ses électeurs de juin. De la même manière que dans les régions de l’Est, la responsabilité du PKK dans la reprise des hostilités a pu jouer contre le vote HDP. Même si les résultats montrent que le HDP recule moins dans les régions de l’Ouest que dans certaines régions de l’Est, en nombre de voix, le parti a perdu davantage de suffrages à Istanbul que dans l’ensemble des quatre provinces de l’Est où il a vu son résultat baisser le plus fortement (Bingöl, Bitlis, Ağrı et Muş). Les pertes très importantes du HDP dans ces régions représentent près de 40% des voix perdues par le parti en Turquie. En d’autres termes, si le HDP a réussi une nouvelle fois à passer le seuil des 10% et à entrer au parlement à l’issue des élections du 1er novembre, il a cependant échoué à rassembler autour de lui le mouvement kurde et l’ensemble des forces progressistes de Turquie, objectif pourtant à l’origine de sa création.

Impasse politique dans un contexte régional en tension

Le retour de la guerre sur le territoire turc a eu deux conséquences pour le parti pro-kurde : il a remis en question son influence dans une partie des régions de l’Est du pays et l’a éloigné d’un nombre important de ses électeurs des grandes métropoles de l’Ouest. La violente polarisation du débat politique place ainsi le HDP dans une position qu’il souhaitait justement éviter: s’il s’impose dans les régions du Sud-Est, il apparait cependant marginalisé à l’échelle nationale. L’absence de réaction d’envergure de la part des autres formations politiques face à la répression violente qui continue de s’abattre sur certaines villes de l’Est place le parti pro-kurde et ses partisans dans un face-à-face avec les forces de sécurité étatiques. En janvier 2016, les arrestations d’universitaires ayant signé une pétition intitulée « Nous ne serons pas complice de ce crime » et demandant la fin des hostilités ont aussi illustré l’atmosphère politique tendue régnant dans le pays et ne permettant pas l’ouverture d’un espace politique favorable à la discussion à moyen terme. Cette situation renforce également chez de nombreux membres du parti l’idée qu’une solution politique durable réside moins dans une intégration au jeu politique turc que dans le développement d’une autonomie démocratique des régions kurdes sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui en Syrie. Dans un contexte régional marqué par d’extrêmes tensions entre la Turquie et la Russie en Syrie et une présence militaire turque de plus en plus importante dans le nord de l’Irak, l’amélioration des relations entre Ankara et le PKK sur les différents lieux de conflit dans la région ne semble pas à l’ordre du jour. Le risque est alors grand de voir la détérioration de la situation en Irak ou en Syrie aggraver davantage la situation en Turquie.

  • 1. Nom donné aux régions d’Afrin, de Kobané et du Djézireh contrôlés par le PYD.
  • 2. Ces quatorze régions de l’Est et du Sud-Est sont les suivantes : Ağrı, Bingöl, Bitlis, Muş, Van, Şanlıurfa, Kars, Ardahan, Diyarbakır, Mardin, Şırnak, Hakkari, Batman et Siirt
  • 3. Pour les projections démographiques de l’U.S. Census Bureau
  • 4. Hussar, William J. (National Center for Education Statistics) and Bailey, Tabitha M. (HIS Global Insight),Projections of Education Statistics to 2022, U.S. Department of Education, February 2014.
  • 5. Dans l’argumentaire de la plainte est citée une étude de Richard Sander et Medha Uppala, The Evolution of SES Diversity in the Applicant Pool of Highly Selective Universities, 1994-2012, qui est restée introuvable pour les auteurs
  • 6. L’Executive Order 9981 est signé par le Président Harry S. Truman le 26 juillet 1948. Il met fin à la ségrégation dans les forces armées après un long combat pour les droits civiques des Afro-Américains dans l’armée mené, entre autres, par A. Philip Randolph et la League for Non-Violent Civil Disobedience Against Military Segregation.
  • 7. Lipson, Daniel N., « Where’s the Justice? Affirmative Action’s Severed Civil Rights Roots in the Age of Diversity », in Perspectives on Politics, Vol.6, n° 4, December 2008.
  • 8. Sur ce sujet, voir notamment le rapport de la National Association for College Admission Counseling, Report of the Commission on the Use of Standardized Tests in Undergraduate Admission, September 2008
  • 9. Desilver, Drew, « Supreme Court says states can ban affirmative action; 8 already have », Pew Research Center, FactTank, 22 April 2014
  • 10. Janowitz, Morris and Moskos, Charles, “Racial composition in the All-Volunteer Force”, Armed Forces and Society, 1974.
  • 11. Kim, Young, M., Minorities in Higher Education, 24th Status Report, American Council on Education, 2011.
  • 12. David W. Pitts, « Diversity, Representation, and Performance: Evidence about Race and Ethnicity in Public Organizations”, in Journal of Public Administration Research and Theory, Vol. 15, n° 4, October 2005.
  • 13. Paul D. Umbach, « The contribution of faculty of color to undergraduate education », Research in Higher Education, Vol. 47, n° 3, May 2006.
  • 14. Hinrichs, Peter, « The effects of affirmative action bans on college enrollment, educational attainment, and the demographic composition of universities », The Review of Economics and Statistics, Vol. 94, n°3, 2012.
  • 15. Jusqu’en 1985, la dictature militaire instaurée vingt ans plus tôt ne laissait que peu de champ aux revendications relatives à l’égalité des chances.
  • 16. Pour le Brésil, la mise en œuvre d’une politique de discrimination positive possède un intérêt géopolitique indéniable dans la relation qu’il entretient avec le continent africain. Bien qu’anciens, les liens entre les deux entités, qui s’étaient distendus pendant la dictature militaire, se sont resserrés sous la présidence Lula, ce dernier s’étant rendu, au cours de ses douze visites officielles dans vingt-et-un des cinquante-trois pays du continent africain. Parallèlement, les échanges commerciaux entre Brésil et Afrique ont été multipliés par plus de six, passant de quatre milliards de dollars en 2000 à quelque vingt-six milliards en 2012. Bien que les autorités brésiliennes se défendent d’utiliser la question ethnique dans leur action diplomatique à des fins d’apaisement social, l’annulation de la dette de douze pays subsahariens pour un montant total de neuf cents millions de dollars annoncée en mai 2013 peut être interprétée comme un message adressé davantage adressé aux cent millions de Brésiliens dont la couleur de peau couvre toutes les essences de café, de bois et de chocolat qu’aux Africains.
  • 17. Observations faites et entretiens réalisés à Ankara, Diyarbakır et Şırnak, mai et juin 2015.
  • 18. Observations faites à Diyarbakır , juin 2015
  • 19. Voir au sujet de cette double dynamique Cuma Çiçek, « Türkiyelileşirken Kürdistanileşmek », Birikim, 12 juin 2015. http://www.birikimdergisi.com/haftalik/1494/turkiyelilesirken-kurdistanilesmek#.Vm2F-mThC2w
  • 20. Au sujet des événements de Kobane à Istanbul, voir l’article de Jean François Pérouse, « L’entrée d’Istanbul dans la guerre en Syrie ? », blog de l’Observatoire de la vie politique turque (OVIPOT), https://ovipot.hypotheses.org/10558, 14 octobre 2014
  • 21. Selon la même institution, c’est 224 civils qui ont perdu la vie entre le 16 août 2015 et le 5 février 2016, faisant de 2015 l’année plus meurtrière pour les civils depuis l’accession au pouvoir de l’AKP en 2002, http://tihv.org.tr/guncel-16-agustos-2015-5-subat-2016-sokaga-cikma-yasaklari-ve-sivillere-yonelik-yasam-hakki-ihlalleri/.
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