Le Brexit, symptôme d’une Europe qui doit se réveiller

 

Par Christian Lequesne

 

C’est inédit dans l’histoire de la construction européenne : le peuple d’un Etat membre a décidé à une petite majorité de quitter l’UE. La décision devrait être effective, à moins que des élections anticipées en Grande-Bretagne ne viennent remettre en cause les résultats du Brexit. Mais, compte tenu du fonctionnement de la démocratie britannique, cela semble très peu probable.

Le gouvernement britannique (de transition) ne semble pas pressé d’utiliser l’article 50 du traité sur l’Union européenne qui permet de négocier le retrait formel. Il en va de même des eurosceptiques les plus durs au sein du Parti conservateur qui ont appelé à voter pour le Brexit. On se rend compte chaque jour en Grande-Bretagne que négocier sa sortie de l’UE sera beaucoup plus difficile que ne l’imaginaient les « Brexiters ». Et surtout, avant d’entamer la négociation de leur sortie formelle, les Britanniques aimeraient avoir des garanties de la part des autres Européens sur les liens qu’ils conserveront avec le marché européen : membre de l’Espace économique européen comme la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, signataire d’un accord bilatéral sur le marché intérieur comme la Suisse, membre d’une Union douanière comme la Turquie, simple signataire d’un accord de libre-échange comme le Canada. Dans le fond, malgré le vote sur le Brexit, les Britanniques continuent à espérer avoir un pied à l’intérieur et un autre à l’extérieur de l’Union européenne. 

Sur le plan politique, l’effet de contagion risque d’être délétère. Aux Pays-Bas, au Danemark, en Hongrie ou en République tchèque, certains se demanderont pourquoi ne pas tenter ce que le Royaume-Uni a réussi. En France, les leaders du Front national ont été les premiers à se réjouir des résultats du Brexit. Seule la sortie de l’euro est visée dans les discours. La sortie de la Grande-Bretagne aura donc des conséquences énormes pour ce pays, mais aussi pour l’ensemble de l’Union européenne. Après tout, le débat britannique sur le Brexit ne fait que mettre au grand jour la crise générale de légitimité de l’Union européenne et les tentations de nombreuses forces politiques de détricoter le processus d’intégration. Ce ne sont pas les Britanniques seuls qui ont inventé l’euroscepticisme. Mais le référendum lui a donné des ailes, partout.

Le Brexit est aussi le résultat d’un manque de projet crédible de la part des partis traditionnels des Etats membres, qui croient en l’avenir de l’Europe. La relance n’est maintenant pas seulement souhaitable, elle est indispensable. Voilà plus de huit ans que l’Union européenne gère des crises (de l’euro, des réfugiés, du Brexit) sans pouvoir se projeter en avant. Il faut bien qu’à un moment l’Union européenne retrouve le chemin de l’avenir en proposant un nouveau projet politique, par exemple autour d’une zone euro réformée. La seule chance de cette relance est que Paris et Berlin réussissent à trouver un compromis après les élections de 2017. Tout dépendra de qui sera élu président en France et chancelier à Berlin. Chacun devra mettre de l’eau dans son vin. Les Français devront accélérer les réformes structurelles de leur économie, malgré les corporatismes archaïques qui feront front. La résistance à la réforme du marché du travail introduite par le gouvernement Valls en a été récemment une belle illustration. Les Allemands devront partager plus volontiers les dividendes de leur relance par une solidarité financière assumée. Le populisme allemand visant à affirmer qu’il ne faut plus payer un sou est aussi délétère que le conservatisme social français pour l’avenir du projet politique européen. 

Une chose est positive : les termes de l’avenir du projet politique européen sont posés de manière ouverte. Le débat du Brexit a au moins cette vertu de rendre désormais impossible la politique de l’autruche. 

   

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