Chaire CERI-Cérium

Chaire CERI-CERIUM en études internationales

La Chaire CERI-CERIUM a été créée en 2017 par la signature d'un accord entre Sciences Po et l'université de Montréal. Consacrée à la fois à l'enseignement et à la recherche, son but était de développer des activités de formation des doctorants afin de transmettre des savoirs fondamentaux, de constituer un lieu d’échange autour d’enquêtes empiriques en cours et de créer un réseau transnational de jeunes spécialistes.

Entre 2017 et 2019, les travaux de la chaire, portant sur les problématiques contemporaires du policing , ont été co-animés par Gilles Favarel-Garrigues, directeur de recherche CNRS au CERI, et Samuel Tanner, professeur adjoint à l’Ecole de criminologie de l’université de Montréal.

Le second volet de la chaire (2019-2021) porte sur les transformations et les reconfigurations de l’espace politique en Amérique latine. Les activités sont co-animées par Françoise Montambeault, professeure associée au département de Science politique de l’Université de Montréal et directrice de l’ÉRIGAL (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur la Gouvernance en Amérique latine) et Olivier Dabène, professeur des universités à Science Po, chercheur au CERI et directeur de l’OPALC (Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes de Sciences Po Paris).

Volet 2019-2021 - L'Amérique latine en mouvement

Dans les années 1980 et 1990, les relations État-société en Amérique latine sont marquées par des réformes démocratiques et par le tournant néolibéral de l’économie. Les politiques économiques orientées vers le marché modifient les structures de gouvernance et marginalisent la société civile. Historiquement organisé de manière corporatiste (une forme d’inclusion "contrôlée"), le rapport des citoyens à l’État devient plus individualisé et souvent inégalitaire, soit une citoyenneté de "consommateurs" ou de "bénéficiaires". Malgré l’arrivée de gouvernements démocratiquement élus et le virage à gauche des années 2000, les caractéristiques historiques d’exclusion sociale et d’inégalités économiques, ainsi que les scandales de corruption et la violence endémique tendent à se perpétuer.

De plus, certaines pratiques de gouvernance autoritaires semblent faire un retour dans l’espace public : répression des mouvements sociaux, coups d’État institutionnels, rôle accru de l’armée, et violences structurelles. Issu d’insatisfactions des sociétés latino-américaines vis-à-vis des gouvernements néolibéraux, le "virage à gauche" du début des années 2000 symbolisait jusque tout récemment une promesse de transformation profonde des structures de gouvernance, des modes d’inclusion, du système économique et des relations État-société. Or, cette vague sans précédent de gouvernements de gauche s’est affaiblie dans les dernières années, et ses promesses n’ont pas nécessairement été remplies. D’anciennes et de nouvelles forces politiques et sociales conservatrices ré-émergent ou apparaissent dans l’espace public, entrainant des reconfigurations politiques, sociales et institutionnelles et questionnant la qualité de la démocratie, de ses institutions et de ses pratiques, ainsi que les pratiques des mouvements sociaux, par exemple. Enfin, la crise sanitaire de la dernière année est venue mettre en relief cette instabilité latente. Comment les dynamiques de gouvernance évoluent-elles lorsque les modèles de développement économiques et politiques deviennent incertains ? Quel est l’impact de ces transformations sur les acteurs politiques et sociaux dans la région ?

Ces questionnements sont au cœur des discussions et des travaux des membres de la Chaire CERI-CERIUM depuis fin 2019. Ces travaux sont organisés autour d’une série de rencontres et d’activités qui permettent de déployer les activités de recherche des membres autour de ces questions, et de développer des collaborations de recherche autour d’une école d’été ainsi que d’un projet de publication. La Chaire engage aussi les membres des groupes de recherche dirigés par les deux co-titulaires (l’ÉRIGAL et l’OPALC) qui contribuent aussi au développement de projets de recherche communs.

Description de l’équipe : co-titulaires et coordination

Françoise Montambeault est professeure agrégée au département de science politique de l’Université de Montréal, membre du CERIUM, du Centre de recherche sur les politiques et le développement social (CPDS) et membre fondatrice du Réseau d’études latinoaméricaines de Montréal (RÉLAM), qu’elle a d’ailleurs co-dirigé pendant 3 ans (2016-2019). Issue des collaborations nées entre les politologues au sein du RÉLAM, elle dirige maintenant l’Équipe de recherche interuniversitaire sur l’inclusion et la gouvernance en Amérique latine (ERIGAL), une équipe de recherche en fonctionnement financée par le FRQSC (2019-2023) qui développe une programmation de recherche sur 4 ans portant sur la gouvernance, l’inclusion et la citoyenneté en Amérique latine et se déployant en trois grands volets, soit l’étude des institutions, de l’informalité dans l’espace public et des conflits. Ses recherches actuelles (financées par le CRSH) portent sur la participation citoyenne, les transformations des formes d’engagement dans l’espace public en mutation et les interactions entre ces formes de participation institutionnelle et émergentes avec les processus d’inclusion et de (re)définition/transformation des frontières des régimes de citoyenneté. Ses terrains de recherche sont situés principalement en Amérique latine, et notamment au Brésil, au Mexique et en Bolivie.

Olivier Dabène est professeur de science politique à Sciences Po et chercheur au CERI où en 2007 il a créé et préside l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (OPALC). Au sein de l’OPALC et en collaboration avec un réseau de chercheurs, il développe deux projets de recherche. Le premier est financé depuis 6 ans par la Fondation Charles Léopold Mayer pour les progrès de l’homme (FPH) pour étudier les rapports entre participation citoyenne et gouvernance en Amérique latine. En collaboration avec l'ONG Transparence international (chapitre Colombie), il a déjà débouché sur la publication en 2019 d’un ouvrage sur "Les effets des processus participatifs sur l’action publique" et d’une web-série (Protestas). Le second projet s’attache à étudier le cycle électoral 2017-2019 en Amérique latine en questionnant la thèse d’un "virage à droite". Les recherches personnelles d’Olivier Dabène portent sur les expressions artistiques et la démocratie, thème sur lequel il a publié en 2020 un ouvrage intitulé "Street Art and Democracy in Latin America" (Palgrave).

La coordonnatrice de la Chaire est Garance Robert, étudiante au doctorat au département de Science politique de l’université de Montréal. Ses recherches portent sur l’interprétation et l’utilisation des normes de droits humains par les groupes de défenseur.es de droits au Nicaragua et au Guatemala.

Activités et formation des étudiants

Les principales activités se déclinent en trois types d’opérations. Une retraite d’écriture ainsi qu’une journée d’étude à Montréal étaient prévues au printemps 2020 ainsi qu’un évènement de diffusion à Paris en 2021. Suite à la pandémie, ces activités ont été reportées et modifiées comme suit :

- Rencontres (depuis l’automne 2019, maintenues) en visio-conférence, entre les titulaires, les doctorants et post-doctorants de la Chaire : échange sur les questions des bouleversements contemporains en Amérique latine, notamment liées aux vagues de protestation de 2019. Avec l’irruption de la pandémie, le groupe a décidé au milieu de l’année 2020 de se concentrer sur les effets de cette crise au sein de leurs différents domaines d’intérêts. Plusieurs groupes se sont alors constitués autour des thématiques suivantes : politiques publiques, citoyenneté, violences, mobilisations, élections et peuples autochtones.

- École d’été du CÉRIUM (juin 2021, en ligne). Avec leurs invités, les titulaires de l’École d’été invitent les participant.es à se pencher sur les questions qui guident les réflexions de la chaire en alliant apprentissage théorique et pratique. Elle propose une grande diversité de modalités pédagogiques adaptées à l’enseignement en ligne afin d’y engager ses différents publics : conférences avec des chercheurs spécialistes de la région, et séances d’échange sous la forme d’ateliers, de discussions et de débats, en particulier avec des acteurs de terrain.

Projet de publication commune (sortie à l’automne 2021) : Comme produit de l’aboutissement des réflexions de chacun des groupe sur leurs thèmes d’intérêt spécifique, les co-titulaires de la chaire sont en cours de coordination d’un projet de publication d’un numéro spécial qui regroupera des articles co-rédigés par les membres du groupe. 

Volet 2017-2019 - Transformations contemporaines du policing : objectifs et perspectives scientifiques

La notion de transformations contemporaines du policing se réfère à l’ensemble des pratiques visant à maintenir l’ordre et à lutter contre la déviance. Ces pratiques impliquent des acteurs publics ou privés, étant entendu que cette distinction est souvent brouillée par des statuts hybrides. Elles peuvent être menées dans la légalité ou hors de tout cadre juridique, au sein d’une institution ou "par le bas". Si les pratiques de surveillance et de coercition conservent leur dimension physique, elles sont désormais également éprouvées dans l’espace numérique, ce qui constitue l’une des transformations fondamentales auxquelles elles sont actuellement confrontées.

Trois grandes thématiques ont être abordées dans le cadre de ce programme : la coproduction du policing, les pratiques de vigilantisme et d’auto-justice et l’usage des nouvelles technologies dans les missions de police.

1. La coproduction du policing

La "pluralisation" ou la "multilatéralisation" des institutions en charge de la lutte contre la criminalité et du maintien de l’ordre constitue l’une des principales évolutions des missions de police dans le monde contemporain. Ces dernières sont partiellement déléguées à des acteurs qui sont soit des prestataires privés, soit des citoyens désireux de s’engager dans le maintien de l’ordre. Sujette à des débats académiques visant à la qualifier ("pluralisation", "assemblage", "gouvernance nodale", etc.), la coproduction du policing concerne l’ensemble des missions de police. Dans le domaine de la sécurité publique, la police au niveau local s’appuie fréquemment sur des dispositifs tels que neighbourhood watches ou  "voisins vigilants ". Diverses formes de community policing peuvent être ici envisagées, sachant que le tissu social local, notamment le monde de l’entreprise, peut plus ou moins activement contribuer au financement de cette mission. Dans le domaine de la lutte contre la délinquance, les acteurs privés impliqués sont aujourd’hui pléthoriques, qu’il s’agisse d’entreprises spécialisées dans les prestations de sécurité ou de départements de gestion des risques au sein des firmes censées collaborer avec la police dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ou le blanchiment. Enfin, en ce qui concerne la "police de souveraineté" chère à Dominique Monjardet, la répression des opposants politiques ou des leaders syndicaux peur s’appuyer sur des escadrons de la mort ou des "polices parallèles", souvent immergées dans le milieu criminel. Une attention particulière doit être accordée aux reconfigurations de la lutte contre les grandes menaces, non seulement le terrorisme, mais aussi l’extrémisme violent. L’évolution des usages du droit (en particulier dans les démocraties occidentales), ainsi que des pratiques de surveillance et de production de renseignement dans le contexte postérieur aux révélations d’Edward Snowden en 2013, font également objet d'étude. En quoi ces révélations mettent-elles en évidence des pratiques contemporaines de surveillance de masse au nom de la lutte contre le terrorisme ? En quoi les dispositifs de surveillance élaborés pour lutter contre le terrorisme sont-ils employés à d’autres fins, dont notamment l’analyse des habitudes de consommation des utilisateurs du web, par des acteurs commerciaux ? En quoi les citoyens contribuent-ils à la surveillance et à la répression gouvernementale, par exemple lorsqu’ils aident la police à identifier les auteurs d’un attentat ?

2. Le vigilantisme

Le vigilantisme constitue le mode d’action de citoyens qui s’érigent en justiciers autoproclamés afin de se substituer à des autorités perçues comme indifférentes ou impuissantes, voire même comme responsables du développement du crime et d’autres problèmes sociaux. Il renvoie ainsi à une forme de volontariat conduisant des citoyens à exercer des missions de police. Dans ces conditions, conformément aux travaux de Les Johnston, l’ordre s’entend de deux façons distinctes. Une première réfère à l’ordre social, où la coercition s’exerce contre toute personne dont l’action dévie de la norme. Dans ce cas, le vigilante entend faire respecter une loi existante, insuffisamment mise en œuvre à ses yeux. Cette forme de vigilantisme renvoie alors au contrôle social. Le cas classique des Minutemen aux États-Unis, qui se chargent de repousser les migrants illégaux à la frontière avec le Mexique, et en collaboration plus ou moins conflictuelle avec les autorités, en constitue un exemple. Plus proche de ce que Les Johnston nomme "contrôle sociétal", une seconde variante renvoie quant à elle à la surveillance et la répression des personnes, dont les attributs ne correspondent pas à une norme ethnique, communautaire, religieuse, nationale ou culturelle dans une société donnée. Citons les pratiques et répertoires d’action de groupes de droite radicale, ou d’extrême-droite, tel que le Ku Klux Klan. Par ailleurs, le vigilantisme nécessite de s’appréhender tant dans sa dimension physique que numérique. Si la coercition physique caractérise généralement le premier cas, la coercition numérique, quant à elle, consiste à conférer une visibilité non désirée à des cibles – alors arme d’humiliation massive – et qui deviennent vulnérables au harcèlement de la communauté du web.

3. Les technologies du policing et de la surveillance

Reposant sur le concept d’instrumentation, la technologie est envisagée comme "un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur". Dès lors, et tout en s’écartant d’une vision déterministe, dite de la "boîte noire", qui envisage les technologies strictement du point de vue de leur efficience, le projet a opté, au contraire, pour leur appréhension sous l’angle de leur espace de formulation, du contexte de leur appropriation, ainsi que du point de vue de leurs impacts sociaux. Il s’est intéressé en particulier aux enjeux de gouvernance algorithmique et de policing/sécurité par les données, abordant ainsi la question du Big Data et de la sécurité. L’impact du numérique en matière de sécurité, de la surveillance et de la coercition a été également abordé, tout comme la question de la police prédictive et, enfin, de l’adoption de caméras portables par les organisations policières. À l’ère de l’exposition croissante de la vie privée sur les réseaux sociaux, la recherche s’est aussi intéressé à la surveillance latérale, ou sociale, c’est-à-dire aux pratiques de surveillance mutuelle des utilisateurs du web, par le bas, et en dehors de toute contrainte institutionnelle ou commerciale, et aux impacts parfois contraignants pour les cibles que ces pratiques peuvent causer (par exemple le cyber-harcèlement).

Activités et formation des étudiants

Les principales activités de la chaire se sont déclineées en trois types d’opérations :

- Huit séminaires de recherche et de formation, en visioconférence avec les doctorants en France et au Québec (2 par semestre sur une durée de 2 ans). Chacune des thématiques abordées par la recherche a fait l’objet de deux  séminaires organisés autour de lectures dirigées et de présentation des travaux des étudiants. Pour chacun des séminaires ont été invités des conférenciers dont les travaux portent sur la thématique étudiée. Le premier d’entre eux a eu lieu le 22 février 2018 autour des travaux sur le vigilantisme numérique d’une équipe dirigée par Daniel Trottier (Erasmus University Rotterdam).

- Deux écoles d’été, en 2018 et en 2019, dont la première s'est tenu à Paris et la seconde à Montréal. Réunissant une dizaine de doctorants, chaque école d’été a fait intervenir 4 à 5 experts locaux qui ont présenté leurs travaux respectifs et participé aux discussions axées sur les travaux des étudiants.  Pour en savoir plus, cliquez ici.

- Enfin, chacun des co-titulaires a présenté des conférences et des liens ont été tissés en vue de la direction des étudiants en cotutelle.

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