Résumé de la thèse de Céline Goffette
Le contexte social du tabagisme : l’influence de l’environnement familial et professionnel sur les pratiques individuelles
Directeur : Alain Chenu
Thèse soutenue
le 15 novembre 2012
Mention très honorable avec les félicitations du jury
Jury : Basile Chaix, Alain Chenu (dir.), Myriam Khlat, Patrick Peretti-Watel, Sandy Tubeuf, Louis-André Vallet
L’objectif de cette thèse est de rendre compte de l’ancrage social des comportements tabagiques. Il s’agit d’évaluer dans quelle mesure la consommation de tabac ne relève pas uniquement d’une pratique individuelle, mais possède une dimension sociale et collective. Jusqu’à présent, l’étude des déterminants de la consommation de tabac s’est essentiellement centrée sur l’individu. Cette étude se propose d’élargir le champ en s’intéressant au contexte social des pratiques tabagiques. L’enjeu de la thèse est d'identifier des facteurs contextuels jouant un rôle déterminant dans la consommation de tabac et étant susceptibles d'interagir avec les facteurs individuels, en renforçant ou atténuant leurs effets. Deux environnements sont étudiés : l’environnement familial et l’environnement professionnel.
Le contexte familial : un environnement qui pèse fortement sur les pratiques
Les données de l’Enquête décennale Santé 2002-2003 de l’Insee ont été exploitées dans le but de déterminer quelle part des comportements tabagiques peut être expliquée par le fait que l’on appartienne à un ménage donné, puis d’évaluer la sensibilité des individus au contexte familial. Il ressort des analyses que près de 40% de la probabilité d’être fumeur relève des caractéristiques du ménage dans lequel on vit. Autrement dit, en ce qui concerne les disparités de comportements tabagiques, les caractéristiques du ménage « pèsent » presque aussi lourdement sur les pratiques que les caractéristiques individuelles. Au delà de ce premier constat, on montre également que le poids des facteurs familiaux diffère selon les caractéristiques individuelles : les personnes présentant les facteurs de risque individuels les plus pénalisants sont également les plus sensibles à l’environnement familial. Celui-ci pouvant renforcer l’effet des facteurs de risque individuels, il y a donc un potentiel cumul des risques.
Variations européennes de la concordance familiale des pratiques tabagiques
Une analyse comparative à l’échelle européenne a ensuite permis de comparer l’importance de la concordance familiale des pratiques tabagiques dans différents pays présentant des contextes variés au regard des pratiques tabagiques. Ce volet, en mettant à profit les données du Panel Européen des Ménages, a permis de montrer que le « poids » du ménage sur le risque de fumer varie substantiellement entre pays : 40% du risque lui est attribuable en France, moins d’un tiers en Grèce et plus de la moitié au Danemark. Les pays européens, de par la variété de leurs contextes historiques, culturels et législatifs, se situent à des stades différents du « processus de diffusion » du tabagisme. L’idée d’un schéma global de diffusion a été empruntée à l’épidémiologie. D’après ce modèle, la diffusion du tabagisme prend la forme d’une « épidémie » : les comportements tabagiques sont d’abord adoptés par les classes supérieures, puis les classes populaires sont à leur tour « contaminées », avant que les classes supérieures n’abandonnent progressivement ces pratiques. Au terme du processus, la consommation moyenne de tabac au sein du pays est faible et concerne surtout les catégories sociales les moins favorisées. Nos résultats indiquent que le contexte devient de plus en plus important, relativement aux caractéristiques individuelles, au fur et à mesure de l’avancée dans le processus de diffusion.
L’exposition aux facteurs de risques psychosociaux au travail : une situation liée au tabagisme chez les femmes
Les différences de consommation de tabac entre groupes socioprofessionnels et secteurs d'activité sont de mieux en mieux documentées, mais restent pour l’instant largement inexpliquées. Notre hypothèse était que les conditions de travail, qui sont très contrastées selon le groupe socioprofessionnel et le secteur d'activité, pourraient constituer des incitations à la poursuite de l’activité tabagique ou au contraire favoriser son arrêt, et ainsi expliquer une part des disparités socioprofessionnelles et sectorielles de tabagisme. Si l’exposition aux facteurs de risques psychosociaux ne permet pas de rendre compte des disparités observées, on constate en revanche que le stress professionnel est lié au tabagisme, mais chez les femmes seulement.