L'observatoire : un outil nécessaire à la compréhension des faits religieux

Auteur(s): 

Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS & directeur du CERI

Philippe Portier, directeur d’études à l’EPHE, GSRL

Date de publication: 
Novembre 2021

Chères Lectrices, chers Lecteurs,

L’Observatoire international du religieux n’avait plus rédigé de bulletin depuis deux années. Ce silence n’était que temporaire ; le besoin de compréhension des phénomènes religieux demeure entier et la complexité des enjeux qu’ils sous-tendent nécessite plus que jamais l’éclairage de spécialistes. Le « retour du religieux » que nous constations en 2016 lors de la création de l’Observatoire ne s’est que confirmé depuis, à la faveur d’une mobilisation renouvelée des acteurs religieux, mais également des États. Ces derniers sollicitent les ressources de sens et la dimension cohésive des religions afin de répondre à l’affaiblissement du politique et à l’incertitude généralisée qui caractérise notre monde.
Pour autant, ce « retour du religieux » ne met pas un terme au processus de sécularisation qui s’observe par ailleurs. Les phénomènes religieux n’ont pas disparu, ils revêtent simplement de nouveaux attributs, en réaction à la fragilisation de leur encadrement institutionnel et au questionnement de leurs fondements doctrinaux.

La démarche méthodologique et épistémologique de l’Observatoire international du religieux conserve les quatre axes qui structuraient jusqu’alors ses activités : déconstruire l’approche essentialiste d’une religion donnée en montrant ses déploiements variables selon le cadre culturel et historique dans lequel elle s’enracine ; souligner les correspondances et les transferts qui s’opèrent entre les différentes formes du religieux ; favoriser une analyse sur le long terme de l’articulation des faits sociaux et des faits religieux ; montrer les jeux politiques, voire l’instrumentalisation du religieux qui a cours dans le processus décisionnel étatique.

L’activité de l’Observatoire se concentre sur la rédaction de six bulletins annuels, pour lesquels les contributions de chercheurs non-francophones seront davantage sollicitées. En outre, pour renforcer son activité de veille, chaque bulletin comprendra désormais un point consacré aux événements scientifiques qui traitent du fait religieux en tant que facteur déterminant des relations intra- et inter-étatiques.

Nous avons choisi de consacrer le dossier ce nouveau bulletin à une thématique incontournable des travaux de l’Observatoire : les relations entre État, religion et armée. Le premier article, rédigé par Samim Agkönül, porte sur la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan et sur l’utilisation de la religion comme facteur de soft et de hard power. L’exemple chinois est par la suite analysé par Benoît Vermander, qui montre que les rapports entre les trois entités ne peuvent se comprendre dans cet État qu’en y intégrant « l’État-parti » et la religion civile. Enfin, Pauletta Otis propose une étude du cas états-unien, en explicitant notamment la place et les fonctions de l’aumônerie militaire dans cet État, de même que les nouveaux défis qui se présentent à l’armée et qui peuvent être appréhendés à partir du prisme religieux : néonationalisme, question des minorités, troubles de stress post-traumatique.

L’Éclairage(S) de ce nouvel opus se concentre sur la chute de Kaboul. Gilles Dorronsoro revient sur l’ensemble des facteurs qui expliquent celle-ci et montre que l’insurrection dont elle constitue la crise finale a été largement sous-estimée par les Occidentaux. Cet événement permet à lui seul de comprendre la stratégie militaire et surtout politique des Taliban.

La Ressource(S) porte enfin sur l’analyse d’une photographie, celle de la nomination de Zsolt Balla en tant que rabbin des forces militaires allemandes, premier aumônier juif de l’armée depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Günther Jikeli y expose les symboliques politiques qui sous-tendent cette nomination, plus particulièrement la lutte contre l’antisémitisme et contre le radicalisme violent de l’ultra-droite.

Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

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