Critique internationale - Sommaire

Edito
5-6

 

Aucun résumé

 

Edito
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Varia
Cette paix qui divise : une analyse de la médiation au Mali par ses effets
Denia Chebli
9-30

Pourquoi le processus de médiation au Mali s’est-il accompagné d’une fragmentation des mouvements armés, en principe engagés sur la voie de la réconciliation ? À rebours des théories économiques sur les guerres civiles, je propose de renverser la proposition centrale qui veut que la médiation soit instrumentalisée par les acteurs : ce ne sont pas les belligérants qui font échouer les négociations par leur rationalité égoïste, ce sont les dispositifs mis en place par la médiation qui, de façon endogène, créent les conditions de la perpétuation du conflit armé. La conviction des médiateurs selon laquelle les ressources économiques permettent de réussir la paix aboutit à la mise en place d’un dispositif qui instaure un système de récompenses pour ceux qui ont fait ou font encore usage de la violence. La médiation constitue alors un site de conversion du capital militaire en capital politique ou économique. Ces gratifications individuelles incitent les groupes armés à ne plus agir collectivement, et créent un système d’appel d’offres où la violence devient un moyen d’accéder à l’État et aux prébendes de l’international. En définitive, ces dispositifs renforcent, voire institutionnalisent les rapports de domination, contribuant ainsi à aggraver la crise à l’origine du conflit.

Varia
La fabrique du secteur de l'environnement en Équateur : l'international par le bas et le quotidien des bonnes pratiques
Louise Rebeyrolle
31-49

Cette enquête ethnographique porte sur la co-construction des politiques environnementales équatoriennes par les agents de l'État et les employé·es de la coopération internationale. Afin de comprendre la formation de ce secteur récent et internationalisé ainsi que ses implications en termes d’action publique, j’analyse les trajectoires et les pratiques quotidiennes de ses professionnel·les. Dans un premier temps, je décris leurs formations et leurs parcours, tant à Quito qu’au niveau provincial, et mets en évidence une socialisation professionnelle commune et des carrières croisées, que l’employeur soit une institution équatorienne ou un organisme international. Dans un second temps, je retrace le processus d’invisibilisation de l’international qui caractérise ce secteur, et ses conséquences sur les pratiques des acteurs : une internalisation de l’international et une généralisation du fonctionnement par projet et de pratiques participatives normatives pourtant présentées comme neutres.

Varia
Esquiver les critiques : les institutions financières internationales face aux politiques de lutte contre la pauvreté au Brésil et au Mexique
Carla Tomazini
51-70

De quelle façon et dans quelle mesure les institutions financières internationales (IFI) sont-elles le moteur des politiques publiques ? Plus précisément, quel est le rôle de la Banque interaméricaine de développement et de la Banque mondiale dans la formulation des programmes de lutte contre la pauvreté au Brésil et au Mexique, connus sous le nom de Conditional Cash Transfert Programs (CCTP) ? L’objectif est ici d’analyser le « rôle cognitif » de ces organisations, mais aussi de nuancer deux thèses courantes : celle de l’imposition des agendas par les IFI et celle de la délimitation marquée entre acteurs nationaux et internationaux. Cette étude révèle, d’une part, que les institutions financières internationales ont intégré une coalition d’acteurs nationaux et internationaux qui défendent la cause du capital humain, d’autre part, qu’en vue d’esquiver les critiques, d’anticiper les controverses susceptibles de naître dans l’opinion publique et d’assurer l’adoption des réformes et leur pérennité cette coalition pro-capital humain a adopté plusieurs stratégies visant à afficher l’autonomie irréductible des acteurs nationaux vis-à-vis des acteurs internationaux. Elle met par ailleurs en évidence la compétition que se sont livrée les institutions financières internationales pour la prééminence et le crédit intellectuel des CCTP.

Varia
Mémoire reconnue et mémoires méconnues du conflit armé colombien : le cas du massacre de Trujillo
Julie Lavielle
71-90

Si la construction de récits publics sur les passés violents est amplement étudiée, la manière dont ces récits interfèrent avec les représentations des groupes auxquels ils s’adressent et dont ils parlent reste peu explorée. Les rapports entre les mémoires locales du massacre du village colombien de Trujillo et une mémoire historique élaborée par une association de victimes qui a acquis une reconnaissance nationale et internationale sont étudiés ici dans une perspective de sociologie de la mémoire. L’enquête empirique révèle qu’il existe un décalage entre cette mémoire historique et les mémoires locales. La faible légitimité de l’association dans le village et l’étiolement des relations entre ses membres ouvrent en effet la voie à une pluralité de façons de se remémorer le massacre. Dès lors apparaissent les limites du récit commun centré sur la souffrance des victimes que l’État colombien essaie de construire depuis les années 2000 : si la douleur des victimes et la construction de la paix semblent être des impératifs à l’échelle nationale, la violence est localement perçue comme fatale et demeure parfois justifiée par les habitants.

Varia
L’union fait-elle la force face à l’autoritarisme tunisien ? Dynamiques d’alliances transidéologiques en France dans les années 2000
Mathilde Zederman
91-110

Si l’« exceptionnalisme » supposé du cas tunisien, fer de lance de la transition démocratique dans le monde arabe grâce au « dialogue » et aux politiques de « réconciliation », a été déconstruit à juste titre, force est de constater l’existence d’une longue histoire d’alliances entre acteurs politiques antagonistes, dont une partie significative s’est déployée au-delà des frontières nationales. J’interroge ici les conditions de possibilité des alliances anti-régime Ben Ali en France, et les conditions de dépassement des polarisations idéologiques entre les principales forces de l’opposition tunisienne depuis l’indépendance : les militants islamistes et ceux des gauches. En analysant les modalités concrètes de ce que la « distance » fait à ce type d’alliances improbables, je montre en quoi celles-ci sont révélatrices des caractéristiques de l’espace des mobilisations et des rapports de force qui s’y jouent. L’union ne fait pas nécessairement la force face à l’autoritarisme, mais elle révèle les rapports de force dans l’architecture de ces luttes en France.

Varia
Entre contraintes et subjectivation politique : le militantisme féminin au Parti de la justice et du développement en Turquie
Prunelle Aymé
111-130

Les possibilités de subjectivation politique dans l’engagement partisan sont ici questionnées à partir d’entretiens et d’observations auprès de militantes de la branche féminine de l’AKP en Turquie. À rebours d’un raisonnement dichotomique en termes d’oppression et d’émancipation, il s’agit d’étudier les incidences de l’engagement sur les trajectoires des militantes, notamment à travers leur réappropriation des normes de genre. La notion de subjectivation politique s’applique ici dans trois domaines : la transformation des rapports quotidiens à l’espace et au temps ; la négociation des rôles familiaux et les rappels à l’ordre qui l’accompagnent ; l’accès à des rétributions symboliques, matérielles et professionnelles. L’étude des dispositifs encadrant le militantisme confirme que la subjectivation a lieu sous contrôle institutionnel, qu’elle est limitée par des cadres moraux et conditionnée à la loyauté au parti. Le processus varie toutefois en fonction de la position sociale des enquêtées, révélant l’hétérogénéité interne à l’AKP et les décalages entre l’élite et les militantes de la base du parti concernant leurs discours, leurs pratiques et leurs carrières.

Varia
Sociabilités et ruptures biographiques : retour sur la conversion islamiste de Sayyid Qutb
Giedrė Šabasevičiūtė
131-150

L’analyse renouvelée de la conversion islamiste de Sayyid Qutb (1906-1966) souligne l’intérêt de la notion de sociabilités dans l’étude des ruptures biographiques. Le cadre analytique adopté ici, celui de la sociologie des intellectuels, et l’approche centrée sur les conversions et les sociabilités permettent de tracer les reformulations de l’habitus. La démonstration est soutenue par une critique des travaux existants sur S. Qutb, partant sur l’islamisme, qui privilégient l’analyse de l’idéologie pour expliquer ses ruptures biographiques. Pour contourner ce biais, qui tient à la difficulté d’accéder aux sources autres que sa production intellectuelle, je suggère de saisir cet intellectuel égyptien à travers sa mondanité, accessible par le « bruit textuel » entourant ses pratiques de socialisation. La démonstration de la nature incrémentale de sa conversion et du caractère syncrétique de son projet islamiste nuance le rôle de l’idéologie dans les mobilisations islamistes et met en relief les socialisations plurielles de leurs militants.

Coulisses
Bureaugraphier le HCR : approche empirique et englobante d’une organisation internationale
Giulia Scalettaris
153-172

Je présente ici la démarche théorique et méthodologique qui m’a permis de développer une approche à la fois empirique et englobante de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR). En m’appuyant sur une ethnographie embarquée et des outils d’analyse issus de l’anthropologie politique j’ai étudié le fonctionnement interne de l’organisation et les relations dans lesquelles sont pris ses agents et ses bureaux, ce qui m’a permis de saisir aussi la portée de l’action planétaire de l’organisation des années 2000. En plus de souligner le renouveau théorique que connaît l’anthropologie lorsqu’elle déploie ses méthodes pour étudier des institutions bureaucratiques, le terme de « bureaugraphie » fait ressortir l’importance que l’infrastructure matérielle de l’organisation a eu au niveau de la construction de l’objet HCR et dans l’analyse de mes données. Après une introduction sur le renouveau des études consacrées aux organisations internationales, j’explique comment j’ai pu « désinstituer » le HCR et envisager son dispositif bureaucratique éclaté comme un terrain. Ensuite, je montre la manière dont j’ai délimité le périmètre de mon enquête et décris les procédés qui m’ont permis de passer d’une observation localisée à une réflexion englobante. Enfin, je relate le parcours de distanciation épistémologique qu’il m’a fallu entreprendre pour identifier, dans la production de savoirs experts, une forme d’autorité majeure de l’organisation.

Lectures
Lecture longue
Nicolas Martin-Breteau
175-184

Ibram X. Kendi, Stamped from the Beginning: The Definitive History of Racist Ideas in America, New York, Nation Books, 2016, VIII-582 pages.

Lectures
Lectures courtes
Virginie Dutoya
185-188

Ioana Cîrstocea, La fin de la femme rouge ? Fabriques transnationales du genre après la chute du Mur, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, 306 pages.

Lectures
Lectures courtes
Jacobo Grajales
189-192

Valérie Robin Azevedo, Sur les sentiers de la violence. Politiques de la mémoire et conflit armé au Pérou, Paris, Éditions de l’IHEAL, 2019, 268 pages.

Lectures
Lectures courtes
Lucia Direnberger
193-196

Artemy M. Kalinovsky, Laboratory of Socialist Development: Cold War Politics and Decolonization in Soviet Tajikistan, Ithaca, Cornell University Press, 2018, XIII-316 pages.

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